jamais être travaillées exclusivement par des Français. Il
y a pour cela des motifs bien puissants : d’abord il faudrait
un nombre, d’ouvriers très supérieur à celui que nos campagnes
déjà dépeuplées elles-mêmes peuvent fournir à|la
colonisation ; ensuite, le salaire qu’exigerait en Tunisie
un ouvrier français serait trop élevé. Le principal avantage
des pays neufs, c’est que non seulement la terre, mais
encore la main-d’oeuvre y sont à vil prix; c est ce qui
séduit l’Européen et le décide à s’expatrier. S’il renonce
à la patrie, à la famille, aux amis, aux habitudes contractées
depuis l’enfance, à la douceur des climats tempérés, poui
aller coloniser des pays moins civilisés, c est qu il est poussé
par l’espérance de faire plus rapidement fortune dans ces
contrées que dans son pays natal. En Tunisie, la main-
d’oeuvre la plus basse est fournie incontestablement parles
Arabes. Le propriétaire français qui repousse les indigènes
et les éloigne de son domaine commet donc la faute énorme
de se priver de l’ouvrier qu’il aurait au meilleur compte.
Ajoutons qu’il se condamne, en outre, à laisser la majeure
partie de ses terres en friche, car il lui serait impossible
de trouver assez de journaliers, je ne dirai pas français,
mais même maltais ou siciliens, pour les travailler. Seul
l’Arabe se prête convenablement à ces combinaisons de
culture payées' en nature dont nous avons parlé plus haut,
combinaisons grâce auxquelles le propriétaire peut tirer un
gros bénéfice de sa terre, presque sans faire d’avances de
fonds et sans compromettre son capital. Convenablement
dirigées par l’agriculteur français, ces cultures ne peuvent
manquer de donner au sol une valeur plus considérable
qui serait même beaucoup augmentée par le seul fait de la
présence de la population attirée et fixée sur ses terres.
Plus un pays est peuplé, plus en effet les produits du sol,|
particulièrement les produits secondaires, trouvent un
facile écoulement*
« Je ne puis donc qu’applaudir aux efforts faits par le
directeur de l’Ehfida pour attirer et fixer sur cette propriété
des familles et des tribus indigènes. Il augmente
ainsi les revenus du domaine, il accroît sa valeur intrin
sèque, enfin il collabore dans une puissante mesure au
rapprochement des colons français et des indigènes pour
le plus grand profit matériel des premiers et 1 avantage
moral des seconds. »
Le premier soin de la Société franco-africaine fut, en effet,
d’attirer et de fixer sur le domaine del’Enfida le plus grand
nombre possible d’indigènes. « Elle leur consentit, dit
M. Loth (p. 106) des baux de location au prix dê 25 piastres
ou 15 francs (par méchia) soit 1 fr. 50 l’hectare dans les
terrains non irrigables. Un supplément de 5 piastres était
exigé pour chaque méchia en terrain irrigable, soit 18 francs
ou 1 fr. 80 par hectare. En raison de l’état de détresse ou
ils étaient peu à peu parvenus( par suite de l’insécurité
régnant dans tout le pays et aussi de leur humeur batailleuse,
les Ouled-Saïd ne possédaient plus que quelques
milliers de têtes de bétail. Il était donc urgent de les encourager
à reconstituer leurs troupeaux. Dans ce but, la
Société consentit à ne recevoir comme redevance annuelle
de pacage ou « acheba » qu’un agneau par cent brebis et
un chevreau par cent chèvres. » Elle supprima en outre la
« mahouna » ou coutume en vertu de laquelle chaque
cultivateur doit une journée de labour çt une journée de
moisson au propriétaire pour chaque méchia cultivée.
« L’influence de ces mesures ne tarda pas à se faire sentir.
La majeure partie des 3.000 dissidents réfugiés en Tri-
politaine revint s’établir sur le domaine. » En 1886,
lorsque je visitai l’Enfida on estimait à une douzaine de
mille le nombre des indigènes qui s’y étaient établis à
demeure.
Trois villages de Berbères (Takrouïia, Djeradou et
Zeriba) qui existaient depuis longtemps dans les parties
montagneuses du domaine se relevèrent rapidement à la
suite de la mesure bienveillante par laquelle la Société
leur accorda la libre jouissance de l’emplacement de leurs
habitations et des terres avoisinantes. La plupart des
hommes de ces villages devinrent locataires du domaine.
Indépendamment de l’élevage et de la culture, ils se livrent
volontiers à l’apiculture et cueillent l’alfa. G est près du