
V 0 Y A G E
« le plaisir de vous voir encore au Cap;
« dans ce dessein, il a laissé ici sa voiture et
« ses chevaux ; et voici une lettre qu’il tous
«t a écrite, et que je me suis chargée de
« vous remettre. »
Le début de ce discours m’avoit consterne
, je 1 avoue ; mais la fin, je ne sais pourquoi,
me rassura.. Je m’imaginai que, par
gaiete, on avoit voulu s'amuser de moi un
instant. Cette lettre, cette voiture pa*
rurent une plaisanterie ; et j ’en étais même
si convaincu que, maigre l’air de vérité avec
lequel m’avoit parlé la fille de Slaber, maigre
les protestations qu’ils me firent tous
que le départ n’étoit que trop vrai, j ’allai
visiter, avec Percheron, toutes les chambres
de la maison pour y chercher les deux
absèns ; ne doutant point qu’ils ne fussent
cachés pour nous faire pièce. Ils étaient partis!
mon bienfaiteur m’avoit quitté ! j ’al-
. iois le perdre pour long-tems ; et il ne ms
restoit d autre consolation que de courir au
Cap 1 embrasser encore avant son départ.
Le lendemain des le point du jour, nous
montâmes en voiture, Percheron et mm.
Arrives chez Boers, les premiers objets qui
e N A f r i q u e . 10S
frappèrent mes yeux furent ses malles qu’on
enlevoit pour les transporter à bord, et lui-
même m’annonça qu’il partait le lendemain.
En vain les médecins lui avoient représenté
que sa santé étoit trop foible pour supporter
un aussi long voyage j qu’il auroit d û ,
avant de l’entreprendre, aller pendant deux
pu trois mois reprendre à la campagne les
forces nécessaires ; et que d’ailleurs le bâtiment
sur lequel il se proposoit de s’embar-r
quer, étant beaucoup trop petit pour lui
procurer que certaine aisance de logement,
il s’exposoit témérairement à un danger de
môrt presqu’assuré : rien n’avoit pu l’arrêter.
Prévenu contre un pays dans lequel on
lui avoit fait éprouver des désagrémens qui
n’auroient pu que s’accroître encore, il
n’aSpiroit qu’au moment de s’en éloigner.
D’ailleurs, en quittant la Hollande, il y
avoit laissé un père respectable que son coeur
lui rappelôit fortement, et qn’il n’avoit jamais
cessé de regretter ; il préférpit enfin
le bonheur de revoir sa famille aux agitations
et aux peines qu’entraînent après soi
la fortune et de vains honneurs,.
Quel que fut mon attachement pour lui ,