l’étranger et bénéficiait des dispositions de la législation
métropolitaine sur l’admission temporaire des grains. Ceux
qui s’y adonnaient, recevaient, en conséquence, du Trésor
français, par quintal de farine expédiée en Tunisie, une
somme proportionnelle à celle qu’ils étaient censés avoir
payée à la douane, lors de l’entrée en France d’une quantité
correspondante de blés tunisiens.
La loi du 19 juillet 1904 a mis fin à cet état de choses,
jugé anormal, en instituant, à l’égard des céréales, l’union
douanière de la France et de la Tunisie : c’est-à-dire que
les produits dont il s’agit (blés, orges, avoines, seigles) et
leurs dérivés pénètrent librement d’un pays à l’autre, sans
limitation de quantités et sans taxes douanières, mais
aussi sans primes d’exportation d’aucune sorte. Leur admission
en France demeure d’ailleurs subordonnée aux
autres dispositions de l’article S de là loi de 1890 (certificat
d’origine, transport par navires battant pavillon français).
La métropole a, en outre, étendu à la Tunisie « les
traités et conventions de toute nature en vigueur entre la
France et l'Allemagne, l’Autriche-Hongrie, le Danemarck,
l’Espagne, la Russie, la Suisse, la Suède, la Norvège, la
Belgique, les Pays-Bas et la Grèce ». .
Les lois des 1er avril 1914 et 25 novembre 1915 ont
étendu le bénéfice de l’admission en franchise en France
aux produits- suivants : viandes frigorifiées, oranges,
mandarines, citrons, cédrats et leurs variétés non dénommées,
amandes, dattes, caroubés, bananes, raisins muscats
—ces derniersseulementpendantlapériode du 14novembre
au 15 septembre — et les pommes de terre — pendant la
période du 1er novenqbre au 15 mai. Ce bénéfice est subordonné
à toutes les autres conditions de la loi du 19 juillet
1890.
| Y. — Le c o m m e r c e e t l e c r é d it
Parmi les conditions qui, dans la Tunisie beylicale, mettaient
obstacle au développement du commerce, et en général,
de la richesse publique, j ’ai cité plus haut l’absence
des institutions de crédit. Il me paraît nécessaire d’insister
sur ce sujet.
Lorsque la France assuma le protectorat de la Régence,
il n y existait aucun établissement financier. Quelques
banques privées et un grand nombre d’usuriers fournissaient
seuls au commerce et à l’industrie le crédit sans
lequel ni l’une ni l’autre de ces branches del’activi té humaine
ne peuvent vivre. On ne pouvait se procurer de l’argent
qu’à des conditions extrêmement onéreuses : en 1879 le
taux de l’escompte était à 12 p. 100 et celui des prêts
hypothécaires n’était pas inférieur à 20 p. 100. La garantie
des marchandises n’existant pas, la plupart des commerçants
ne pouvaient emprunter qu’à des taux atteignant
30,40 et 50 „p. 100. Pour les cultivateurs les conditions
de l’emprunt étaient plus onéreuses encore. Dans le Sahel,
par .exemple, les propriétaires d’oliviers ayant constamment
besoin d’argent pour payer leurs ouvriers avaient contracté
la coutume de vendre leur huile six mois et même
parfois près d’un an avant la récolte. L’acheteur retenait
ordinairement, à titre d’intérêts, le quart de la somme
avancée.^ Si la récolte était mauvaise et que le propriétaire
se trouvât dans l’impossibilité de livrer à son acheteur la
quantité d’huile convenue et payée à l’avance, il souscrivait
un nouvel engagement, en vertu duquel il devait fournir
l’année suivante une quantité d’huile double de celle qui
avait fait défaut. A partir de ce jour, il était enchaîné au
commerçant et voyait chaque année grossir sa dette par
les intérêts usuraires, en nature ou ën argent, qu’il était
obligé de payer. En 1886, on' estimait à 20 ou 25 millions
de francs le total des dettes impayées qui avaient été contractées
dans ces conditions par les propriétaires du Sahel.
Des faits analogues se produisaient pour les indigènes
cultivant le blé ou l’orge. Ils vendaient souvent leurs
récoltes avant la moisson et se trouvaient exposés à des
mécomptes qui les livraient aux usuriers.
L’usure sur les bijoux s’exerçait, d’autre part, sur une
large échelle. Les indigènes sont essentiellement thésauriseurs.
La plupart mettent de côté la majeure partie des pièces