qui s’étend entre l’Oued-Zeroud au nord, le Sahelet'Sfax à
l’est, la frontière algérienne à l’ouest, les cliotts El-Djerid et
El-Fedjedj au sud. Le maximum de la richesse en alfa correspond
à peu près au centre de l’espace dont nous venons
d'indiquer les limites.
L’èxploitation de l’alfa était autrefois entièrement libre
dans toute la Régence. Dans la région centrale il était
récolté et apporté à Sfax par les Neffet, les Zlass, les
Hammama, les Frechich, les Ouled Aïar, les Ouled Aziz et
les gens du Senet. Les Neffet le récoltaient au Gouleb, à Er-
Rehem, au Douara; les Zlass le récoltaient au Djebel-Si
Abi-ben-Naceur-Allah, au Djebel-Ledjebel, au Djehel-Si
El-Hafi, au Djebel-Sidi-Knelefa, à El-Hnordj, dans la partie
est du Djebel-Er-Rehem. Les Hammama le récoltaient
dans la partie ouest du Rehem, au Goubet, au Metlegel
Rhanga, au Djebel-Hanou, au Djebel-Kas-El-Aïn (Aïn
Faouar), au sud de Gamouda, au Djebel-Si-Ali-Ben
Aoun, au Djebel-El-Ameur, à Gammoura, au Djebel-Sekh-
del, à El-Achana, et jusqu’aux environs de Gafsa. Les
Frechich le récoltaient à l’Allong El Mekhilla, à Sbeitla,
à El-Achachim, au Djebel-Abiod. On en récoltait aussi
dans les environs de Ghelba.
Les tribus nommées ci-dessus récoltaient et apportaient
l’alfa à Sfax en toute saison, sauf pendant les périodes
des semailles et des moissons. Sfax en recevait jusqu’à
10.000 tonnes par an.
L’alfa est une denrée avec laquelle chacun est toujours
sûr de faire un peu d’argent;-'c’était donc principalement
le besoin de numéraire qui déterminait la plus ou moins
grande activité de la récolte de cette plante. L^e prix de
l’alfa était, à Sfax, de cinq à sept piastres (3 francs à 4fr. 20)
le quintal tunisien. Celui de Sbeitla, qui est plus fin et plus
long que celui des autres localités, se vendait jusqu’à trois
piastres (1 fr. 80) de plus.
Avant que la France eût assumé le protectorat de la
Tunisie, un Français, M. Duplessis, sollicita du gouvernement
tunisien la concession du monopole de l’alfa dans
toutes les régions dont nous venons de parler. M. Roustan,
alors consul général de France à Tunis, était préoccupé
par-dessus tout de donner à ses compatriotes une
situation prépondérante dans la Régence, et favorisait
autant qu’il était en son pouvoir toutes les opérations
d’achat, de concessions de terrains ou de monopoles tentés
par des Français. C’est ainsi que furent créées les
grandes propriétés de l’Enfida, et de Sidi-Tabet, qui
devaient jouer plus tard un rôle si> considérable dans la
question franco-tunisienne. M. Roustan appliqua sa méthode
à la demande de M. Duplessis, et celui-ci obtint du
gouvernement tunisien, par décret du 13 juin 1881, la
concession du monopole de l’exploitation de l’alfa sur un
terrain qui comprenait, d’après l’article 1er du contrat de
concession signé le 14 juin 1882, « les montagnes dénommées
Djebel-Bou-Hedma au nord de la routé de Gafsa;
I)jebel-Madjourah, dans les Hammamas, sur la route de
Gafsa à Kai rouan; Djebel Ayacha, Heddaj, au nord-ouest
de Bou-Hedma ».
La délimitation exacte était renvoyée à une époque
ultérieure par l’article 2 du même contrat : « Un agent,
disait cet article, sera désigné par nous pour procéder à
la délimitation des exploitations, qui sera faite en présence
du concessionnaire ou de ses ayants droit ». Des décrets
du 18 août 1883' et du 21 décembre 1887 approuvèrent les
délimitations.-
Soit que M. Duplessis sè fût prêté à une manoeuvre
habilement concertée d’avance,; soit qu’il fût dominé par
la seule préoccupation du besoin d’argent, il vendait
bientôt sa concession à une Société anglaise..D’après les
limites adoptées par nos agents, la Compagnie se trouvait
avoir le monopole de l’exploitation de l’alfa dans toute la
partie de la Tunisie la plus riche en cette plante, et les
tribus nommées plus haut étaient dépossédées d’une très
importante source de revenus, car quoique la Compagnie
ne fût pas assez riche pour acheter tout l’alfa qu’elles
avaient l’habitude de récolter, elle leur interdisait de vendre
à d’autres qu’à elle-même. D’un autre côté, n’ayant plus à
redouter aucune concurrence, elle abaissa considérable-
J.-L, D e L à n e s sà n . — La Tunisie. 6