M8 I/AIIT ÉGYPTIEN.
Les Ibrmes que le dessin est appelé à reproduire sont loiUcs engendrées par la
ligne droite cL les lignes courbes; et ce sont les belles lignes qui sont le fondenient de
lonte beauté.
« 11 est des arts, a dit Jonbcrt, dans lesquels il est iudispcnsable que les lignes soient
visibles; i)ar exeuiple rarcliitcelure, qui se contente de les parer; niais il en est d'autres
comme la statuaire, où l'on doit les déguiser avec soin : s'il n'en est pas demème dans
la peinture c'est qu'elles s'y trouvent, toujours, sufilsammenl voilées par les couleurs. »
La nature, elle, les cache, les cnfoncc, les recouvre dans les êtres vivants, (il est
facile, en elTel, de remarquer combien il était nécessaire que ceux-ci, pour posséder
la beauté, fissent peu ressortir leurs lignes) et elle nous montre que le squelette doit se
concenlrer dans les lignes; tandis que la vie ne doit se faire, principalement, sentir
que dans les contours.
Les différent s arts du dessin, ayant donc pour objet de nous présenter les contours
et les proportions réelles des choses, telles qu'elles sont ou qu'elles doivent etre, savoir
dessiner c'est les estimer de l'oeil et en limiter les contours : en appliquant cette définition
à la sculpture ou à la peinture; sculpter ou peindre, c'est, encore, savoir dessiner
à l'aide d'uji ciseau ou d'un pinceau : ceci admis, il est impossible de ne pas
reconnaître que le dessin, proprement dit, c'est-à-dire la représentation des Ibrmes et
des proportions, a précédé; et a été, en quelque sorte, le moteur de l'architecture, de la
sculpture et de la peinture.
Le besoin de faire emploi du dessin parait tellement inné, dans notre espèce,
qu'il s'est manifesté dès que l'homme a voulu donner satisfaction à ses tendances
instinctives en dehors de ses besoins matériels : A peine le voit-on surgir, parmi les
créatures paléontologiques, qu'il songe, déjà, à embellir les pauvres instruments ([ui lui
permettront d'accroître, un peu, ses ressources, ou de faire prcjulre l'essor à son
habileté. L'homme primitif parvient-il à façonner uji outil ou une arme, jaiuais il
n'oubliera de les parer, ne fut-ce (|u'au moyen de quelques traits, dans le cas où il
ignorerait, encore, l'art des ornements d'une régularité géométrique; parfois même, il
tentera d'y rcjtrésenter d'imparfaites figures, copiées sur la nature vivante; mais, dès
ces commencements, il est déjà facile de s'apercevoir que les notions du vrai et du
beau tendent à se combiner dans les effets d'ensemble, même les plus faibles, dus au
talent de l'artiste ; tellement l'honune asjure à d'aut res joies que les animaux : ceux-ci,
on le sait, dès qu'ils ont le nécessaire, se montrent satisfaits et se reposent; l'homme,
au contraire, ne rcve que le superlki, même à l'état sauvage : ne le voit-on ])as, alors,
forcé qu'il est de se passer de vêtements, se peindre, se tatouer; en un mot, s'affubler
d'ornements.
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UESSIN. ll'J
C'esl, surloul , chez les anciens Égyplieus que pent se vériflcr Ui v énl é de ces assertions;
car leurs essais dans les arls du dessin prouvenl .[u'iis eurent celle tendance
dès les temps les plus reculés; puisqu'il esl impossible de contester qu'ils aient connu
de très-bonne heure la géométrie et toutes ses ressources.
Leurs hypogées, en elTel, nous prouvent qu'ils savaient, Irès-aHciennenicnl,
dresser des plans de constructions, de jardins, de -places de guerre, et même, de
mouvements stratégiques pour les armées ; quoiqu'on regardant, attentivement, parmi
ces plans, ceux qui ne sont pas spécialement relatifs à la mesure des surfaces planes,
on soit, cependant, forcé de convenir que ce sont plutôt des dessins à vol d'oiseau,
et qu'ils durent se restreindre à des ensembles de villas, de jardins ou d'édiliees;
toutes les fois qu'ils tentèrent de se rapprocher des conditions réelles du planperspectif,
telles qu'on les comprend de nos jours.
Il est indubitable ([ue les artistes égyptiens doivent nous apparaître comme ayant
adopté, dès leurs premiers pas, dans leurs tentatives artistiques, un canon des proportions
pour parvenir à dessiner, d'une manière toujours absolument la môme, l'ensemble
et les différentes parties de la figure humaine ; parce qu'après avoir choisi, de
préférence, des représentations figurées ou plutôt des hiéroglyphes (car c'est bien certainement
à cette cause qu'il faut attribuer la dénomination de « emblèmes sacrés »
choisie par les Grecs pour désigner ces images parlantes), pour la formule pcrinaneme
des idées, ils ont dù déterminer des formes et arrêter des contours, bien avant qu'aucune
pensée préconçue d'art leur eîil appris à rendre la nafure avec le sentiment de la
vérité; et ces formes typiques, une fois admises, il l e u r eût été, malheureusement,
difficile, sinon impossible, de les changer sans se rendre, de parti pris, inintelligibles.
Ceci expliiiue pourquoi toutes les tentatives de profiler le corps humain, selon les
lois de l'optique, (luoiqu'elles se soient renouvelées à toutes les époques, ne parvinrent
jamais à être adoptées. Aussi ne craignons-nous pas de l'affirmer : chez les Egyptiens,
l'écriture tua l'art.
Alors la manière delreprésenter les corps et leurs mouvements, admise par eux dans
l'enfance de la société, se trouva consacrée et dut rester constamment la même : de là
viennent ces têtes de profil, représentées avec des yeux de face, et ayant, également,
les épaules et la poitrine de face; tandis que, d'autre part,les jambes et les hanches sont
placées de côté : enfin, chose plus étrange encore, les mains sont, souvent, ou toutes
les deux droites, ou toutes les deux gauches.
Il leur fallut, probablement, de longs et l a b o r i e u x tâtonnements avant d'arriver,
définitivement, à la délimitation et à la formule de cette proportionnalité ; cepein
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