de fer. Ils ajoutaient que la construction coûterait beaucoup
plus cher à Carthage qu’à Tunis même, et qu’on risquerait
de compromettre les intérêts et Favenir de Tunis
au profit d’une ville nouvelle.
Ces sentiments étaient sans doute ceux de l’administration,
car elle se décida pour l’établissement du port à
Tunis même. On creuserait dans le lac de Tunis un canal
de 6 m. 50 de profondeur, réunissant le golfe à la ville, et
1 on construirait auprès de cette dernière, dans la partie
la plus envasée du lac, un port bordé par des quais. Les
plus grands navires de commerce qui viennent à Tunis
étant ceux de la compagnie transatlantique, qui calent
5 m. 50 en pleine charge, on estimait qu’en donnant au
canal et au port une profondeur de 6 m. 50, on satisferait
largement à tous les besoins du commerce. Rien, d’ailleurs,
n’empêcherait de creusér ultérieurement le chenal et le
port à une plus grande profondeur.
Quant aux dépenses prévues pour cette oeuvre, elles
avaient d’abord été estimées à 12 millions, puis à 16 millions
de francs. Le 9 décembre 1885, une convention
intervint entre le gouvernement beylical, représenté par
le Directeur général des travaux publics et la Compagnie
des Batignolles. A la convention de 1881 étaient
substituées les stipulations suivantes : dans le délai de
deux mois et demi, et sous peine de déchéance, la Compagnie
des Batignolles devait remettre au Directeur général
des travaux publics le projet complet d’exécution du port
de Tunis, dressé conformément aux indications générales
d’une note annexée à la nouvelle convention. Le projet
déposé par la Compagnie devait être soumis au Conseil
général des ponts et chaussées de France, qui pourrait
y faire toutes les modifications qu’il jugerait nécessaires
ou utiles, et qui fixerait les prix d’application. Le projet
arrêté souverainement par le Conseil serait notifié à la
Compagnie des Batignolles, qui devrait faire connaître,
dans le délai d’un mois, son acceptation ou son refus des
conditions imposées par le Conseil général dés ponts et
chaussées. En cas d’acceptation, la Société des Batignolles
s’engageait à exécuter les travaux pour le compte et aux
frais du gouvernement tunisien. En cas de refus, le gouvernement
tunisien se trouvait délié de tout engagement
vis-à-vis de la Société et pourrait pourvoir à l’exécution
du port par tels moyens qü’il jugerait convenables.
Dans cette convention, il y avait une clause qui no pouvait
manquer de frapper l’esprit : c’est l'intervention souveraine
de l’administration des travaux publics de la France,
dans une affaire exclusivement tunisienne, car c’est la
Régence qui faisait tous les frais de l’entreprise. Est-ce cette
intervention qui entrava la marche de l’affaire ? Je ne saurais
le dire exactement, mais en 1887 les travaux n’étaient
pas encore commencés, et ne paraissaient pas devoir l’être
prochainement.
J’écrivais, à ce propos dans la première édition de ce
livre : « Je saisis volontiers cette occasion pour mettre en
lumière les inconvénients de l’intervention des administrations
centrales dans des affaires dont les pouvoirs
publics des pays de protectorat devraient avoir la direction
et la responsabilité. Le rôle des résidents devient tout
à fait nul, si les affaires dont ils ont la surveillance et le
contrôle sont traitées souverainement en dehors d’eux,
par les bureaux ouïes conseils administratifs de la métropole,
auxquels manquent presque toujours les éléments
nécessaires à un jugement éclairé. Les travaux publics
de la Tunisie ont déjà beaucoup souffert de cet état de
choses, et tout porte, malheureusement, à croire qu’ils en
souffriront davantage encore dans l’avenir ».
Après Tunis, la ville qui avait le plus besoin d’un bon
port était celle de Sousse. L’ancienne Hadrumetum des
Romains est située dans la partie sud du golfe d’Hammamet,
que limitent, au nord la pointe de Ras Marmor et, au sud,
la pointe de Monastir avec lès petites îles qui la prolongent.
La ville de Sousse est bâtie en amphithéâtre sur une
petite colline dont le pied descend jusque dans la mer.
Avec sa muraille blanche, haute de 9 à 12 mètres et crénelée,
la ville produit un séduisant effet. Elle peut être
considérée comme la capitale du Sahel, le pays par excel