
L’animal sanvage a le sens de la w,&
très-parfait $ parca qu’ayant sans cesse, par
le genre de vie qu’il mène, de grandes distances
à parcourir, il le fortifie encore par
1 exercice et le besoin toujours renaissant,
de mesurer ou d’apprécier les mêmes distances
5 l’homme sauvage par la même raison
1 a tres-exquis j et si l’homme des nations
civilisées le possède à un degré moins
subtil, c est que ses perspectives étant presque
toujours plus rapprochées, il a beaucoup
moins d’occasions de le développer
: tout ce qui l’entoure, comme soieries ,
dorures, réverbères , lumières multipliées,
objets de luxe, couleurs variées et tranchantes,
e tc ., fatiguent en pure peçte sa
vue sans l ’etendre. Joignez à cela des professions
qui exigent de lui une forte contention
d organes, des écritures fréquentes
, des lectures presque continues, l’abus
étrange des plaisirs, et vous conviendrez que
tout chez lui doit älterer de bonne heure
un sens contrarié sans cesse, sans que rien
le perfectionne. Pourquoi^ les chasseurs,
les habitans des campagnes et sur-tout les
montagnards, ont-ils generalement la vue
meilleure que l’habitant des villes ? On. en
voit aisément la raison. S’il peut, m être
permis de me citçr pour exemple, je dirai,
qu’avant d’arriver en Afrique, ma vue
étoit si foible que pour lire ou écrire j’é-
tois obligé .d’appliquer l’oeil contre le livre
ou le papier dont je me servois. Depuis
que j ’ai passé plusieurs années en plein air,
courant par monts et par vaux, franchissant
de vastes déserts, elle s’est considérablement
fortifiée j actuellement je vois
aussi loin qu’un autre.
Lorsque nous nous fumes amusés quelque
tems à tirer au blanc, je crus qu’il
étoit sage d’employer plus utilement ma
poudre. G’étoit pour chasser aux éléphans
que j’avois traversé le fleuve et risqué ma
vie avec celle de mes quatre compagn ons j
je voulus donc aller à la recherche de ces
animaux. Dans ce dessein, je partis avec
mes trois chasseurs et nous nous mîmes
à parcourir le pays ; mais nous ne vîmes ce
jour-là ni fumées, ni aucunes traces. Ce fut
alors que je regrettai bien sincèrement tant
de fatigues et de risques devenues si inutiles.
Probablement, comme je l’ai dit plus