252 L'ART ÉGYPTIEN,
SCULPTURE. 253
ses mains des scorpions et des animaux sanvnges, se rencontre fréquemment, aussi
bien en bronze qu'en pierre et eu terre cuite; mais elle porte l'empreinte d'un
travail des derniers temps de l'art égyptien.
Quoiqu'il ne soit pas rare d'y rencontrer, aussi quelquefois, outre ces figurines
de Itronze, des spécimens d'art, d'une époque autlientiquemenl ancienne, il
n'en est ])as moins bien certain que jamais la Toreutique n'acquit, clicz les Égyptiens,
au temps des pharaons, le développement que lui donnèrent les Grecs;
cei)endant il est probable qu'ils connurent, aussi, l'art de fabriquer ces statues
de bois ornées d'or et d'ivoire qu'on a nommées, en Grèce, Clirysélephanlines;
mais ces oeuvres, qui n'auraient été qu'en très-petit nombre, ne paraissent pas
antérieures à la xvin' dynastie : Champollion ne mentionne qu'une slatue, composée
en ébène et ivoire avec un collier d'or, dont il a déchiffré l'inscription
dans un tombeau de Thèbes, exécuté sous la xvni'^ ou la xix'^ dynastie.
STATUAIKE
A l'époque la plus reculée, la statuaire n'offrait en Égypte, comme partout,
que des monuments grossiers dont l'effet ressortait moins de l'exécution que de
l ' i n t e n t i o n ; or, n'ayant pas le prestige de la forme, ils manquaient des conditions
essentielles qui constituent l'existence d'un art.
L'art ne se développa, réellement, qu'avec les premiers monuments et les
statues contemporains des pyramides qui offrent déjà une perfection remarquable.
Il ne faudrait pas croire qu'à cette époque d'archaïsme, la sculpture égyptienne
(depuis le colosse jusqu'à la statuette) fût exclusivement un art spiritualiste qui
se préoccupât toujours moins des lignes que des idées, et dont la pensée ait toujours
été la première inspiration; car la statue de Chafré, fondateur de la seconde
pyramide, prouve que les artistes égyptiens s'attachaient déjà, au contraire, à reproduire
la nature et y étaient parvenus avec succès.
Cette statue, en brèche verte rubanée, offre sous le rapport artistique une
perfection incroyable ; bien que taillée dans une matière fort rebelle au ciseau.
Elle est un peu plus forte que nature, assise, et du calcanéum au sommet de la
tête mesure l'",44, La tête est d'une beauté remarquable, les yeux y sont représentés
au naturel, sans prolongemeni ; le nez droit et bien dessiné, la bouche
longue, les lèvres droites présentent, en (out, l'imitation d'une figure dont on a
cherché et réussi à faire le porirait : comme il est facile de s'en assurer par d'autres
statues du même pharaon, moins parfaites que celle-ci. Le torse est bien modele
ainsi que les bras et les jambes où l'artiste a déployé un grand sentiment de la
nature. Cependant les pieds et les mains y sont plats, et les doigts et les orteils
indiqués par de simples ligues droites sans articulations. Â part ces défauts, la
slatue, (juoiquc un peu lourde, est d'une perfection remarquable. On reste tout
étonné quand on considère la matière qui est aussi dure que le granit : malheureusement,
les zones rubanées inhérentes à la nature de la brèche gâtenl
l'effet de ce chef-d'oeuvre de la statuaire égyptienne.
Une autre slatue en calcaire, de la môme époque, celle d'un fonctionnaire
nommé Ranofré, est aussi d'une beauté remarquable. La tête est un peu petite
pour le corps, mais elle est pleine do vie et d'expression, le haut du torse et les
bras sont parfaitement modelés ainsi que les jambes dont les muscles sont hardiment
indiqués; mais ces dernières sont un peu grosses.
On voit au musée du Louvre trois statues de. grandeur nalurelle, eu pierre
calcaire, qui sont-aussi contemporaines des pyramides. Le type en est un peu lourd
et trapu; néanmoins ces statues prouvent qu'au temps des quatre premières dynasties,
la statuaire était déjà fort avancée et dans une excellente voie. Ces trois
figures ont au-dessous de l'oeil une bande verte qu'on remarque aussi sur d'autres
statues de la même époque.
Toutes les statues des premières dynasties, cependant, n'ont pas le mérite
que nous venons de signaler. La plupart, comme celle d'un orateur royal nommé
Bethmes, qu'on conserve au British Museum, sont courtes, trapues, et ne présentent
guère qu'un essai primitif.
I l y a lieu de remarquer, aussi, que dans ces oeuvres primitives de la statuaire,
la masse principale n'est i>as en proportion avec les parties subordonnées
dont l'artiste semble ne pas avoir connu les fonctions; mais si ces parties ne se
dégagent pas et paraissent étouffées dans l'ensemble lourd et carré de la masse,
il n'en apparaît pas moins par les meilleurs spécimens de cette époque, que l'art
cherchait sa voie dans l'imitation de la nature, et, à part les pieds et les mains,
était déjà parvenu à un point étonnant de perfection. Les têtes surtout, qui sont
toutes des portraits, présentent une grande variété de physionomies bien rendues
et souvent d'une vérité étonnante.
On n'en est que plus frappé du contraste présenté par les statues monumentales,
c'est-à-dire adhérentes aux parois des murs, qu'on voit sculptées, un peu plus tard,
dans les hypogées de la vi^ dynastie, par exemple à Zawet-el-mayetin, où elles sont
extrêmement grossières. La lourdeur de leur coiffure, la roideur de leur costume,
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