
la multitude même de celles que je venois
d’amasser. Mes fatigues n’étoient plus rien
à mes yeux du moment que j’en avois déposé
le fardeau ; en me revoyant au sein
de la ville et des caquetages d’un certain
monde pour lequel je ne suis pas fait, jç
ne pouvois m’empêcher de reporter mes
regards en arrière : je plongeois en idée
sous ces abris romantiques , dans ces forêts
majestueuses dont j ’avois pris possession
sans obstacles et que je pouvois laisser
sans gardiens. Ce mélange indéfinissable
de misantropie et de sensibilité, guide
ordinaire des actions de ma vie, atténuoit
un peu le bonheur de revoir des amis qui
m’étoient si chers, ou plutôt ce n’est point
au Cap qu’il m’eut été doux de m’entretenir
avec eux. Il naissoit de ce flux et reflux
de plaisir et de mal-aise un sentiment
non moins singulier : l’insouciance sur les
découvertes dont j ’allois enrichir la plus
vaste et la plus belle des sciences. L as-1
pect et le développement des objets curieux
que je rapportois avec moi devoient
peu parler à mon ame. L’intérêt dramatique
en étoit passé : c’est ainsi que le plus
beau concert soqvent nous laisse 1 ame
vide , dès que son effet est produit , et
le compositeur est froid à. en rassembler
les parties.
Ramené peu à peu au ton de" la société
j ’en repris insensiblement tous les goûts ;
-et pour jouir aussi de mes trésor^, je.m efforçai
de me rendre étranger à moi-même.
L’amitié obtint avant tout mes hommages.^
Je revis , j’embrassai, je serrai contre
mon coeur ce respectable Boers , dont
la santé m’avoit causé tant d’alarmes, lorsque
j ’étois encore à cent cinquante lieues
du Cap et campé sur les bords du Kriga.
, C’est à lui , c’est au soin qu’il prit de m’attirer
dans sa maison après mon désastre
i dans la baie de S al dan ha , que j e devois
i tous les trésors d’un voyage aussi curieux.
! Il mit beaucoup d’empressement à vérifier
■rl’état des caisses que je rapportois avec
[moi ; déjà même il avoit employé les plus
[grandes précautions à débarrasser celles
Ique je lui avois adressées d’avance. Un
I zèle ingénieux lui avoit suggéré des moyens
[de conservation, dont j ’étois étonné j il
| s’étoit fait naturaliste pour m’obliger } nosi-
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