CHAPITRE III
4
LES FORÊTS
Les forêts de la Tunisie peuvent être divisées, d’après
leur situation, la nature des essences qui les composent
et leur valeur commerciale, en deux groupes très distincts
: celles qui sont situées au nord de la Medjerdah et
celles qui s’élèvent dans l’ouest et le centre du pays.
Dans le nord, sur des montagnes à base de grès, sont
des forêts de chênes-zen et de chênes-lièges; dans l’ouest
et au centre, sont des forêts de pins d’Alep et de chênes
verts. Vers le sud, se trouve un massif unique, forme
d’acacias qui produisent une certaine quantité de gomme.
Très négligées par le gouvernement tunisien, les forêts
n’ont été l’objet d’études sérieuses que depuis l’établissement
du protectorat, ou, pour mieux dire, depuis 1883
seulement. Les premières observations furent faites par
M. Lefèvre, directeur des forêts. Il établit que dans toutes
les forêts du nord et du nord-ouest de la Régence, les
chênes-zen et les chênes-lièges ne se trouvent que sur
les grès nummulitiques qui reposent sur lés terrains crétacés
supérieurs, et que ces essences disparaissent complètement
dès que les calcaires, qui constituent la majeure
partie de l’étage crétacé, apparaissent à la surface
du sol.
Le chêne-zen se trouve uniquement sur les versants
des montagnes qui regardént le nord et dans le fond des
vallons étroits, tandis que les chênes-lièges habitent- les
versants tournés vers le sud.
Les arbres de haute taille sont confinés sur les parties
supérieures des montagnes. La moitié ou les deux tiers
inférieurs de ces dernières ne sont couverts que de broussailles.
Du côté de la mer, aux montagnes boisées font suite
des dunes en partie couvertes d’arbustes et dont le boisement
doit être considéré comme nécessaire. Leur surface
totale avait été évaluée par M. Lefèvre à 16.000 hectares
environ. En supposant ce boisement opéré, il y aurait
une surface totale de 162.000 hectares, dont 124.000 déjà
utilisables.
En Tunisie, les forêts font partie du domaine beylical.
Ce principe est du moins absolument incontesté en ce qui
concerne les massifs forestiers situés au nord de la Medjerdah.
L’administration française, qui agit au nom du
Bey, avait donc le droit d’adopter pour les forêts le régime
qui lui paraîtrait le plus convenable. Elle pouvait, soit
les aliéner, soit les concéder pour une durée plus ou moins
longue, soit les mettre elle-même en valeur et en vendre
directement les produits. C’est à ce dernier système qu’elle
s’arrêta.
Il y avait d’abord à créer des routes et sentiers, et à pratiquer
des tranchées assez larges pour arrêter la marche
des incendies. Il y avait auèsi à mettre en état les arbres
eux-mêmes, c’est-à-dire à marquer les chênes-zen qu’il
était nécessaire d’abattre, à démascler les.chênes-lièges et à
marquer ceux qui, étant trop vieux, n’étaient plus bons à
exploiter que pour le tannin. Ces diverses opérations
devaient entraîner des dépenses considérables, auxquelles
il en fallait encore ajouter d’autres pour le personnel.
Afin de couvrir ces dépenses, il ne fallait pas songer
au liège : puisque les arbres n’étaient pas encore démas-
clés, on ne pouvait compter exploiter le liège de ceux
auxquels on allait faire subir cette opération qu’après une
période de dix années. Mais on pouvait fonder des espérances,
d’une part sur le tannin dont il serait aisé de concéder
l’exploitation, d’autre part, sur la vente des chênes
immédiatement exploitables.
D’après le Rapport au président de la République sur