sensiblement au même niveau que ce dernier, la roche présente une surface polie
qu’on ne peut guère attribuer qu’à l’action des glaciers. 11 semble donc que, depuis
la période glaciaire, l’émissaire n’ait pas creusé son lit d’une quantité appréciable et
que le nivean du lac n’ait pas sensiblement varié. Il en résulte que les lacs de Saint-
Point — Remoray et d’Oye —la Cluse ont toujours formé, depuis la période glaciaire,
deux bassins bien distincts, séparés par une barre rocheuse.
5 ° LAC DE N A N T U A (P L . X X I l ) '
Le lac de Nantua (fig. 152) s’étendait autrefois jusqu’à la moraine frontale de
Nurieux, qui a été la cause de sa formation*. 11 occupait aussi, vers le nord, la vallée
Fig. 152. — Lac de Nanlua, vu d’au-dessus de la ville de Nantua.
(D’après une photographie.)
de l’Ange jusqu’à Montréal, vers le sud, celle de l’Oignin jusqu’à Saint-Martin-du-
Fresne. Le rocher de Brion devait formèr une lie dans cet ancien lac. Le niveau de
celui-ci était peut-être plus élevé qu’aujourd’hui, car la moraine de Nurieux a été
entaillée par l'émissaire*; mais nous ne connaissons aucune ancienne terrasse qui
nous permette de fixer ce niveau. Peu à peu l’Oignin et l’Ange, qui autrefois se
jetaient dans le lac, ont avancé leurs cônes de déjection, et ceux-ci ont fini par
11 Voir p a g e 264.
2 . E n r é a lit é , l ’Oignin a é t é r e je té su r le ver sant d ro it de la v a llé e , où il s’e s t c r eu sé u n lit dans la
ro ch e en p la c e . J1 y a l à c e q u e l'on ap pe lle u n e « ép ig én ie » (voir Du P a sq u ie r , Sur le déplacement des
cours d ’eau, in Bull. Soc. Sc. N a t. de Neuchâtel, t. XVIII, 1890,5p. 79).
venir s’appuyer sur les deux promontoires rocheux qui font face, au N. N. E. et au
S. S. W., au rocher de Brion (la Croix-Chaton et point 596 de la carte). A partir de
ce moment, le lac a été coupé en deux; les deux rivières l’Oignin et l’Ange se sont
déversées dans le lac d’aval, où elles ont formé un petit delta torrentiel (vers le point
coté 479) dont la surface est élevée d’environ 3 mètres au-dessus de l’Oignin, et dont
les couches plongent vers l’ouest; en même temps, en vertu du principe dont nous
avons déjà parlé plusieurs fois , le niveau du lac d’amont, c’est-à-dire du lac actuel,
s’exhaussait légèrement. A présent l’Oignin recueille les eaux du lac au moyen
du ruisseau dit Bras du Lac. L’érosion régressive qui, comme nous l’avons vu1, a
taillé des gorges de 35 mètres de profondeur dans la terrasse fluvio-glaciaire située
en aval de la moraine, du côté de Perrignat, a commencé à se propager, un peu
en amont de la moraine, dans la plaine alluviale de l’Oignin, qui coule à présent,
comme nous l’avons vu il y a un instant, à 3 mètres en contre-bas de son ancien
delta torrentiel. Mais cette érosion n’est point encore remontée jusqu’au lac. Il est
donc possible que l’exhaussement de ne delta, par suite du comblement de la
partie aval, ait compensé l’abaissement provoqué par le travail de l’émissaire.
A l’exception du lac.de Chaillexon, qui paraît s’être prolongé assez loin en
amont du côté de Morteau et du lac d’Aiguebelette, que les alluvions du ruisseau de
Novalaise a sensiblement raccourci, la forme générale des autres lacs de 1 Atlas des
lacs français, dont j ’ai donné la description au chapitre ni, n a pas. beaucoup
varié depuis leur formation. Leur niveau non plus n’a pas subi de modification importante,
soit à cause de l’éloignement du niveau de base, soit à cause du faible
débit de l’émissaire.
III. g - Anciens lacs aujourd’hui disparus. — Caractères permettant
de les reconnaître.
Nous avons vu2 que le trait caractéristique de la plupart des vallées de montagne
est de former une succession de paliers et de rapides. Certains de ces paliers
sont occupés par un lac; d’autres, en apparence identiques aux premiers, par une
plaine d’alluvion, et l’on est tout naturellement conduit à supposer que, dans ce dernier
cas, on se trouve en présence d’un ancien lac aujourd’hui comblé.
Cette déduction est très souvent exacte, et il paraît hors de doute que beaucoup
de ces replats, où la rivière serpente entre deux rapides, ne sont que des lacs éteints;
mais il serait imprudent de la généraliser. Même dans les régions d’où les lacs sont
absents, les vallées offrent un profil en long analogue, et, d’une manière générale,
l’élargissement coïncide avec l’adoucissement de la pente. M. Heim3 a mis en garde
1. Page 264.
2 . P a g e 315.
3. A. H e im , Mechanismus d e r Gebirgsbildung, t. I, p. 294.