L'Ain' ÉGYPTIEN.
{jue des naturalistes recherchassent si parmi les petits joncs fibreux, qui croissent,
encore de nos jours, sur le sol égyptien, celui qui servait d'outil pour la peinture pourrait,
comme autrefois, être mis en usage?
Quantauxgros pinceaux, ils devaient èlre laits avec tous les bois dont on fabrique
(le nos jours les brosses à dent . Il est aussi très-probable que les Égyptiens fabriquaient
de gros pinceaux avec des branches d'arak (le sahàdora persica), arbrisseau dont les
ti"-cs sarmenteuses et odorantes servent également quelquefois au môme usage : dans ce
cas, c'était sans doute les rameaux ligneux de la seconde année qu'ils employaient en
lailladant les troncs mêmes de Tarbusle et en divisant ses fibres qui deviennent assez
souples sous le marteau.
I l n ' c s t p a s permisd'iguorer à notre époque, où de si nombreuses collections d'anti-
([uités égyptiennes ont vulgarisé jusque dans les plus petits détails la vie des temps pharaoniques,
que les artistes égyptiens avaient à leur disposition des palettes en toutes
sortes de matières. Les plus en usage paraissent avoir été celles d'albât re, car il en exisle
chez les collectionneurs un assez grand nombr e : ces palettes sont creusées de sept petits
godets surmontés du nom des couleurs qu'ils devaient contenir et qui étaient toujours
rangées dans le même ordre : devons-nous inférer de laque le nombre des couleurs
hiéi\Ttiques n'était que de sept ?
. Les palettes de peintres, qu'on retrouve dans les tombeaux, sont ordinai rement garnies
de leurs couleurs et de leurs pinceaux : une des plus belles et des plus complètes
que nous ayons connues a été trouvée à ïhèbes ; elle faisait partie à cette époque de la
collection de Passalacqua, c'est une palette en bois d'acanlhc, de forme rectangulaire,
et de 19 pouces 1/2 de longueur; nous croyons qu'on nous saura gré d'en avoir donné
lu description détaillée, la voici :
te La partie supérieure de cette palette est ornée d'une scène gravée en creux et qui
représente un homme debout (un scribe de Ramsès II), adressant ses hommages à
Plah et à Thoth placés l'un après l'autre devant lui. Au-dessous de cette scène, sont
creusés en pente sept cavités en forme de cartouches royaux, de 10 lignes de longueur,
et qui sont encore remplies de couleurs rangées dans l'ordre suivant, en commençant
par le haut : blanc, jaune, vert, bleu, rouge, brun foncé et noir. Plus bas est une cavité
contenant sept styles qui se fermai t au moyen d 'une planchet t e glissant dans une rainui'e,
et qui est placée au-dessus d'une légende de hiéroglyphes finement gravés, appartenant
à une légende funéraire, dont deux autres jiarties bordent les deux côtés de la palette. »
Ces sept styles, ou pinceaux longs et minces, paraissîiieut formés d'un jonc trèsfibreux
(c'est sans doute celui dont nous avons parlé plus haut). Les Egyjiticns n'appliquant
dans leurs peintures que des couleurs par teintes jihites, sans les fondre, n'avaient
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donc pas besoin des pinceaux, que l'art, en se perfectionnant, nous a rendu indispensables.
Quand ils différaient de grosseur, ils étaient plus ou moins pointus, mais ordinairement
ils avaient le même diamètre dans toute leur longueur.
On rencontre aussi dans les tombeaux, des pains de couleurs (semblables à ceux
qu'on vend aux artistes à notre époque), tout prêts à être employés; en même temps
que des coquilles contenant de l'or à peindre et des petits mortiers de faïence avec
leurs molettes pour broyer les couleurs.
Les couleurs étaient employées à l'eau mélangée de colle ou de gomme, peut-être
de lait; mais on ne trouve aucune trace de blanc d'oeuf. Montabert, dans son Traité
de peinture (t. IX, p. 416), prétend que les couleurs qui décorent quelques temples
égyptiens, étaient appliquées à la chaux.
La colle qui servait à lier les parties colorantes était très-solide, et ces peintures
en détrempe résistent si bien à l 'action de l'eau, surtout celles de Beni-Haçen, les plus
anciennes, que la plupart des visiteurs ne craignent pas de passer une éponge sur les
murailles afin d'en aviver les peintures.
Plusieurs masques de momies, peints sur bois ou sur cartonnage, prouvent aussi
que l'encaustique, préparée avec la cire et la naphte, était usitée en Egypte, mais on
ignore précisément à quelle époque. Quelques cartonnages exécutés sous la XVIIP dyi
L t i e , sont peintes avec une suavité de tons dont aucune peinture murale n'approche.
J'ai vu un cercueil de femme, moulé en toile cimentée de plâtre, en forme de gaîne,
dont le visage délicat, colorié d'un ton rosé, était encore, après trois mille ans, d'une
fraîcheur charmante et dont toutes les couleurs, même celles des ajustements, étaient
traitées par des teintes si harmonieuses qu'elles étaient un vrai régal pour les yeux.
Quelquefois, les artistes égyptiens mélangeaient aux couleurs leur vernis transparent
et incolore, ainsi que le tirent plus tard les Grecs. C'est encore à l'aide de ce
vernis qu'ils faisaient les glacis (on remarque dans le tombeau d'Aïchési, sur le palan-
(luin du roi, un glacis de bleu qui passe sur un fond jaune en ménageant les figures
pour les bien détacher du reste de la composition); cependant certains vernis que les
Égyptiens ont également quelquefois appliqués sur leurs peintures murales, étaient
composés d'une matière résineuse qui a noirci avec le temps et gâté toutes les couleurs
(ju'elle recouvre.
Maintenant nous allons, autant que le permet l'état actuel de nos connaissances en ce
qui les concerne, aborder, mais sans essayer de hasarder aucune hypothèse, le difficile
problème de l'importance que le sacerdoce égyptien attachait aux impressions produites
sur l'esprit du peuple par l'emploi de chacune des sept couleurs dont il autorisait
l'usage.
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