
Î2. V O Y A G E
je dois l’avantage de posséder presque toutes
les espèces d’oiseaux qui appartiennent
à la partie d’Afrique que j ’ai parcourue:
je dis presque tous) car il est des événe-
inens qui dépassent la borne de notre puissance.
Qui ne sait, par exemple, combien
la différence des saisons peut éloigner du
chasseur ou mettre à sa portée des espèces
qu’alors il ne devra plus qu’au hasard.
Il en est ainsi des oiseaux de passage. Sans
doute dans une contrée sujette à de for-
tés* pluies , à de longues sécheresses , à de
grandes variations de l’atmosphère , ces oiseaux
de passage Se rencontrent et s’éloignent
plus fréquemment que dans notre
Europe où noîis ne sommes soumis qu’à
l’alternative du froid et du chaud ; et c’est
encore en proportion de la variété des espèces
que le plus adroit chasseur doit s’at-r
tendre à n’en obtenir qu’une suite plus on
moins complette ; la vie d’un homme ne
pouvant suffire à la recherche de tout ce
qui existe en ce genre.
Mes journées se trouvoient utilement et
presqu’entièrement remplies à classer , à
entretenir mon cabinet, à méditer sur les
moyens d’en remplir les lacunes , à former
un système suivi qui pût un jour , au sein
de la vieillesse me dédommager de l’impuissance
d’en aller chercher les élémens
à leur source et ne vînt mêler ajjcun regret
au souvenir d’une épreuve qu’on ne
peut recommencer qu’en recommençant sa
vie. Je me promettois en idée , dans ce
second voyage de plus grandes jouissances^
que dans le premier. La boussole de l’expérience
devoit cette fois guider ma marche
et m’applanir de terribles obstacles.
On verra jusqu’où peut s’étendre notre
prévoyance, et si le précipice n’est pas souvent
voisin du précipice auquel on échappe.
J’avois en partie disposé tout ce quim’é-
toit nécessaire pour partir) le moment de
sortir du Cap n’arrivoit pas assez tôt à mon
gré. Un homme que j ’attendois avec une
mortelle impatience, que je n’avois point
vu depuis mon retour , sans lequel je ne
me promettois ni plaisir ni sûreté , tout
à coup se présente à mes yeux : c’étoit
Klâas. Il y avoit alQrs chez le fiscal compagnie
nombreuse et choisie. Klaas jouissait
par-tout d’une grande renommée. As