
de Cordon ! C’est à lu i, à lui seul que mes
gens et moi devons la vie. Sans ressource,
au milieu d’un désert aride et brûlant, forcé
d’abandonner tous meâ effets et mes chariots
, après avoir vu périr par la soif tous
mes boeufs, l’un après l’autre ; réduit enfin
à n’avoir, avec mes pauvres camarades, que
le lait de mes chèvres pour toute boisson,
j e n’attendois plus que lamprt, ainsi qu’eux ;
quand je nie rappel 1 ai les deux nomades
que m’avoit indiqué l’habile prévoyance du
colonel. Guidé par sés instructions, je les
cherchai ; j ’eus le bonheur de les trouver,
et nous fumes sauvés. Mais n’anticipons
pas sur des momens douloureux , dont la
peinture me rappellera nécessairement dés
souvenirs qui ne sont que trop amers ';
cependant m’étoii*il possible de prévoir ou
de prévenir ces contrariétés?
Que je dus m’applaudir alors d’une précaution
que, pendant mon séjour chez le*
Gîaber, m’avoit suggéré sans doute un génie
favorable î savoir, d’augmenter le nom*
bre de mes chèvres. J’en achetai plusieurs
dans leur canton, et particulièrement de
jeunes, lesquelles, à la vérité, ne donnoient
point de lait encore , mais qui
bientôt devoient en donner plus que leurs
mères. J’ajoutai aussi à mes bestiaux trois
vaches à lait, Enfin, parmi mes provisions
de bouche , je voulus quelques sacs de farine
; non que je me flatasse d’avoir ainsi
du pain frais pendant ma route ; un pareil
projet eut été insensé ; mais au moins
il m’étoit possible de me procurer des bouillies
, des galettes , des gâteaux , et ce changement
me promettait une ressource. Toute
habitude devient insensiblement pour nous
un besoin : c’est ce que j ’avois éprouvé dans
le commencement de mon premier voyage.
Il m’en a voit extrêmement coûté de me voir
privé de pain tout à coup; et j ’espérois què
dans celui-ci ma farine m*en déshabitue-
roit peu à peu , en attendant qu’il fallut ÿ
renoncer entièrement ; d’ailleurs , si des
circonstances me mettaient à portée de faire
pétrir et cuire du pain , la femme de Klaas
pouvoit me rendre ce service. Elle s’étoit
rendue près de moi avec lu i, dans l’espoir
que , repassant peut-être par la contrée où
il s’étoit attaché à elle , je lui procurerois
l’occasion de revoir encore sa horde et ses
MS