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daiil nous n'en sommes pas moins forcé de reconnai tre que si leurs monuments n'ont
gardé aucune trace tie toutes leurs tentatives, non plus que de leurs premiers essais, ils
nous olTrent, déjà,. dès l'époque des jiyrauiides, l'art du dessin i)arvenu à l'apogée
qu'il lui étail (ionné d'atteindre, dans ces conditions, au milieu d'un peuple qui n'avait
voulu (aire, de la sculpture ou de la peinture, autre chose qu'un moyen sj)écial d'exprimer
sa pensée et de la remire, pour ainsi dire, tangible.
11 y a, également, une antre conséquence à déduire tie ces données ])articulières,
c'est que l'arl, (pii devait en être le produit, ne pouvait qn'ètre purement réaliste,
s'attachanL surtout à reproduire l'aspect brut de la vérité naturelle, sans aucune
recherche de cet idéal apparent auquel il est quelquefois, quoique bien involontairement,
parvenu, par suite de la grandeur imposante el de la simplicité des lignes.
Mais, ce qu'il est nécessaire d'observer, tout spécialement, et de reconnaitre,
c'est que, tout C]i parlant aux yeux, les artistes égyptiens n'ont jamais tenté de leur
faire illusion; el que l'étude des formes naturelles ne fut pour eux qu'un moyen
d'arriver à plus de précision dans la silhouette, dans l'ensemble : On ne les voit s'immiscer
que très-rarement dans les détails.
L'arl du dessin, en Egypte, fut donc, fout d'abord, l'art d'écrire ; puisqu' i l ne cessa
jamais de .s'exprimer liiéroglyphiquemejil. Toutes les compositions égyptiennes se
ressentent de cette manière d'envisager la plastique: Partout la représentation des
principaux personnages domine le reste du tableau; les accessoires, hommes ou
animaux, n'y apparaissent qu'en raison de leur importance ofiicielle et de l'intérêt
qu'ils doivent inspirer.
Nous avons déjà fait pressentir qu'il y avait lieu d'attribuer le défaut capital, des
ligures sculptées en bas-reliefs ou peintes, el qui consiste dans la représentation fausse
et guindée du mouvement, à ce fait : (jue dans les mêmes figures l'oeil et la poitrine
devaient toujours être représentés de face, tandis que la tête, les bras et les mains, les
jambes et les pieds devaient l'être de profil; en même temps qu'i l fallait voir la principale
raison de la longue durée de cette fausse représentation, dans cet autre fait : que.la
ligure humaine était originairement un signe calligrapliique, et que cette signification
s'était conservée d'autant plus que l'écriture hiéroglyphique ne cessa jamai s d'être en
partie idéographique. On voulut donc garder la même signi/ication, le même signe
usuel alors même que l'art avancé eut pu dessiner des images d'une manière plus
parfaite : Car on sait qu'à diverses reprises on tenta de ])rofiler rigoureusement les
figures, selon les règles de l'art le plus avancé, et que les artistes réussirent à les
r e n d r e avec un sentiment vraiment admirable.
Observons encore, qu'en généra], leurs figures calligraphiques sont aussi I)ien
DESSIN.
faites que les figures uniquement artistiques; seulement, leurs plus petites
dimensions admettant moins de détails, leur mérite est plutôt dans la représentation
,1e l'ensemble que dans un dessin fini: Cette dernière circonstance est une des
,auses du caractère.colossal de la sculpture égyptienne, aussi bien que le faire
onuuliose de l'archilecture, dont elle ne fut qu'un accessoire.
rigueur des règles anciennes formulées par les prêtres, qui, tenant, à la
sninte'té de la tradition, ne permettaient pas aux artistes de s'écarter des formes
primitives consacrées par le temps, (toute-puissante qu'elle ait été pour produire
ce résultat) n'autorise pas, cependant, à méconnaître qu'il y eut d'autres causes non
moins puissantes qu'elle. Ainsi, par exemple, nous devons tenir compte, surtout,
de la nature du relief, à peine saillant sur le fond, adopté par les anciens
Égyptiens. Dans de telles, conditions, il était tout à fait impossible de donner au
re7ief le développement nécessaire aune représentation faciale de la tête, et à celle
des mains ou des pieds, sans troubler l'harmonie avec les autres parties du corps
très-peu saillanles.
Mais, pourrait-on se demander, pourquoi les artistes égyptiens n'ont-ils pas
cherché à faire les bas-reliefs plus saillants pour éviter un aussi grave,inconvénient?
bien certainement, par cette raison que, chez eux, le bas-relief Taisait corps avec
une architecture dont un des principaux buts résidait dans l'indestructibilité : Il
ne pouvait, en conséquence, exister dans un même bas-relief des parties plus
saillantes que les autres et qui auraient été plus exposées qu'elles à être brisées;
puisque leur disparition aurait anéanti la pureté des lignes architecturales.
Pour en être convaincu, il suffit d'examiner la technique des reliefs les
plus anciens: On voit que leur surface ne • dépasse pas celle de l'encadrement
architectural dont elle n'est séparée que par un creux peu profond: dans ce cadre
l'ondulation plastique est nécessairement trop exiguë, et pour donner l'apparence
ondoyante de la nature, l'artiste était contraint de chercher d'autres expédients que
les poses naturelles et vraies. Ainsi nous voyons que pour distinguer les parties
séparées dans la nature par leur saillie, mais qui montaient à la même surface
dans le relief artistique, il employait trois expédients: l'un, plastique, se composant
d'un bord peu élevé entre deux parties qui doivent être distinctes; c'est ainsi que
les sourcils se prolongent en bandeau vers l'oreille et séparent le front des joues;
l'autre, de simple dessin; c'est ainsi que le bras, qui passe sur la poitrine et
dont la surface n'est guère plus élevée, est séparé du tronc par deux contours qui
indiquent sa forme; enfin le troisième, qui tient à la peinture; c'est ainsi que des
couleurs dilTérentes sont appliquées sur divers objets, dont le relief est le même.
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