m L ' A n T ÉGYPTIEN.
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Sans vouloir prendre parti ponr ou contre aucune oi)inion tranchée, nous dirons
10 nous avons toujours pensé que les premières habitations Égyptiennes consistaient
iini([uemcnl on quatre murs de terre ou de ckiyonnagc de bois et de roseaux,
surmontes d'un toit ou d'une terrasse: que de là peut bien être venue la première
idée d'une ornementation qu'on retrouve dans des édifices d'un art plus
avancé; que les panneaux à compartiments, et les combinaisons de lignes, qu'on
voit décorer les murs de quelques anciens hypogées (seuls restes de l'architecture
des premières dynasties), peuvent en avoir surgi; aussi bien que les cordons ou
lores (qui encadrent tous les angles et rappellent les tiges de roseaux . garnies
de leurs liens), que les corniches en cavet qui couronnent les édifices; et qu'il
n'esl pas impossible que les piliers, soutiens de bois, indispensables .dans les
habitations ouvertes des pays chauds, aient donné naissance aux colonnes.
L'emploi du limon du Nil conduisit à l'invention des briques séchées au soleil
dont étaient bâties les habitations de l'Egypte; car les plus anciens temples n'avaient,
quelquefois, que les quatre murs, construits en briques, dont on retrouve encore
les ruines, aujourd'hui. Ce ne fut certainement que lorsque l'art eut fait des
progrès réels, et que le luxe eut introduit un peu d'élégance, que la colonne
vint jouer un rôle vraiment important dans l'architecture Égyptienne.
Les piliers carrés furent les premiers employés, et leur présence dans les
Muciens temples autorise à croire que ce fut la forme rudimentaire adoptée tout
(fabord; dans les édifices, creusés dans le roc ou construits en pierres taillées, on
tes retrouve employés pour les plus anciens portiques comme dans les péristyles
des vieux temples périptères.
On s'étonne que les monuments Égyptiens, qui se sont conservés à notre admiration,
ne nous offrent pas de traces d'essais primitifs dans l'art de construire; il y
a pourtant là un fait facile à expliquer : C'est que, tout en datant de plus de quatre
mille ans, leurs plus anciens édifices apparaissent, à nos yeux, sous leur aspect
réel; celui d'oeuvres produites par une civilisation très-complète, qui i^ssédait une
écriture i)honéti(iue, fruit de longues tentatives en écriture idéographi(iuc et syllabique,
et qui assignait à chaque individu sa place dans une société .régie par des
lois d'une sagesse surprenante, sous l'égide desquelles se mouvait nu système gouvernemental
à la tète duquel se trouvaient un roi et un clergé instruits et respectés.
Cependant, malgré cette absence de spécimens des premières ébauches de l'art
ai'chilectural chez les anciens Égyptiens, on peut encore retrouver, tlans leurs
monuments les plus anciens, la trace d'un certain dévclop|)ement progressif des
formes primitives ; et cela, grâce à leur ténacité pour certains usages; ceux-ci se
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A R C H I T E C T U R E . ^^ ^
conservant toujours longtemps dans une civilisation qui n'a pas encore subi les
influences étrangères.
C'est ce qui nous a permis de constater que l'architecture des premiers âges
de l'Égypte s'était développée, presque simultanément, sous une triple inllueiice :
rinllue^ice des constructions en bois; l'innuence des bâtisses en briques ou en
pierre; enfin l'influence des excavations hypogéennes: Nous pourrons en suivre
r i n s l o i r e pas à pas, depuis les pyramides colossales de briques ou de pierre,
depuis le simple quoique élégant pilier à Qeurs de lotus et la colonne protodorique
des anciens hypogées, jusqu'aux belles colonnades des monuments de Thèbes et
jusqu'à ces gigantesques spéos d'Abousembil qui empruntent à la statuaire toute,
leur imposante grandeur, et nous révèlent un autre ordre d'idées, dans lequel
s'éteignit, en quelque sorte, le génie architectural des anciens Égyptiens.
Pour bien se rendre compte de ces influences successives, il faut d'abord ne pas
ignorer que le bois, qui abondait jadis dans cette longue vallée que le Nil fertilise,
• (comme une oasis au milieu des déserts) y servit à élever les premières habitations,
et, sans doute, à déterminer plus tard une série de formes adoptées par l'architecture :
C'est ainsi que le sarcoi)hage trouvé dans la pyramide du roi Mycériniis, bien (ju'il
soit en basalte, nous présente des ornements qui dérivent essentiellement, de
rarchitecture en bois: C'est ainsi que dans les hypogées des premières dynasties, l'on
voit peintes, sur les plafonds taillés dans le roc, des poutres avec les vernis et les
accidents de bois: Ne peut-on pas, d'après ces exemples, supposer que les plus
anciennes constructions étaient, tout au moins, couvertes en bois, et que la colonne,
dont le fut est compose de liges de lotus ou de papyrus, peut être supposée dériver
' des supports, les plus simples, du même genre : N'est-il pas permis de songer aux
lioes <le roseaux liées ensemble dont les pécheurs se servent encore aujourd'hui en
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ÉgYpte dans la coiislruclion de leurs cabanes?
^ il est, à remarquer, ccpendanl, qne, malgré celle origine, les Égyptiens n'onl
jamais oublié les conditions inhérenles à la différence des matériaux; que jamais
ils n'exhaussôrenl trop leurs colonnes; con.me le firent plus lard les Perses, chez
lesquels fnl poussée si loin cette ignorance des condilions qui ne pernietlent pas
d'en agir avec le bois de la même façon qu'avec la pierre.
Une antre série de formes fiil déterminée par la brique el la pierre, qui paraissent
aussi primitives, comme application, que le bois. Aussi reiiconlrons-nous, dans les
pyramides cl dans les tombeaux, quelques-uns de leurs premiers essais d'architecture
(h'corés (le ces colonnes appelées, à si jusle titre, prolodoriqnes; el si l'on examine,
avec soin, les hvpogécs funéraires, silués autour des pyramides, on s'apercevra
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