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C8 L'AUT ÉGYPTIEN.
« Cependant ranti(juilc lonl entière dépose contre une pareille oi)inion. Quand
elle fait nuMitîon dt^s iie[i]iles (jui allacliaieni. nue liaule iniporlance à la mémoire du
passé, ce sont toujours les Egyptiens qu'elle cite ])our modèle. Gon M(jyj)iiorum., dit
Cicérou, qux phirmorum sxcnlorum et eventorum meDioriam litterù continet. Est-il
permis de |)résumer, d'ailleurs, qu'un peujde qui Taisait un si frét|uent usage de
r é c r i t u r e , ([ui en couvrait les murailles de ses temples et de ses monumeus publics,
soit resté sans annales tant qu'il fut libre, attendant que les Grecs viussenl, après
la destruction de son empire, recueillir quelques traditions confuses? Un tel système
est insoutenable; les Égyptiens avaient des livres historiques, et c'est là
{[ue les Grecs ont puisé les faits qu'ils nous ont trausjuis, comme au reste ils nous
l'attestent eux-mêmes. Mais, dira-t-on, si tous ils ont consulté des sources communes,
pourquoi les résultats de leurs récits sont-ils si contradictoires? Hérodote
visite l'Egypte cinq siècles avant notre ère; il en rapporte un système historique
emprunté, dit-il, aux prêtres du pays. Deux siècles a|)rès, Mauéthon, un successeur
de ces pontifes, publie eu grec une histoire de sa patrie, tirée, à ce qu'il assure,
des monumeus originaux ; elle jtrésente un système tout différent. Diodore voyage
ensuite dans cette jnème région, et il en rapporte encore une troisième histoii'C
recueillie de même dans les entretiens des prêtres égyptiens.
« Selon Hérodote, l'Egypte, soumise d'abord à des dieux et à des demi-dieux,
avait été gouvernée de})uis Méuès, son premier souverain, jusqu'au temps de Séthos,
par trois cent quarante-un rois, fils les uns des antres, qui avaient régné durant
onze mille trois cent quarante ans, pendant lesquels le soleil s'était couché deux
ibis où il se lève maintenant, et tleux fois s'était levé où il se couche aujourd'hui; et
selon lui, Ménès serait monté sur le trône de l'Egypte douze mille huit cent cinquantesix
ans avant notre ère.
« Pour Diodore, il ne parle pas des singuliers phénomènes mentionnés par Hérodote,
ni d'une si nombreuse succession de rois, tous de la même famille; mais il compte un
peu moins de quinze mille ans pour la durée de l'empire égyptien, de sorte qu'il placerait
encore plus haut qu'Hérodote le règne de Ménès, en l'aji 14940 avant notre ère.
• « Quant à Mauéthon, il paraît différer beaucoup de ces deux aut.eurs, et l'on
sort avec lui de la région des merveilles. H distingue Ijien aussi deux sortes de souverains,
les uns dieux, les autres simples mortels; mais remjiire des ju-emiers forjue
la jiartie mythologique et cosmogonitpie des opinions égyptiennes; elle est hors de
discussion. Pour les temps écoulés dépuis Ménès, cet écrivain ]ie i)réscnte aucun
nombre prodigieux, aucun jihénomène extraordinaire : il jious donne des règnes
tantôt longs, tantôt courts; des liommes, des femmes', des. indigènes, des étrangers,
I N T R O D U C T I O N HISTORIQUE. GD
(les princes légitimes et ties usurpateurs, tour à tour investis de la dignité royale,
lorsque l'histoire sainte présente des points de contact avec les annales égyplieiines
il ost en i»arfaite harmonie avec elle. Chez lui tout est clair et naturel,
et la somiue totale de tous ses uondu-es réunis n'atteint pas cinq mille ans.
« Ce système jiarait le plus vraisenii)lable de tous; ce n'est pas cependant
celui qui a obtenu la préférence : tout devait être merveiHenx en Egypte, et des
récits aussi simples n'étaient pas de nature à inspirer de la couhance aux modernes.
L ' é l o q u e n c e a peut-être ici triomphé de la vérité. Les récits de l'agréable contenr
d'Halicarnasse ont obtenu autant de succès parmi nous ([ue dans les cliam]is olym-
]}iqucs, et nos criti(pies les jtlus difficiles se sont rangés du côté d'Hérodote. Mauéthon
n'est jiresque plus regardé que comme un imposteur qui écrivit pour tronqier les
Grecs, et qui n'avait de son temps aucun moyen de s'informer des choses dont il
parlait.
a Cependant il est difficile de concevoir comment une telle opinion a été
admise; car enfin, à l'épociue où vivait Mauéthon, deux siècles seulement s'étaient
écoulés depuis que l'Égypte avait subi le joug des Perses; elle conservait alors, et
elle gardait encore long-temps après, l'usage de sa langue et de ses écrilui'cs, et
jiar conséquent riiUelligence de ses livres. Cambyse ne les avait sans doute pas tous
anéantis, puisque Diodore les consultait encore deux siècles après Manétliou. Rien
n'enipèche donc de croire (pie cet écrivain n'ait pu reproduire eu grec des choses
écrites dejuiis long-temps dans sa langue maternelle, et donner un résumé de l'hisl,
oire de sa pairie en tout conforme aux opinions des Egyptiens eux-mêmes. Sou résumé
était peut-être à l'ensemble des connaissances historicpies des Egyptiens, ce ([u'es!
PAbrégé (lu président Hénault comparé à la grande collection de$ huloriem de France.
« Mais si Manétliou n'a fait que traduire, eu les abrégeant, les annales de l'Egypte,
et si les Grecs ont ])uisé aux niênies sources, ils ne devraient pas différer autant,
sinon dans les détails, an moins dans l'ensenilde de leur chronologie? Pour résoudre
tous les doutes à cet égard, il n'y a qu'un seul point à constater, c'est de savoir si
celte dilTéreiice existe effectivement. Elle a toujours paru si évidente, (pie i)ersoune
n'a jamais songé à la révoquer en doute; et ce])eudanl, eu l'examinant avec attention,
j'ai reconnu (pfelle n'avait aucune réalité, et qu'on s'en était laissé imposer
[lar les apparences.
« Si les bornes de cet extrait me le permettaient, je ferais voir d'abord que les
onze mille trois cent quarante années qu'Hérodote semble attribuer à la durée de
l empi r e égyptien, deituis Ménès jusqu'à Séthos, ne se trouvent réellement }tas dans
le discours des prêtres qu'il a consultés. Je montrerais ensuite qu'Hérodote a pris