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facile qu’ayant acquis gratuitement un vaste
terrain , ils pouvoient en destiner une partie
à se donner des potagers et des jardins.
Cependant je n’ai vu de potagers dans l’intérieur
que dans le pays d’Auteniquoi. Partout
ailleurs le jardinage est inconnu ; et
si , dans quelques, habitations, vous trouvez
un arbre fruitier, on ne l’y élève que
comme une chose rare et curieuse.
L ’habitude a rendu les colons insensibles
au défaut de fruits et de légumes. La
facilité qu’ils ont d’élever des bestiaux supplée
chez eux à cette privation , parce que
leurs troupeaux leur donnent pour les repas
beaucoup de viande. C’est de viande,
et de mouton sur-tout, qu’ils se nourrissent
; et chez eux la table en est chargée
avec une telle profusion que l’aspçct
en devient dégoûtant.
De cette manière de vivre , il résulte
que les bestiaux ne sont pas seulement,
dans les colonies, comme par par-tout ailleurs
, un objet utile , mais un besoin de
nécessité première. Aussi un colon ne s’en
rapporte-t-il qu’à lui-même du soin de surveiller
les siens. Tous les soirs, quand le
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troupeau rentre, i l ne manque jamais de
Venir sur sa porte , un bâton à la main ,
et de compter toutes les bêtes, pour s’assurer
qu’il ne lui en manque aucune.
Des gens qui n'ont d’autre occupation
que certains travaux d’agriculture et une
surveillance de troupeaux, doivent avoir
de longs intervalles d’oisiveté. O r , c’est
ce qu’éprouvent les çolons, et spécialement
pceux d’entre eux qui habitent fort avant
dans l’intérieur des terres, et qui, à raison
de leur grand éloignement, ne pouvant
commercer de leurs grains avec le
Cap, n’en cultivent que ce qui est nécessaire
à "leur consommation. A voir l’inaction
profonde dans laquelle ils vivent, on di-
roit que pour eux le bonheur suprême
consiste à ne rien faire. Quelquefois cependant
ils se visitent entre eux ; et alors
les journées se passent à fumer, à prendre
du thé , à conter ou à écouter des histoires
dont le romanesque n’a pas même le
mérite ni la moralité d’un conte de Barbe-
bleue.
Gomme tout homme porte toujours avee
lui et sa pipe et un sac à tabac , fait d’une