
se succédèrent alors dans mon esprit ! Quel
effroi mortél y repandoit la vue des tristes
compagnons de mon voyage ! Combien de
fois je maudis l’imprudente confiance qui
m ayoit engagé à poursuivre ma route,
La situation de mes gens, à qui j ’avois
tente jusqu’alors de cacher une partie de
nos maux, augmentoit, de plus en plus,
mon supplice ; mais, comme un grand péril
nous porte à des mesures extrêmes, j ’embrassai
sans plus tarder le dernier parti
que j ’avois à prendre : ce fut d’abandonner
ma dernière voiture et les animaux qui
me restoient encore, de distribuer à mes
Hottentots des armes et des munitions et
de regagner à pied la rivière des Eléphans
avec ceux d’entre eux qui consentiroient
à me suivre.
De tous les projets que me permettait
la circonstance, celui-ci, quelque difficulté
qu’il offroit, paroissoit encore le plus raisonnable.
Cependant, quand je le proposai
à mes Hottentots, pas un seul d’en-
tr’eux ne l’accepta. Convaincus du chagrin
profond que me causeroit l’interruption
d’un voyage, pour lequel ils m’ayoîent
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vù<tant d’empressement, tous protestèrent
qu’ils ne me quitteroient jamais, et jurèrent
de me suivre part-tout ou il me plai-
roit de les conduire. Chacun m’exhortoit,
au contraire, à prendre courage et à tenter
, de nouveau, la fortune en poursuivant
encore. quelques lieues plus loin. Ceux
qui étoient 1 allés à la découverte de 1 eau,
dû côté de l’est, m’assuroient qu’aux pieds
des montagnes que nous apperçevions, il
y en avoit d’autres plus petites, et que
les gorges qui séparoient les unes et les
autres, nous offriroierit peut-être d’excel-
lens pâturages et des eaux abondantes. Ceux
qui étoient allés du côté opposé avoient
vus- des nuages s’élever et en tiroient 1 augure
d’un orage très-voisin, soit pour le
lendemain, soit pour la nuit prochaine.
D’aussi vagues conjectures ne me ras-
suroient guère contre des dangers présens
et certains. Cependant, cestouchans témoignages
d’affection., je devrois dire, de dévouement
, me rendoient moins pénible la
pensée d’une fin que je regardois comme
très-peu éloignée. J’exhortai tout mon monde
au repos ; pour moi, je me retirai dans