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Le fait est surtout IrappaiU sous les Lagides. On sait qu' i l s cherchèrent , par tous
les moyens en leur pouvoir, pour s'attirer l'affection de la nation égyptienne, à- leur
laisser supposer qu'ils voulaient complètement adopter les idées des temps anciens (ne
voit-on pas, en effet, Ptolémee III Évergète, lorsqu'il envahit la Syrie, et parvint à conquér
i r la Babylonie, la Sus tane et la Perse, pousser ses conquêtes jusqu' en Bact r iane,
pour pouvoir rapporter en Egypte .les images des dieux que Ganibyse en avait enlevées);
cependant ces efforts et leur attention à entretenir et à restituer les moindres monuments
pharaoniques , ne suffirent pas. toujours à contenter les exigences populai res ;
puisque, sous Ptolémée V, la rébellion éclata dans Lycopolis et s'y maint int pendant
près de six mois, et que d'autres parties de l'Egypte ayant été aussi le siège de troubles
sérieux, il fallut, pour rédui re les rebelles, avoir recours à des me r c ena i r e s grecs . On
sait que là fut l'origine de l'intervention du peuple romain pour s ' immi s c e r dans les
affaires de l'Egypte, (qui leur était devenue indi spensable comme centre de transit
commercial), et finalement leur permet t re d'en faire une province de leur immens e
dominat ion.
Le résultat de l'expulsion, des Pasteurs, qui ma rque le couiniencement de ce
qu'on appelle le second empi re pharaonique, et par suite de laquel le s'ouvrit la
,pé r iode des grandes conquêtes qui établirent, pendant plus ieur s siècles, la supér ior i té
de l'Egypte, fut pour ce pays la source d'une indus t r ie nationale qui at teigni t , avec une
rapidité inouïe, un degré de splendeur tel qu'il devint, pour les aut res nat ions, leur
plus grand s t imulant civilisateur. Mais cette indus t r ie ne se serait pas cer tainement
développée, avec cette intensité, si toutes les branches du savoir huma in, sans en
excepter une seule, n'avaient pas été explorées à l'époque du. premier emp i r e ; on
comprend, dès lors (aucun pr incipe n'étant plus à découvrir) que la t rans format ion
se soit bornée à une s imple appropriat ion des lois de l'art huma in à toute l 'humani té
elle-même. .
Cette distinction entre les conditions qui régi rent la destination des "productions
des arts et mét ier s , pendant la durée du premier empi re pha r aonique, et les deux périodes
nationales qui la suivirent, était d'autant plus néces sai re à établir (quoique
nous soyons les premier s à la préseuter), que ce seront, pr inc ipa lement , les produi t s de
ces deux dernières époques qui feront l'objet de nos investigations.
Mais, dirons-nous d'abord, les produits de l'art indus t r iel , of f rant , après l'expulsion
desHycsos , aux artistes égyptiens, l'occasion, introuvable auparavant , grâce à laquelle
ils purent enfin exercer toutes les res sources de leur talent (en môme temps qu'elle
les autorisait à appl iquer , sans restriction, les fantaisies de leur ima g ina t i on, en dehors
de toute règle hiératique), leurs travaux industriels nous présenteront - i l s , dans presque
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tous les genres, des spécimens artistiques d'un mérite réel, et dont l'étude sera assez
intéressante pour nous mettre à même de compléter dignement l'histoire des beauxarts
dans l'antique Egypte?
Cette preuvre incontestable, nous la fournissons en faisant connaître, par nos planches
, les nombreux essais dans lesquels ils imi tèrent la nature ; imitation qui sera
toujours l'essence même de l'art : on les voit, en effet, emprunter , dans la fabrication
de leurs meubles ou des objets utiles et de fantaisie, les formes et les fonctions des
membre s huma ins ; ainsi, une pai re de pincettes est, le plus souvent, une réunion de
deux bras (ou de deux tiges) terminés par deux ma i n s ; un fouet prend la forme d'une
hampe aboutissant à un poing serrant trois lanières ; une pelle est indiquée par un
manche terminé par une main ; l'anse d'un vase offre deux bras qui enserrent la panse ;
enfin, on peut s'y rendre compte, de tous côtés, combien les membre s destinés par la
nature à être nos auxi l iai res ont influencé la forme industrielle des ins t rument s factices
destinés à les remplacer .
C'est de là qu'on s'explique pourquoi , par suite d'un point de départ se rattachant
aux même s idées, les fauteuils, les chaises, les sofas empruntent toujours des formes
animales , et comment les plus petits us tens i les , eux-mêmes , présentent , le plus souvent,
des figures huma ines ou animales .
Cette pensée d'appropriation s'observe encore dans divers produits, qui empruntèrent
aux formes végétales leur élégance et leur be aut é : car on rencont re aussi trèsf
réquemment les petits meubles de toilette sculptés en forme de bouquets,, dont chaque
Heur est une boîtelette destinée à renfermer un pa r fum ou un cosmét ique.
On peut donc reconnaître, déjà, à cette époque, que c'est dans les pr incipes de
l'art pur , que l'art industriel doit pui ser ses mei l leures inspirat.ious ; et que c'est lui
seul qui peut fourni r aux artistes les types heureux qu'ils auront à mul t ipl ier , plus
tard, pour les accommoder aux di f férent s besoins ou aux diverses fantai s ies , parce que'
ces types sont appelés à concilier avec ce qui les entoure, les formes dont les imaginations
sont éprises, et dont le goût art i s t ique qui règne à chaque époque est toujour s
la source féconde, en même temps qu'à profiter, pour le rendu dans l'exécution, de
la séduction que l'art pur exerce, et de la faveur qui s'attache à tout ce qui porte son
empreinte. On sait, du reste, que les objets que l 'homme a créés pour son usage personnel
sont déterminés , quant à leur mat ière et quant aux formes , i)ar la nature même
des besoins auxquel s ils doivent servir : ce qui n'empêche pas cependant l 'homme de
poursuivre, en outre, une fin plus haute, qui fait qu'ent re toutes les mat ières , et parmi
toutes les formes, il choisit, autant que cela lui est possible, en faveur de ce qu'il crée,
celles aui satisfont le plus aux conditions de la be aut é ; parce qu'il est entraîné à
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