Oi 1/AUT KGYPTIKN. IMTUODUCTION lIlSTOrUQUE. 05
Nous avons dit que plusieurs savanis (panui lesquels Fabre d'Olivel) avaient
pensé i|ue l'égyplieu ne dilTérait que iégèreuïcnt de riiébren; opinion qui, si elle
était admise, ne permettrait plus de soutenir l'identité du co})le et de Tégyptien :
auraient-ils osé avancer une pareille erreur, s'ils avaient pris en sérieuse considération
ce passage de la Genèse dans lequel il est dit : « En s'eulretenant ainsi,
les IVères de Joseph ne croyaient pas ([u'il les entendit, parce qu'il leur parlait par
interprète. » Ce |)assage suivrait seul pour prouver (pie l'égyptien n'était pas la même
taiigue ([ue l'hébreu.
D'où vient doue la langue égyptienne? Puisque l'on ne peut admettre ([u'etle
soit sortie de la famille des laugnes sémitiques, est-elle originaire de l'Afrique, ou
appartient-elle à une autre famille de peuples? Dans Hérodote, on trouve celte
phrase curieuse sur les Ammoniens : «Les Ammoniens, c'est-à-dire les habitants
de l'oasis d'Auinion, étaient une colonie mêlée d'Éiliiopiens et d'Égyptiens, et ils
[larlaient une langue intermédiaire entre celles de ces deux peuples.» Ce passage
impliquerait-il une analogie entre réthiopien et l'égyptien, et sujjposerait-il que ces
deux langues étaieut deux dialectes d'une même langue? Nous n'osons l'affirmer :
nous croyous cependant avec Letronne que régy[)tien aitparlient à un groupe composé
de trois branches : rammonien, régyittien cl l'étliiopien, et qu'il diffère des langues
sémitiques par la uomenclature, la syntaxe et la conii)osition.
Mais y avait-il, en oulre, en Egypte une langue sacrée différente de la langue
vulgaire? Non; Hérodote et Diodore en effet ne parlent pas de deux langues différentes;
ils parlent seulemenl de deux sortes d'écritures. Clémeut d'Alexandrie ne
parle pas non plus de deux langues différentes, mais tie trois genres d'écritures. Le
mot de langue sacrée ne se trouve (jne dans Joscplie, dans ce i)assage où cet auteur
|)ailant des Hyksos, et citant Manéthon, dit que ce mot se compose de Hyk, qui dans
la langue sacrée signifie roi, et de Sos, qui dans la langue vulgaire signifie berger,
pasteur : El, en effet, si le mot Hyk n'existe i)as dans le copte, mais seulemenl dans
les légendes liiéroglyi)liiqucs, le mot Sos se retrouve encore dans le copte.
Nous croyons qu'il ne faut \)i\s se méprendre sur ce terme langue sacrée. Au
fond, cette appellation iie veut désigner rien de plus (pie celte expression, la langue
jmétique. Dans tous les idiomes [terfeclionnés, le langage ]>oéti(pie dilTère du langag(^
de la prose. Le grec en est un exemple fra])panl. Quelle dinéi-eiice entre la langue
d'Eschyle et celle de Xénophon! La langue poétiiiue affectionne les archaïsmes, c'eslà
dire les locutions consacrées par leur ancienneté; or la langue i)oélique n'est généralement
que rancienne langue qui ne s'est pas transformée.
Ainsi l'existence d'une langue sacrée, mystérieuse, profonde, inconnue au vul-
.. • .n n'p^i nas démontrée historiquemenl. C'est donc bien à i^alie, n LSI ] tort (ju'on en fait si
orand bruit : il n'y avait, réellement, qu'un langage, qui se divisait, cependant, en
Liio-uc ancienne et langue usuelle; mais celles-ci ne dilTéraient pas essentiellement ; pas
beaucoup plus, par exemple, que le grec du temps d'Homère ne diffère de celui qu'on
employait du vivant de saint Jean ChrysostÔme. Ce qu'on s'est plu à nommer la langue
sacrée d'Egypte n'est donc autre chose que la langue qu'on y parlait à une époque où
les notations hiéroglyidiiqiies furent inventées. Le passage de Manéthon n'implique pas
autre chose. Cette explication toute naturelle est confirmée du reste par les découvertes
de Champollion; la valeur phonétique des signes qui représentent l'année
et le mois en sont la preuve. El ici le fait a beaucoup d'importance; car l'étude
d'une langue est une étude de faits plutôt qu'une étude théorique, à. propos de
laquelle il ne faut jamais élever des questions d'impossibilité et d'invraisemblance.
C U R O N O L O l i i E . LISTES DE MANÉTHON.
C I I R 0 > ' 0 L 0 G 1 E .
La plus ancienne époque qu'il soit donné d'étudier en Egypte par des monuments
contemporains appartient à la quatrième dynastie, qui précéda certainement
notre ère de plus de vingt-cinq siècles; mais si les calculs chronologiques ne peuvent
s'étendre avec certitude jusqu'à cette limite, nous n'en sommes i)as moins déjà forcés
de reconnaître que nous nous trouvons aux prises avec une histoire bien réelle, certifiée
par des monuments, vivant dans des oeuvres immenses; et qu'une foule de
détails et de personnages vient animer cl enrichir.
N'oublions pas de faire observer ici que les dynasties antérieures n'ayant été
connues jusqu'alors que par des listes royales, les unes Iranscrites dans des extraits
de iManéthon, les autres conservées i)ar des monuments postérieurs, la nouvelle liste,
trouvée par M. Mariette dans un tombeau de Sakkarah, et à laquelle il a donné le
nom de Table de Memphis, est certainement un document des plus intéressants
à consulter, parce qu'il permet de lire, sous leur forme égyptienne, les noms de
plusieurs rois des deuxième et troisième dynasties.
Avant cette découverte, le ])lus ancien roi dont nous connaissions un monument
contemporain (mais dont la place était controversée, c'cst-à-dire Sénofre, que la liste
de Manéthon nomme Sôris) n'aurait pu se trouver définilivement reconnu comme le
l)remier de la quatrième dynastie : rappelons aussi que, suivant un système soutenu
par i)lusieurs savants, et qui s'appuie sur l'autorité du nom de M. Lepsius, l'inva-
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