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à d'aulrcs parties cruiic exécution excellente, el de telle manière qu'à première vue
rien ne choque, si ce n'est l'ensemble, dans ce bizarre assemblage de 1,eau tés frèsrèelles
et d'excentricités très-réelles anssi.
« Quand il est parvenu à ce point, l'observateur ne larde pas à faire une découverte
nouvelle et plus curieuse encore. Ce sont toujours les mêmes parties du corps
hnnuiiu qni sont excellenles, et toujours les mèuies parlies qui sont absurdes. Les
emmanchements des épaules, les atlaches des bras, la forme des mains, la disposition
des j.ieds, celle surtout du globe de l'oeil, font tout d'abord ressembler l'homme à
nne espèce de pantin de bois dont les jdèces ont été mal assemblées; dont le buste
se prèsenle do face, posé sur un Ironc et des jambes de profil; dont la tète j)orte,
de profil, sur ce buste de face; dont les yeux enfin regardent en face celui qui voit'
la tète de jtrofil.
« Le dessin de la tète, au contraire, le modelé du visage, (luelquefois les avantbras,
le cou, l'abdomen, les cuisses, les jambes et les pieds sont souvent d'un dessin
si exacl, si pur, si correct, si éléganl que, j,rises séparément, en cachant le reste
du corps, on peut comparer chacune de ces parlies aux mêmes parties du corps
le plus heureusement, et le plus poétiquement reproduites par le ciseau grec.
« E n f i a . s'il est habile, l'observateur, en comparant toujours les uns "avec les
autres, les dessins qu'il a sous les yeux, devine bientôt (lu'une règle inflexible, dont
Il ne comprend pas les motifs, lut inqmst'e aux artistes égvptiens; car il n'esl pas
possible de conslater l'alliance de tant de grâce et de science à tant d'ignorance el
de gaucherie sans concevoir que celle ignorance et celte gaucherie ne sont qu'apjiar
e n l e s ; car les lignes (absurdes elle.s-mémes, en tant qu'exaclilude de représentation
du corps humain) étant j,our un moment j,rises en elles-mêmes et comme délachées
du corps humain, ces lignes sont harmonieuses, éléganles, savantes. Et alors, si l'observateur
a jn-ès de lui quelque bon morceau de staluaire égvplienne, une tèle, un
sjdnnx, une statuette de la belle époque de l'art, son étonnenient touche au comblecar
tout est parlait comme perspective, comme dessin, comme justesse de mouvemenl
dans celle tète, celte statuette, ce sphinx; car tout est parfait souvent comme modelé
comme sentiment, comme expression; et il est conduit à se demander si la rè.|e
qui violentait si cruellement le dessin avait, par hasard, tait grâce à la statuaire
« -Aous le tirerons loul de suite d'embarras, en lui disant que, dans l'arl ,1e la
statuaire, cette règle haïssable ne pouvait jias èlre aiipli(iuée.
« Eu effet, chacun comprendra qu'à moins de façonner des espèces de monsires
plus grimaçants el plus fanlasiiques encore ,|ue ces dragons rêvés ,lans l'extase narcousée
des Chinois, chacun comprendra qu'il était malériellement impossible au.
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AI'KRCU GÉNÉliM. SUR L'ETAT DES BKAUX-.MiTS.
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sl-Uinives égyplicns d'obéir à la règle imposée aux graveurs el aux pe.nlres par le
t e r d o c e . Les pré,res souverains qui, dès le début de l'art, avaient admis pour
indélébiles les essais nails et grossiers des arlisles primilils, en adopt,ml
s ' n s .ioute comme Ivpes ces figures de convention, uniquement y.arce qu'alors les
'..listes inhabiles n'en savaient pas reproduire de meilleures; les prêtres eurent
1 , , , „ déposer dans les temples les modèles de ces lypes, el défendre aux artistes .le
s-éc'u1er eu quoi que ce fût, de la représeulalion de ces modèles, les sculpleurs
„e purent pas leur obéir, el la règle sacerdotale vint se briser contre les exigences
malérielles de la statuaire. _ .
„ Commenl, en effet, lailler une statue dont le corps, la tête el les pieds u auraient
été dirio-és suivant le sens de la môme ligue? el pourquoi, d'ailleurs, enfanter
un pareil monstre? La règle sacerdotale ne put obtenir des statuaires qu'une certaine
,„i,lenr dans l'ensemble, une certaine lourdeur de la pose, une certaine sécheresse
,|,.s liones. Et encore, cette roideur qu'on relrouve surtout dans les altaches des bras
, n x épaules, dans l'horizontalité des épaules, dans l'effilement du buste et dans la
ieusion ,les muscles des jambes, cette roi.leur se relrouve un peu dans la nalure
èovptiennc Les Égvpliens de race ressemblent tous, plus ou moms, a celte figure
a ' c o n v e u l i o n si gauche, mais si sculpturale, que reproduisirent toujours les artistes
primitifs de tous les peuples et de tous les temps.
« Il ressort de ce qui précède que ce qu'il y a de contraint, de symétrique et d impossible
dans le dessin des artistes de l'Égypte, à la belle époque de l'arl égyptien,
ne provient pas de l'ignorance ou du goùl dépravé des arlisles, mais d'une regie
sévère, absurde el barbare, qui leur élail inflexiblement imposée. La meilleure preuve
de ceci se renconlre presque toujours dans les dessins représenlanl, non plus 1 homme
au repos, mais l'homme en mouvemenl. Certains mouvements, dans le dessin, échappaient
forcémenl. tout comme la slaluaire, à la règle que les artistes execraient;
el, dans qiiel.iues représentations de danses, par exemple, on peut voir quebiues
figures se monvant dans une liberté parfaite, un peu grêles et naïves encore, il est
vrai, mais bien en ]ierspeclivc el eu proportion.
« Nous examinerons plus loin les représentations des animaux dessinées, peintes
• ou gravées, (|ui sont peut-êlre plus curieuses et plus probantes encore que les represenlalions
du corps humain. Tenons-uons-en pour le moment à la figure humaine
IKUule ou enlaillée au Irait, souvent avec une finesse de camée, sur une surlace
pliuie.
« El, bien! à la belle époque de l'arl égyptien, sous lesxvni» et xix» dynasties, celle
figure, même quand elle osl prise an repos, malgré son élrangelé choquante, alleint
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