frapper directement, au moyen d’agents qu’il contrôlerait,
il en livrait l’exploitation à des fermiers. Ceux-ci ne consentaient
à payer les prix convenus pour le fermage /qu’à
la condition de pouvoir s’enrichir et, dans ce but, exigeaient
une liberté d action allant jusqu à l’arbitraire.
^ Le protectorat français envisagea tout de suite les vices
d un pareil régime, mais il dut le laisser subsister pendant
un long temps dans la crainte de perdre, en le modifiant
tout de suite, les recettes qu’il fournissait au budget. C’est
seulement à partir de 1903 que la réforme des mahsoulats
fut sérieusement abordée. On lit à ce sujet dans le Rapport
au président de la République sur la situation de la
Tunisie en 1904, les observations suivantes : « L’impôt
grevant les fruits et légumes frais était primitivement
perçu sur les ventes à raison de 28 p. 100 du prix des
légumes et de 12,80 p. 100 du prix des fruits. Le décret du
29 janvier 1895 fit disparaître l’ancien droit de vente à
Tunis et le remplaça par des droits d’entrée dont le tarif,
conçu de manière à constituer par lui-même un premier
dégrèvement, a été encore notablement abaissé par le
décret du 11 mars suivant, de manière à n’atteindre ces
produits de première nécessité que dans une proportion
de 8 à 10 p. 100 de leur valeur.
« Un décret du 12 décembre de la même année supprima
également le droit de vente dans le reste de la
Regence et le remplaça : 1° dans les villes où la perception
est effectuée aux portes, par des droits perçus à l’entrée,
et, en outre, lorsque les produits étaient exposés en vente,
par des droits de stationnement ; 2° sur tous les autres
marchés par un droit de stationnement constant des denrées
de première nécessité. Le gouvernement fut saisi de
demandes tendant à obtenir une réforme du régime fiscal
des fruits et legumes frais ; mais il avait dû les écarter pour
des considérations budgétaires.
« Ce n’est qu’à la session de mai 1904 de la Conférence
consultative que la question fut nettement posée. La délégation
du troisième collège, estimant que la suppression
des taxes grevant les fruits et légumes constituerait une
première mesure susceptible d’apporter un palliatif au renchérissement
de la vie matérielle, déposa un projet en ce
sens.
« La conférence consultative s’étant prononcée à l’unanimité
moins une voix pour l’adoption de la réforme ainsi
proposée, cette réforme a été réalisée par un décret du
2 juin 1904. »
L administration du protectorat poursuivit la réforme
des mahsoulats et la réalisa en majeure partie par un
décret du 8 décembre 1906. On lit, à ce sujet, dans le Rapport
au président de la République pour 1906, les observations
suivantes : « Les précédents rapports ont décrit
les efforts faits par le gouvernement du Protectorat pour
modifier le régime des droits intérieurs connus sous lé
nom de droits de mahsoulats. Ces droits, qui ôtaient exigibles
sur les ventes et reventes de la plupart des denrées
et produits circulant dans la Régence ou' exposés sur les
marchés, pouvaient grever indéfiniment un même produit.
Ils constituaient un obstacle sérieux aux transactions.
« La réforme a débuté par le remplacement de la plupart
des droits de vente par des droits perçus à l’entrée des
principales villes. Mais elle n’a pu être réalisée que par
étapes successives, de manière à habituer les populations
au nouveau régime et à éviter au Trésor des transformations
de nature à nuire à l’équilibre budgétaire.
« Les principaux droits de vente encore existants en
1906 frappaient des produits intéressant particulièrement
l’industrie et la culture indigènes, notamment les peaux,
les laines et tissus de laine et les dattes. Il n’avait pas
paru possible jusqu’ici de réformer le régime fiscal de ces
produits, parce que cette réforme, conduisant à une moins-
value considérable dont on ne pouvait trouver l’équivalent
dans une modification des taxes qui les grevaient, il fallait
chercher ailleurs la compensation. La Conférence consultative
a admis le principe de cette compensation dans sa
session de mai 1906, et, d’accord avec elle, le gouvernement
a pu réaliser la transformation définitive des derniers
vestiges de l’ancien régime des mahsoulats.