150 L'ART ÉGYPTIEiS'.
sitioiis ou des représentations de lenr inspiration, de peur de mcltre le public à
même de reconnaître ces nombreuses et frappantes incorrections voulues, nuiis
expliquées par les besoins sociaux; car on ne peut plus mettre en doute aujourd'hui,
en elTet, que la pose et les gestes mêmes des personnages fussent déterminés par une
coutume dont il était défendu de s'écarter, sous peine de rompre avec toutes les
traditions. Aussi peut-on dire que ce n'est que par exception qu'ils paraissent s'être
livrés, sous la xvm' dynastie, à la recherche d'une beauté fantastique.
On peut se rendre compte, au reste, de ces particularités de leur composition,
en étudiant, attentivement, les sphinx accroupis de leurs grandes avenues, les
cariatides assises aux portes de leurs temples, les figurines de leurs bas-reliefs, les
Dieux dans leurs niches, et leurs Rois et leurs reines sur le trône. Tous semblent
s'approuver, les uns les autres, d'un même sourire placide et doux; le même
bonheur s'échappe de leurs yeux larges, bien fendus, aux paupières légèrement
baissées, et qu'on dirait encore tout humides; la même joie se reflète sur leurs
lèvres, naturellement épaisses, mais finement relevées; et leurs bouches sont toutes,
avec une parfaite égalité, gracieuses et coquettes.
Dans les tableaux de bataille, un phénomène identique frappe les yeux; on y
voit les Rois lancer des flèches, tantôt de la main gauche, tantôt de la main droite
suivant que leur profil est tourné à droite ou à gauche: Comme ce n'est pas,
parce que les pharaons étaient plus ambidextres que leurs sujets, que les artistes
ont agi de la sorte, il est facile de comprendre qu'ils ont eu pour but de rendre
le mouvement du bras droit plus compréhensible, en ne couvrant pas une partie du
corps avec l'autre bras, et vice versa; ils se trouvaient donc, ainsi, avoir évité la pose
naturelle, et s'être servis du même poncif dans les deux représentations : Car ce qui leur
importait, avant tout, c'était la grande tournure de l'ensemble; c'était l'effet produit ;
c'était, enfin, la pureté des lignes et l'harmonie des tons; mais aucune explication ne
saurait mieux le prouver que l'épure de chapiteau, à figure humaine, que nous avons
la satisfaction de pouvoir offrir, à rîii)pui, en exemple. (Voir, page 151, la vignette.)
En effet, c'est alors que le dessin est bien défini, que la loi des accords dans les
couleurs est soigneusement respectée, qu'il est facile de s'apercevoir que les jeux
de lumière, d'ombre et de relief ne sont plus qu'un accessoire dont l'art pourrait
se passer: les fresques égyptiennes qui n'avaient en vue que de décorer les murs
sans tromper le regard, en sont la preuve évidente.
Si Ton passe, ensuite, à l'étude de leurs règles dans la composition des bas-reliefs,
on verra que, de l'arrangement systématique des lignes de l'écriture, dérivait l'arrangement
artistique des bas-rtliefs égyptiens; et que, de même qu'il y a dans l'écriture
DESSIN.
des lignes, de hiéroglyphes, perpendiculaires et horizontales, de même ils y disposaient
et représentaient les figures humaines, et les autres objets, tantôt en séries horizontales
superposées, tantôt en séries verticales juxtaposées, ou enfin, lorsque l'architecture le
commandait, suivant l'ordre exigé par
le mélange de ces deux systèmes.
L'encadremeut architectural des
bas-reliefs égyptiens forme toujours
nu rectangle on un trapèze (se rapprochant,
plus ou moins, du parallélogramme
régulier), et se subdivise,
quelquefois, en cadres plus petits, qui
reçoivent les suites des bas-reliefs, et
sont disposés en iiles régulières : il n'y
a jamais un premier plan; aussi quand
le besoin exigeait une représentation
de plusieurs ligures, posées l'une après
l'antre en profondeur, faisait-on un
peu sortir la deuxième sur la première,
puis la troisième sur la deuxième, et
ainsi de suite : c'était presque une
marclie ou un repos de figures soigneusement
alignées : mais les dimensions
différentes données à des figures
qui sont, pourtant, dans la nature
d'égale grandeur s'expliquent différemÉpurc
d'an cliapitcau.
mcnl; il l\a,l y voir une raison de convenance symboliqne pliUùt qu'nn résultat des
dinerèntcs dimensions de l'espace avcliileclnral, ou encore de la surface assignée aux
bas-reliefs et aux peintures.
Pour,iuoi, s'est-on demandé dans tous les temps, les Egyptiens ont-ils toujours
attribué une grande force et des formes colossales à leurs héros? Ce n'est pas, comme
on pourrait le croire, une suite naturelle du penchant de l'esprit humain pour le
merveilleux, ou bien encore une façon de marquer que la force ou les hauts faits ont
élabli les premières inégalités entre les hommes. C'est simplement, de leur part, un
témoignage de respect et de vénération; cela explique comment la taille des personnages
augmente ou diminue, d'ordinaire, en raison de leur situation sociale ou de
l'intérêt qu'ils doivent inspirer.