CHAPITRE X
l e s ; r o u t e s , l e s ch em in s de f e r e t l e s p o r t s
I L — L’Etat d e s r o u t é s a u m o m e n t d e i / é t â b l i s s e jm e n t
DU PROTECTORAT
En 1887,-dans la première édition de ce livre, je disais
au sujet des voies de communication : « Au moment où la
France a pris le protectorat de la Tunisie, il n'existait dans
ce pays d’autres voies de communication que le chemin de
fer de la Goulette à Tunis et celui de Tunis à Ghardimaou.
Quant aux routes carrossables, il n'en existait pas une
seule. Piétons, chevaux et voitures suivaient des lignes
plus ou moins directes entre les principaux centres de
population de la Régence. Le sol battu sur ces trajets se
transforme en sortes de pistes qui se déplacent peu à peu
selon les besoins de la circulation. Pendant l’été, on peut
parcourir assez aisément sur ces pistes la majeure partie du
pays, non seulement à pied et à cheval, mais encore en
voiture, parce que le sol est durci par le soleil et que les
rivières sont dépourvues d’eau. Pendant l'hiver, la circulation
est fréquemment interrompue par les ruisseaux et les
rivières. Il n'existe, en effet, dans toute la Tunisie qu'une
dizaine de ponts. Quant aux parties montagneuses de cette
contrée, elles n'offrent que des sentiers à peine praticables
pour les piétons et les chevaux. Depuis que la France a
occupé la Régence, la ligne de Tunis à Ghardimaou a été
prolongée jusqu’à la frontière d’Algérie et on a construit
une voie ferrée reliant Tunis à Hammam-Lif, sur le bord
du golfe de Tunis, dans la direction du eap Bon et de l’En-
fida. Des études importantes ont été faites/dans le but de
doter le pays de routes carrossables. Déjà on en a construit
une entre Tunis d'une part, la Goulette, la Marsa, le Bardo
de l'autre ; on travaille activement à une route, déjà faite en
quelques points, entre Tunis et Bizerte. Mais ces travaux
coûtent très cher, à cause des nombreux ponts qu’il faut
établir sur les ruisseaux et les rivières et des chemins qu’il
faut élever dans les lieux marécageux ». Je notais l’opinion
de quelques colons qui, en présence de ces difficultés,
demandaient à l’administration de modifier ses plans, de
s’occuper des ponts plutôt que des routes, afin que pendant
1 hiver on ne fût pas arrêté par les rivières et les
torrents et de s attacher plutôt à construire des chemins de
fer que des routes. Mais cette opinion était celle d'une
minorité, et je notais que partout où j'étais passé, les indigènes
comme les Européens réclamaient à la fois des routes
et des chemins de fer le plus tôt possible. « Je ne dissimule
pas, disais-je, que j'écoutais avec quelque complaisance
ces observations. Je suis d’avis que le premier élément
de colonisation et le plus puissant moyen d’accroître
la production d un pays neuf, c’est de le doter aussi promptement
que possible de voies de communication, et j ’ajoute
de voies de communications rapides, autrement dit dé chemins
de fer. Les routes ordinaires, même les meilleures,
sont loin de produire les mêmes effets économiques que les
chemins de fer. J’ajoute que cela est vrai surtout pour la
Tunisie. Ainsi que je l’ai dit plus haut, on peut la parcourir
presquè dans tous les sens, sauf dans les montagnes, avec
des charrettes et des voitures. J’en ai moi-même visité la
plus grande partie avec une voiture à quatre roues, que
traînaient presque toujours au trot quatre chevaux attelés
de front. Il est vrai que j ’ai fait le voyage en été, c’est-à-
dire à une époque où l’on peut traverser presque toutes les
rivières à pied sec ; mais, sauf en ce qui concerne le passage
des rivières, mon voyage aurait pu être fait en tout
temps et dans les mêmes conditions.
« Dans un pareil pays, les routes carrossables n’ont sur
les conditions économiques qu’un effet proportionnellement
très inférieur aux dépenses qu’elles entraînent, puisqu’elles
J . - L . De L a n e % a n . — L a Tunisie. 1 6