doive 1 admettre pour les colonies, surtout pour celles
qui sont en voie de création. Ainsi que je Tai indiqué plus
haut, le premier phénomène qui se manifeste, au début de
la prise de possession d'une colonie, c’est une augmentation
considérable des importations des produits européens
destinés aux troupes d’occupation. Ces produits, nouveaux
pour les indigènes ou du moins pour un grand nombre
d’entre eux, tentent leurs convoitises et les excitent à produire
des objets en échange desquels ils pourront obtenir
ceux qu'ils désirent ardemment. Mais il faut un temps très
long pour transformer un pays neuf, imparfaitement
civilisé et pour augmenter dans des proportions très sensibles
sa production agricole ou industrielle. La paresse
héréditaire des habitants, leur ignorance des procédés à
l’aide desquels on augmente la richesse du sol, l’état primitif
des industries locales, l'absence de voies de communication,
etc., sont autant d’obstacles à l’évolution ascendante
des colonies nouvellement conquises, et, pendant
longtemps, celles-ci produisent tout au plus ee qui est
nécessaire aux échanges à l'aide desquels les indigènes
cherchent à satisfaire leurs nouveaux besoins. Pendant
toute cette période, les importations des produits métropolitains
dans la colonie sont fatalement supérieurs aux
exportations de la colonie dans la métropole. Cependant,
si le pays est riche, le chiffre des exportations augmentera,
d une façon sensible à partir du jour de l'occupation, parce
que ses produits étant mieux connus seront plus recherchés
qu ils ne 1 étaient auparavant. C’est précisément ce que
nous avons vu se produire en Tunisie à partir de 1881,
c’est-à-dire à partir de l’année où nos trafiquants ont fréquenté
en plus grand nombre notre nouvel établissement
colonial.
« Cette première considération, tirée de la nature même
des faits économiques qui se produisent nécessairement
dans toute colonie nouvelle, doit nous mettre à l'abri des
craintes exprimées dans la.citation faite plus haut. Au lieu
de nous effrayer de ce que les importations sont actuellement
supérieures, en Tunisie, aux exportations, nous
sommes plutôt tentés de nous en réjouir. La supériorité
des importations est due, en effet, non seulement à ce que
les indigènes recherchent davantage nos produits, mais
encore à ce que le nombre des colons habitués à les consommer
est en voie d’augmentation. Les capitaux apportés
par les colons servent à la fois à enrichir les commerçants
français dont ils achètent les marchandises et les indigènes
qu’ils emploient comme ouvriers. Plus de dix ou quinze
millions ont déjà été importés en Tunisie par les seuls
propriétaires français. Une partie de cette somme est
employée à l’achat des objets de toute nature importés par
la métropole, l’autre est dépensée en salaires dont les ouvriers
se servent pour satisfaire des besoins profitables à
l’industrie européenne. Il résulte nécessairement de tout
cela une augmentation sensible des importations. Celles-ci
resteront supérieures tant que l’agriculture et l’industrie de
la Tunisie n’auront pas atteint un développement tel qu’elles
puissent fournir à la satisfaction de tous les besoins des
colons et des indigènes. Envisagée de cette façon, la supériorité
des importations sur les exportations, bien loin de
nous effrayer, nous apparaît comme un signe des progrès
qu’a faits la Régence dans la voie de la colonisation.
« Je m’empresse d’ajouter qu’un pareil état de choses,
excellent au début d’une colonie, devrait donner des inquiétudes
sérieuses relativement à sa richesse naturelle s’il se
prolongeait indéfiniment, si surtout le chiffre des exportations
n’allait pas en s’accroissant d’année en année d’une
! manière sensible. A cet égard, nous devons être rassurés
sur -Ta-venir de la Tunisie, car nous voyons ses exportations
augmenter rapidement et d’une manière continue
depuis qu’elle a été placée sous le protectorat de la France. »
J ’ajoutais que la marche ascendante du commerce de la
j Régence ne pourrait être enrayée que si l’on n’améliorait
pas les conditions du crédit existant à l’époque où j ’écrivais
et si l’on ne réformait pas les impôts et le régime douanier.
Le crédit ayant été amélioré et le régime fiscal profondément
réformé, surtout au point de vue des douanes,
l’évolution que j’avais prévue s’est réalisée 1 les exporta