274 L'ART ÉGYPTIEN.
la couleur dans la masse des substances fondues, est restée depuis inconnue, et se
trouve encore un des desiderata de la science moderne : en outre, leur genre de
peinture à teintes plates, ni Tondues ni dégradées, sans ombres ni lumières, malgré
rétonnemenl qu'il provoque au premier aspect, a un mérite incontestable pour la
décoration monumentale : en y réfléchissant, on s'aperçoit que ce système est celui
([ui convient le mieux pour les peintures murales, celui qu'il serait encore préférable
d'adopler aujourd'hui, quoique avec de légères modifications, pour décorer
nos monuments publics; surtout si Ton tient à éviter de laisser paraître, à la paroi
(les murs, les trous qui sont le résultat forcé des fuites de la perspective et de la
vigueur des ombres.
A en juger par nu groupe des hypogées de Beni-Haçen qui représente deux
artistes occujiés à peindre un même panneau ou un meuble, les Egyptiens devaient
avoir des tableaux, bien qu'aucun d'eux ne soit parvenu jusqu'à nous. On s'aperçoit,
en effet, que ces peintres tiennent leur pinceau d'une main et un godet de
l'autre-, cependant, quoique le panneau soit vertical, ils ne se servent pas tie
baguette pour soutenir la main. On sait, aussi, qu'au dire d'Hérodote, Amasis, qui
régnait sur l'Egypte, 570 ans avant l'ère chrétienne, envoya son portrait aux habitants
de Cyrène; mais on ignore si ce tableau était peint par un artiste égyptien.
Du reste, tous les i)orlrails de pluiraons ont dû être ressemblants ; car on les retrouve,
Iraits pour traits, sur des monuments fort distants les uns des autres, et. l'on
peut, quelquefois, suivre sur ces divers édifices, élevés à maintes années d'intervalle,
les jirogrès de l'âge chez le roi qu'ils représentent. Tous ces portraits
étaient de profil : les seuls de face qu'on connaisse sont peints sur bois, et, évidemment,
l'oeuvre d'arlistes grecs.
Chez les anciens Égyptiens, le môme mot signifie écrire et peindre. Ce double sens
témoigne assez qu'ils ne considéraient la peinture que comme une écriture amplifiée
ou un brillant annexe des inscriptions hiéroglyphiques. N'oublions pas que les Grecs,
cependant déjà bien éloignés de l'origine des choses, prétendaient, également, que
la peinture n'était qu'une écriture développée ; chez eux aussi, écrire et peindre
s'exprimaient par un seul mot.
D'un autre côté, on voit que toutes les peintures des peui)les dits primilifs, tels
que les Chinois, les Indiens, les Perses et les Étrusques, ne se composent que d'un
contour, tracé à l'encre sur une face lisse, ou buriné sur la pierre, à la façon
d'un bas-relief dans le(iuel on ajipliqnait des couleurs monochromes, sans s'attacher •
adonner aux objets, ni leurs teintes naturelles, ni le jeu d'ombre, de lumière et de
reflets qui résultent de leur saillie, non plus que Tair, l'espace et la persi)ccf
PEINTURE. 275
tive qu'ils exigent) ; il n'y a donc pas lieu de s'étonner (jue les Égyptiens n'aient
fait aussi que colorier des dessins élémentaires.
La peinture égyptienne n'est, eu effet, qu'une enluminure sans ombres ni lumières,
et qui tenait moins de la peinture, comme nous la comprenons, que du décor. Tous
leurs tableaux étaient faits par teintes plates monochromes, étendues entre des traits
rigoureusement accusés, comme celui qui cerne les ligures des vases grecs. Les
artistes égytiens ne se départirent jamais de ce système primordial et ne l'améliorèrent
à aucune époque, soit par le mélange des couleurs, soit par ([uelques légères
ombres; un un mot , ils n'y firent jamais de progrès depuis les l.emps les plus
reculés (c'est-à-dire Tàgc des pyramides), jusqu'à la décadence de la longue monarchie
des pharaons.
11 est facile de s'en assurer par le tombeau du plus ancien architecte que
nous connaissions, celui d'Eimaï, constructeur de la grande pyramide, entièrement
peint à l'intérieur, ainsi que par plusieurs tombeaux de la môme époque situés
dans la nécropole de Memphis, aussi bien que par les autres beaux spécimens de
la peinture de l'ancien empire qui se trouvent sur les parois des hypogées de Bercheh
et de Beni-Haçen ; et, en les comparant, de reconnaître qu'aucunes des peintures,
qu'on admire dans les tombeaux du nouvel empire, ne leur sont supérieures,
et que, malgré l'adoption de quelques couleurs, peut-être plus brillantes, le faire
artistique est bien resté constamment le même, c'est-à-dire figurant une sorte de
coloriage fait par teintes plates, comprises entre des lignes de dessin rarement irréprochables
; mais souvent belles, néanmoins, de grâce et de hardiesse.
P E I N T U R E MURALE.
Le technique et l'elTet de la peinture murale égyptienne ne iieuvent guère se comparer,
parmi les objets qui nous sont bien connus, qu'à nos cartes à jouer ; à cette
différence près, cei)cndant, que les oeuvres égyptiennes offrent beaucoup plus de style
et de caractère dans l'ensemble, on môme temps (pie beaucoup plus de fini dans les
déiails. Malgré cette différence, on est forcé de recounaitre, en effet, qu'étant presque
aussi éclatantes par les couleurs que la peinture murale égyptienne, celles-ci la rappellent,
assez exactement, par la crudité de leurs teintes plates et moilochromcs, en même
temps qu'elles paraissent être u n e r émi n i s c e n c e du faire conventionnel qui présidait
à la distribution des couleurs sur les liiéroglyphes. On en peut donc, ici encore, conclure
que leurs produits, dès les premiers temps, étaient, bien réellement, des dessins
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