550 L'ART ÉGYPTIEN.
elle des émotions el qui veut inlerroger les premiers souvenirs que l'homme a laissés
(ians son court pèlerinage snr la terre. 11 q u i t t e r a nos villes bruyantes et enfumées, et
sous ce ciel si pur de l'Egypte, il retrempera son àme eu méditant sur les ruines de ces
vieilles cités qui furent, pour ainsi dire, le berceau de la civilisation du genre humain.
Il s'étonnera que, depuis quatre mille uns, le monde n'ail encore l'ieu produit
qui les surpasse ou qui les égale; il se convaincra de cette vérité salutaire, que les peuples,
comme les individus, n'ont droit à la reconnaissance du genre humain, et n'arrivent
à l ' immortal i té, qu'autant qu'ils ont contribué pour leur part au progrès général
de la civilisation. Il n'oubliera pas que l'ancienne Egypte, même à l'époque de sa
l)lus grande prospérité sous la monarchi e nouvelle, celle des Ramsès, de 1500 à 1500
ans avant Jésus-Christ (XIX" et XX^ dynasties), n'eut probablement jamais plus de 7 à
8 millions d'habitants; et eu appreiu\nt à quelle perfection les sciences et les arts
de tout genre étaient arrivés dès la plus haute antiquité, quel ordre régnait dans tous
les détails de Tadministration, et surtout la position élevée qu'occupait la femme en
Egypte, dans ia famille et dans la société, il se demandera en quoi la civilisation moderne
peut être un progrès sur celle qui régnait, il y a plus de trois mille ans, sur les
bords du Nil, au sein d'une nation qui occuperait à peine aujourd'hui, en Euro})e, le
i-ang d'une puissance de troisième ordre. »
On comprendra donc que, sans nous arrêter à quelques contradictions plus apparentes
que réelles, qu'impose inévitablement l'étude approfondie d'une civilisation aussi
complète, et que l'on n'avait reléguée au rang des fables que parce que l'on n'avait eu
jusque-là, sous les yeux, que des monuments de civilisations sorties de la ])arbarie
après des efforts gigantesques et presque surhumains, nous nous sentions, dès maintenant,
en droit d'aflirmer que la haute antiquité et la si)lendeur du premier empire
pharaonique ont pour garants le témoignage unanime, (juoiqu'nn peu empreint
d'exagération, des historiens anciens, et les monuments gigantesques dont les ruines
ont résisté à tant de causes de destruct ion; quand on voit, surtout , que ces témoignages
permettent déjà aux écrivains de notre temps, d'affirmer l'antériorité de la civilisation
égyptienne; et cela, malgré l'incertitude chronologique du plus grand nombre des
faits historiques conservés par la tradition.
Espérons donc aussi que le jour n'est pas éloigné (tout nons te fait espérer, du
moins), où le déchiffrement et le rapprochement des textes hiéroglyphi(iues permettra
de les classer dans un ordre chronologique indiscutable; parcequ'alors on s'expliquera
que nous ayons tant insisté sur la nécessité étroite de pousser, jus(|u'à ses dernièi'cs
conséquences, la découverte de l'immortel Champollion.
Ce n'est, en effet, que lorsque ce résultat sera atteint que les études classifpies au-
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ront, déllnitivemeiit, un point de départ irrécusable, el q u e l e u r s progrès produiront
des résultats incalculables pour l'avenir de la civilisation moderne.
L'ensemble de notre travail a suffisamment démontré, croyons-nous, que les
premiers Égyptiens connurent tous les arts sans exception, et en poussèrent quelcpu.suns
jusqu'au plus haut degré de perfection. Il est impossible de ne pas reconnaî tre, sur
les représentations lignrées, que, concurremment avec les arts utiles, ils se livrèrent a
la culture des arts de luxe, c'est-à-dire à l 'archi tecture, à la peintur e et même a la musique,
et qu'ils allèrent jusqu' à consigner sur les mur s des temples et des tombeaux, en
même temps que sur de nombreuses colonnes (auxquelles on sait que les historiens
ont a p p l i q n é la dénominat ion de colonnes hermétiques) leurs observations, leurs découvertes
et l'état exact de leurs diverses branches de connaissances.
Il est éo-alement certain que les anciens Égyptiens avaient fait de notables progrès
dans les sciences d'observation : dans le domaine de l'histoire naturelle, notamment,
nous apprenons, par les documents originaux, qu'ils avaient déterminé et nommé un
grand nombre d'espèces végétales et minérales, el qu'en outre ils étaient parvenus a
e x t r a i r e des plantes les sucs médicamenteux, des par fums, des liqueurs et des produits
comestibles. On sait, en outre, que, dès les temps les plus reculés, ils joignaient a leurs
cérémonies religieuses <les groupes de chanteurs qu'accompagnaient d'autres artistes
avec les inst rument s de musique consacrés.
Qu'on nous permette ici une réHexiou : si dans la haut e antiquité égyptienne. 1 a r t
revêt caractère d'originalité, de gravité et de raison, tandis que dans les siecles
postérieurs il offre déjà un certain caractère de frivolité, c'est qu'il n'était plus alors,
en réalité, qu'imitateur, et qu en accordant, par suite, moins d'importance a sa loi
de c r é a t i o n , l e s artistes se mont rèrent bien plus occupés de leur moyen que de leur
o b j e t ; aussi voyons-nous, dans les périodes suivantes, le travail industriel devenir,
chaque jour, moins ulile el pins osleutueux, parce qu'il était tombé entre des mains
moins cultivées.
Ou n'eu dcMuonoe pas „.oins slupùlail eu peusanl combien il lalhut, pour orner les
icnuples, pour n,eublev les palais, pour soutenir, dès In XYlIl' dynastie, la splendeur
, r n n e conr In^illante, qui avail (.our n.odèle à suivre la nu,gniticence de ses rois
(connue pour enlreleniv régulièrenicnl le luxe d'une nalion à laquelle ses richesses na-
. „ r e l i e s avaient donné un goût passionné pour loul ce qui parle aux yeux et distrait
n „ „ , i „ U , i o n ) , des légions d'artistes ctd-inuoiubrablesouvriers, même continnellenient
occupés! De là, sans doute, aussitôt l'établissement des relations commerciales, la
création de ces foires conliiuielles (dans dilTérentes provinces à la fois, et ou tout le
peuple ,1e TK-vpte se rendait en foule), qui lournissaient les facilités les plus grande.
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