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tôt toute la vallée, de Baie-Falso jusqu’au
pied des montagnes, et finit par nous dérober
entièrement la vue du charmant paysage
de Constance, de Nieuwland et du Ron-
de-Bosch ; et puis, grossissant à vue d’oeil,
il ne tarda pas à gagner successivement la
hauteur de la Tablej. et, en moins de deux
heures, il s’accrut au point que non-seulement
il couvrit la partie du terrain qui nous
séparoit du Diable, mais encore nous enveloppa
nous mêmes de toute part.Cette brume
étoit si dense ; qu’on ne pouvôit rien distinguer
à un pied loin de soi. Du reste, l’atmosphère,
malgré ce grand mouvement de vapeur,
ne sembloit point troublée ; je ne Sen-
tois pas un soufle de vent ; en revanche mes'
habits se mouilloient insensiblement.
J’avois eu plusieurs fois l’occasion de remarquer
, que lorsque ces nuages venoient
se répandre sur la Table, ils n’en couvroient
que la partie orientale, tandis que l’occidentale
restoitpure et intacte. Je savois encore,
et je l’ai dit ailleurs, que souvent dans ces
tems brumeux, un colon qui part de la valle,
pour se rendre à la Baie-Falso, peut choisir
à son gré, ou de marcher sous un soleil hrûe
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Jant en prenant par l’ouest, ou de s’exposer
à une pluie continue en prenant par le côté
opposé. Or, maintenant que je me trouvois
sur la montagne au moment que le nuage
s’appésantissoit sur elle, jepouvois aisément
m’assurer quelle partie étoit couverte, quelle
autre ne l’étoit pas ; puis qu’étant dans le
B.uage même, je n’avois qu’à marcher jusqu’au
moment où j ’en serois sorti. C’est ce
que je fis en m’avançant vers l’ouest du
plateau ; mais à peine fus-je à mi-chemin de
ce plateau, que je me trouvai sous les rayons
d’un soleil ardent, et sous un ciel de toutes
parts très-serein.
C’estvalors que s’offrit à mes regards, le
spectacle du plus bel horison que j ’aie jamais
considéré : je distinguois toutes lés habitations
qui parent les montagnes du Tigre,
le Blauw-Berg, le Groene-Kloof et le Piquet-
Berg; la ville se trouvoit presque perpendiculairement
sous mes pieds; mais lorsqu’a-
vec ma lunette, je me mis à considérer les
girouettes des maisons, je m’apperçus qu’eD
les étoient tournées en tout sens, ce qui
m’annonçoit que le plus grand calme y rè-
gnoit ainsi.que sur la montagne, où il n’y
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