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une autruche et des singes qui sautent et gambadent au milieu du cortège, dans lequel on
remarque une femme portant deux jeunes enfants dans une coufle rejetée sur le dos, une
jeune fille ayant un singe juché sur ses épaules, et un homme tenant une petite gazelle dans
ses bras.
Tous ces animaux sont traités de mains de maître, avec une vérité et une hardiesse admirables.
Les boeufs sont remarquables, en outre, par leurs longues cornes terminées en forme de mains
humaines, coutume qui existe encore, dit-on, chez les tribus Gallas des frontières de l'Abyssinie,
où Ton façonne cet ornement au moyen de fers chauds.
Dans le tableau suivant, dont je ne parle ici que pour compléter la description de ce monument,
on voit Ramsès II monté sur son char de bataille, suivi de ses deux jeunes fils, debout
aussi sur des chariots guidés par des conducteurs qui poussent les chevaux à toute vitesse. Le
pharaon lance ses traits sur les malheureux Éthiopiens qui jettent leurs armes et se réfugient en
dé.sordri-! dans des forêts paludéennes, clair-semées d'arbres étranges à larges feuilles ser
lesquelles sautent des singes grimaçants. Un chef nègre, sans doute mortellement blessé, est
apporté sur les épaules de ses compagnons. A la vue des terribles résultats de cette vigoureuse
attaque, femmes et enfants fuient dans toutes les directions. A l'extrémité du tableau, une vieille
occupée près du feu à préparer tranquillement son repas dans une complète ignorance de ce qui
se passe près d'elle, est détournée des soins du ménage par un jeune homme, son fils peut-être,
qui accourt et semble lui annoncer le retour du père, la déroute de la tribu et les malheurs qui
vont fondre sur elle comme sur les siens.
Pai- ces divers incidents, retracés avec beaucoup de vérité et de sentiment, l'artiste a voulu
sans doute exprimer la soudaineté de l'attaque de Ramsès, et sa brusque irruption dans une
localité qui ne croyait pas les Égyptiens à la distance d'un trait de flèche.
COLON.^;E DE LA SALLE HYPOSTYLE DE KARNAC. — Thèbes. — xix" dynastie.
Les colonnes de la salle hypostyle de l'Âmoniura de Karnac, les plus grandes de l'Égypte,
sont aussi couronnées du plus grand et du plus beau chapiteau qu on puisse voir aujourd'hui
dans la vallée du Nil. Les ornements en sont agencés avec un goût qui le fait rivaliser avec le
chapiteau de la salie hypostyle du Memnonium, dont les ornements sont distribués, cependant,
avec plus de symétrie et d'élégance.
Ce splendide chapiteau campanuliforme, comme l'ombelle du papyrus, a 3 mètres de hauteur
sur 6™,70 de diamètre supérieur. Il est d'un galbe très-pur joint à une amplure toute monumentale.
Les ornements qui le décorent, d'une façon si simple et tout à la fois si originale, sont
seulement tracés à la pointe, et n'ont pas de relief apparent; néanmoins ces contours suflisaient
pour cerner la couleur et permettaient, au besoin, de colorier derechef la décoration, sans
s'écarter du dessin tracé par l'architecte.
Huit stipules décorés de chevrons quadncolores et disposés ou imbriqués de la même manière
que les appendices attachés sur le pétiole du lotus, ornent le bas du chapiteau; ils recouvrent la
naissance de nombreuses tiges, groupées trois par trois et terminées par des ombelles de papyrus,
dont les unes montent jusqu'au bord de la campanule du chapiteau, tandis que d'autres s'épanouissent
un peu au-dessus des chevrons pour soutenir de grands cartouches couronnés d'un
globe et de plumes.
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Ces cartouches contiennent le prénom et le nom de Ramsès II qui fit achever la décoration de
la salle hypostyle. Ces mêmes cartouches, alternativement flanqués d'ureus, symboles de la
royauté, forment bordure au-dessous des viroles du fût. Malgré ces détails tout hiéroglyphiques,
ce splendide chapiteau, vu du bas des colonnes, ressemble à une corbeille de fleurs portée sur
un candélabre. A la façon dont ces emblèmes s\agencent avec l'ornementation qui a aussi son
symbolisme, on reconnaît, au premier coup d'oeil, une architecture qui s'est développée sur le
sol qui l'a vue naître sans rien emprunter aux autres.
PILIERS CARIATIDES DU TEMPLE DE RAMSÈS IIL — Médineh-Thabou. — xx« dynastie.
La première cour du grand temple de Médineh-Thabou est fermée au nord-est par une galerie
composée de sept piliers cariatides d'environ 7-,50 de hauteur. Ces statues colossales, adhérentes
à de massifs piliers, ont en partie disparu sous le marteau iconoclaste des premiers
chrétiens qui s'approprièrent le temple. Toutes ont le visage mutilé; quelques-unes conservent
encore une partie de leur riche coiffure; les autres, par contre, ont perdu presque tous leurs
ornements. Pour donner une idée exacte de ces beaux piliers cariatides, j'ai dû réunir sur le
mieux conservé les détails qui y manquaient et qui se trouvaient avoir été préservés ailleurs ; je
suis parvenu ainsi sans y rien ajouter, à rendre, tout à la fois, la pose raide et monumentale de
ces colosses, leur physionomie, et toutes les parties de leur ornementation.
Ces colosses offrent l'image de Ramsès III sous la forme osiriaque. La lourde coiffure qui
couvre leur tête et descend sur leurs épaules, renferme tous les attributs qui se trouvent dans le
cartouche qui indique le prénom du roi : ceux-ci servaient ainsi à le désigner d'une façon
anaglyphique. Les Égyptiens ont fait un fréquent usage de cette manière d'exprimer des noms à
l'aide d'ornements hiéroglyphiques, distribués symétriquement. Tous ont les bras croisés sur la
poitrine, et tiennent en main le fouet et le crochet. Un poignard est passé dans leur ceinture, et
sur leur riche schantie pend une bandelette ornée d'ureus. A droite et à gauche du pharaon, on
a représenté, presque de ronde-bosse, deux de ses enfants, un fils et une fille, dont les noms ne
sont pas gravés : la tête du pharaon est coiffée du clafte.
La cour où se trouve la galerie ornée des piliers cariatides que nous venons de décrire est
fermée, du côté opposé, par une galerie ornée de huit grosses colonnes à campane, dont les
décorations ont encore conservé l'éclat de leurs couleurs. Les colonnes, lourdes^ et massives, ont
des entre-colonnements inégaux, inégalité répartie symétriquement de part et d'autre, il est vrai,
mais qui n'en est pas moins un défaut aux yeux des modernes. La critique vous dira encore que
la galerie opposée ne contient que sept piliers cariatides qui, par conséquent, ne correspondent
pas aux huit colonnes qui leur sont opposées; qu'enfin, l'architecte semble avoir pris plaisir à
violer toutes les lois de la symétrie dans un endroit où il était facile d'éviter un tel défaut
d'exécution. Mais les architectes de cette époque reculée, avaient d'autres idées : la symétrie
des détails n'était pas ce qui les préoccupait. Ils portaient leurs vues plus haut; ils visaient à
produire de grands effets, de fortes impressions, et ils ont presque toujours atteint leur but.
Certains auteurs, avec leur mot favori de sijméirophobia, n'ont pas remarqué tout l'effet que
devait produire cette cour et que cette irrégularité mettait précisément, devant la porte de la
galerie sud-ouest, une de ces statues colossales à l'air grave, austère et imposant. Mais puisqu'il
leur fallait absolument critiquer, ils auraient eu raison de blâmer plutôt la grande prolon