112 L ' A R T ÉGYPTIEN.
« Les jardins renfcnnaieul lout ce que l'Égyple avail produil de genres et d'espèces
de plantes coanns, et même les plantes exotiques que les voyageurs avaient
apportées des climats les plus éloignés, surtout depuis les conquêtes de Sésostris :
en outre, on avait ménagé pour le plaisir de la vue lout ce qui est plus saillaut
par l'ordre et rarrangement, ou qui pouvait ajouter quelqu'atlrait à cette immense
variété de plantes.
(( On avait planté sur les ailes du parterre les vingt espèces de palmiers sur un
seul rang, de part et d'autre; Tun de palmiers à fleurs ou de palmiers mâles, l'autre
de palmiers à fruits ou de palmiers femelles. On croyait celte correspondance nécessaire
pour féconder les femelles par les poussières des (leurs des mâles que le vent leiir
apportait; enlin le parterre était terminé par deux grands bois que la continuation
de la grande allée tenait séparés, et qui étaient traversés par une iniiuité d'autres
allées que le soleil ne i)erçait jamais. Ces deux bois étaient composés de tous les
arbres qu'on appelait stéides, depuis l'humble bruyère jusqu'au superbe cèdre : derrière
ces bois, on trouvait toutes les plantes potagères ou légumineuses; à côté et
au delà, on avait dressé ou planté en plein vent tous les arbres fruitiers, mais sur
une étendue seulement suffisante pour qu'aucune espèce ne fût omise.
« Les prêtres, qui étaient les ordonnateurs et les intendants de ce jardin, avaient
l'ail dessiner et colorier des modèles de tous ces arbres el de toutes ces plantes, et
on en trouvait les figures dans l'une des salles du palais; on y trouvait encore eu
nature tout ce qu'on n'avait pu représenter, par exemple des coraux, des madrépores,
des lilhopliytons et autres plantes ujarines et pierreuses.
« De cette salle destinée à l'hisloire naturelle, on passait à celle de la chimie :
Certains savants affirment que cette science a pris son nom de l'Egypte, appelée
autrefois Chemia.
« C'était, croyait-on, le fameux lAlercure Trismégiste qui leur avait ai)pris à réduire
les corps par leur décomposition en ce que l'on considérait comme les trois principes
essentiels : le sel, le soufre et l'esprit. Plusieurs rois d'Egypte auraient cultivé la
chimie à son exemple, et Théophraste prétend que c'est de l'un d'eux que l'on
tient l'azur artificiel. En cherchant à tout imiter, les Égyptiens auraient pour ainsi
dire fait par l'art une seconde nature, et la cliimie leur aurait fourni des nilres,
des vitriols, des sels toujours plus beaux et quelquefois plus efficaces que les produits
naturels. Sénèque assure que Démocrite avait appris d'eux l'art d'aniollir l'ivoire
et de donner au caillou la couleur et l'éclat de l'émeraude : les Égyptiens antérieurs
auraient même atteint à un plus haut degré de sciejice encore, ]»uis(pi'on a prétendu
qu'ils tenaient de ce Mercure ou Hermès Trismégiste le secret de la transfornuition
A P E R Ç U GÉNÉRAL 1)E L ' É T A T DES B E A U X - A R T S . H3
des métaux en or : on en donne pour preuve ce navire de cèdi-e de fjuatre cent
vin<'t pieds de long que Sésostris aurait fait doubler en argent au dedans et couvrir
d'or au dcliors; et le cercle d'or massif, dans le tombeau d'ismamiès ou Osymandias,
(jui au rappoi't de Diodore avait une coudée, ou un pied et demi d'épaisseur, et Irois
cent soixante-cinq coudées de circonférence.
a Au sortir de la salle de chimie, on entrait dans celle de ranaloniie. Les dissections
ne se faisaient que dans le collège des prêtres; mais on a])portait dans cette
sulle les (lémonslJ'aiions entières et naturelles, soit des os, soit des muscles, soit
des artères et des veines de la plupart des animaux de l'air, de la terre et de la mer.
riine rapporte (pie les i^remiers rois d'Egypte ne dédaigmiienl pas de disséquer euxnieuies
des corps.
«Les itratiqnes auxquelles se livraient les Égyptiens pour embaumer les corps
liLiiiuiius, el même ceux des animaux, pres([ue tous sacrés chez eux, soit dans une
ville, soit dans une autre, les avaient rendus extrêmement savants dans la construcliou
intérieure ou extérieure des corps animés; aussi, le célèbre Gallien, médecin
de Marc-Aurèle et de Lucius Yérns, excluait-il du rang des anatoniistes ceux qui
irélaient pas allés s'instruire sur ces sujets dans les académies d'Égypte.
« On entrait ensuite dans la première des salles destinées aux sciences du calcul.
C'est le besoin de retrouver la juste mesure de leurs terres après l'écoulement des
eaux du Nil, qui conduisit, dit-on, les Égyptiens, avant les autres peuples, à l'étude
de la géométrie; nuiis ils en avaient porté bientôt les spéculations au delà de cet
usage, et la géométrie était devenue la science des rapports de toute espèce l'eprèseulés
i)ar des lignes. Aussi voyait-on rangées dans cette salle des colonnes d'une
coudée de haut, sur lesquelles étaient gravées les propriétés des nombres; on voyait
sur d'autres, les propositions élémentaires de la géométrie accompagnées de leurs
figures, au-dessous desquelles était le nom du premier qui les avait démontrées.
« C'est dans cette salle que se voyaient également les instruments d'astronomie;
ainsi que les modèles des vaisseaux de toutes les formes, et des instruments propres
à les consli'uire et à les conduire dans leur route.
« Dans le palais de Memphis se trouvaient encore toutes les machines qui
avaient servi à niveler le terrain de l'Egypte, à y répandre les eaux du fleuve, à
les élever à de grandes hauteurs, ou à les retenir dans de justes bornes, et aussi le
modèle de celles qui avaient servi à tirer des carrières, à transporter au loin, et à
placer à des hauteurs prodigieuses, ces pierres d'une longueur et d'une épaisseur
démesurées; enfin tout ce que le génie du peuple égyptien avait fourni à la guerre,
soit sur terre, soit sur mei', était là soigneusement conservé : Thalès et l^ythagore
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