
avec 1 ardeur qu’il montroit pour la chasse,
il seroit a coup sûr un bon tireur ; je n’en
âurois pas dit autant de nos élégans petits
maîtres, et particulièrement de nos beaux
esprits à lunettes.
Ce que je lui avois annoncé se vérifia
par la suite ; car Jonker devint en effet le
plus intelligent et le premier de mes pourvoyeurs.
Quelques réflexions rendront cette
particularité très-sensible : il n’en est pas
de la chasse en Afrique pomme en Europe;
la, le talent du chasseur ne consiste
point, comme ici, à avoir seulement la main
sure et le coup-d’oeil juste ; avec cette qualité
il doit encore en posséder d’autres plus
essentielles ; et- sans lesquelles celi e^-ci de-
viendroit presque inutile contre les rusées
gazelles du desert : il faut une excellente vue,
pour découvrir le gibier dan^ lé plus grand
éloignement,afin de l’appercevoir aVCii t d’en
avoir été vu ; et mettre beaucoup d’intelligence
pour le leurer, lui donner l'OChâtï-
ge, et sur-tout posséder un côrps" sduple,
capable de se prêter à toutes'sortes de positions,
pour ramper patiemment pendant
long-tems K et â de très-grandes distances
s’il lé faut, pour parvenir à sa portée sans
être découvert. Voilà ce qui est spécialement
nécessaire aux bons chasseurs africains,
et ce qui leur donne cette rare qualité
si bien appréciée par les colons et les Hot-
tentots, qui les distinguent par ï© nom dé
Wdd-Bekruyper, ce qui équivaut à ram-
peur de gibier. Tel bon bekruyper, quoique
ne sachant pas si bien tirer qu’un autre
chasseur qui ne possèderoit pâs son talent
, ne laissera pas cependant que de tuer
plus de gibier que lui ; vu que, par son
adresse; il saura se traîner et s’approcher
si près d’un animal quelconque, qu’il seroit
impossible, même au tireur le plus
mal-adroit, de le manquer; Les Boshjesiüan
passent généralement pour être les meilleurs
bekruypers; mais j ’ai été mainte fois
à portée d’admirer la même agilité dans
Jonker.
Sa vue étoit si perçante, qu’à une distance
énorme , il distinguoit une gazelle
couchée ; tandis que souvent moi, avec
ma lunette, je ne l’apperçevôis pas. Il n’y
avoit dans toute ma caravane que mon singé
Kees qui eut l’oeil aussi perçant;