
i© 6 V o y a a b
livré souvent à des souvenirs non moins
chers, et bien capable à sa place d’imiter
sa conduite , je ne m’occupai point à combattre
une résolution bien déterminée ; je
ne songeai plus qu’à mettre à profit les courts
instans que nous laissoit l’amitié. Je voulpis
qu’il en emportât un gage avec lui. Quoiqu’il
ne fut naturaliste qu’autant que je lui
en avois inspiré le go.ut, je me hâtai de faire
dans tout ce que je pos&édois un choix précieux
en histoire naturelle, que j ’envoyai à
bord avec ses autres effets ; je me serois
presqu’embarqué avec lu i, tant le découragement
s’étoit emparé de mon ame ; n’ayant
plus sous mes yeux un aussi digne conseiller,
jè devrois dire un consolateur, qui plus
d ’une fois avoit reçu les épanchemens d’un
coeur qui avoit aussi ses disgrâces à dévorer.
Enfin, je vis arriver le 2,5 octobre 1783,
époque malheureuse qui s’est plus d’une
fois retracée à mon esprit , et de tous les
événemens de ma vie celui qui m’a coûté le
plus d’ennuis et de regrets*
Il fallut nous séparer. « Je pars tranquille
* sur tout ce qui vous regarde , me, dit-il
«c avant de me quitter } je vous ai recoin-
E N A F R I Q ü E. ÏQ^
« mandé à mes amis les plus intimes, et je
«réponds de leurs soins comme de moi.
«Cependant pour ne pas vous être entière-,
v ment inutile encore dans votre grande en-
« treprise, j ’ai voulu y contribuer par quelle
ques bagatelles qui ne me sont plus néces-
«saires, et que je vous prie d’accepter : ce
te sont mes deux' fusils, deux chevaux de
«course avèç leur harnois complet, et,
« pour vous épargner un détail de misères ,
« tous mes ustensiles de chasse ».
J’étois si oppressé que je ne pouvois répondre.
Sans me donner le tems de parler ,
il me montra sur un fauteuil une robe de
chambre pour laquelle je lui avois vu une
prédilection marquée, quoiqu’il 11e la mit
que rarement et dans certains jours choisis.
« Ce vêtement, a jou ta -t-il, est une
« étoffe qu’a portée ma mère, et qu’à mon
« départ pour l’Afrique elle me pria de por- <
« ter à mon tour pour l’amour d’elle , comte
me un monument de sa tendresse et un
çt signe éternel de ressouvenir. Jusqu’ici j’ai
et rempli ce devoir avec la plus tendre affec-
« tion} quoique depuis quelque tems il me
*c rappellât douloureusement que ma mère