
£¿4 , V o y a g é
où il en trouvëroit, je piquai mon cheval;
et le suivis au grand galop pour ne pas
le perdre de vue; 3\fa conjecture étoit
fondée ; âpres quelques minutes de course,
je vis qu’il descendoit sur une hàùte et
grosse roche dans laquelle il s’engagea.
J’y montai à pied, et trouvai là un grand
creux , formant un bassin naturel rempli
d’eau de pluie, dans lequel ranimai 11 a-
geoit, plongeait et s’abattoit gaiement.
Il m’auroit été facile de le tirer; mais
après le service qu’il venoit de me rendre ;
c’eût été de ma part une ingratitude atroce.
Seulement je cherchai à le faire envoler,
dans l ’espérance que, n’ayant pas
goûté âssez long-tems le plaisir du bain, il
iroit en trouver quelqu’autre dans le voisinage
, et m’indiqueroit ainsi une nouvelle
citerne. Pour cette fois mon attente’
fut trompée ; l ’oiseau partit, à la vérité 5
mais effarouché, pour la première fois de
sa vie peut-être, il s'éloigna beaucoup, et
bientôt je le perdis de vue.
Du haut de la roche, j ’avois fait signe
à mes gens d’avancer de mon côté;
quand il furent arrivés, je leur donnai
S N À F â i q u È, 22.5
Ordre de remplir mes jarres; j ’en avois
quelques-unes darts mes chariots ; et certes ,
je n’eusse pas manqué, au passage du Lange
Valey, de les approvisionner d’eau, s’il
m’eût été possible de prévoir la sécheresse
qui nous attendoit. Les jarres remplies,
je fis abreuver mes chevaux et quelques-
tins des animaux de ma caravane. Ceux-
ci le mirent si entièrement à sec, qu’au-
cün de mes pauvres boeufs ne put boire.
Mais jë savois qüç les animaux ruminans
supportent plus long-tems la faim et la
soif; et d’ailleurs, je me Hattois d’avoir,
avant la fin de là journée, quelqu’autre
bonne fortune, * pareille à celle que nous
venions d’éprouver. J’espérois en vain 5
nous ne parcourûmes pendant tout le jour,
qu’un désert aride. Dans l’après - diner,
deux de mes boeufs, tombèrent épuisés de
lassitude' et de soif; et il fallut les abandonner
i tristes et douloureux présages
des malheurs quim’étoiént destinés. Enfin,
le soir il fallut, Gomme la veille, dételler
et cainper a sec, dans, l’attente d*un sort
plus triste encore pour le lendemain.
Une forte averse, qui heureusement Sur- Tome E p