
mètres illufires, Fermât & Pafcal. Celui-ci
employoit, pour en venir à bout , la
méthode analytique ; cette voie femble
être ici la plus naturelle & la plus facile ;
mais elle a le défaut d’être d’une longueur
eixceffive ; car l’on ne peut trouver la fo-
lution des cas un peu compofés, qu’on
n’ait parcouru tous ceux qui le font moins,
en commençant par le plus fimple.
Ainlî, par exemple, pour trouver par
cette voie le fort de trois joueurs Pierre ,
Paul & Jacques; en fuppofant que Pierre
joue pour un point, Paul pour deux &
Jacques pour trois , il faudroit examiner
l° quel feroit leur fort, fi Pierre jouant pour
un point, Paul ne jouant pareillement que
pour un point, & Jacques ou pour un,
ou pour deux, ou pour trois points ;
2° quel feroit leur fort, fi Pierre jouant
pour deux points, Paul & Jacques jouoient,
pareillement pour deux points, ce qui
retomberoit enfuite dans le cas précédent.
La méthode de Fermât efl plus favante,
& demande plus d’adreffe dans fon application.
Il ne l’a employée que pour déterminer
les partis entre deux joueurs.
Pafcal n’a pas cru qu’elle pût s’étendre à
un plus grand nombre.
Je ferai v o ir , dit Montmor, que la
méthode de Fermât réfout le problème des
partis d’une manière très-générale. Mais ,
pour la faire entendre , & faire connoître
les difficultés qu’y trouvoit Pafcal, je crois
ne pouvoir mieux faire que de rapporter
ici là lettre du 24. août l6yp , qui elt toute
fur ce fujet. Elle s’adreffe à Fermât, &
fe trouve dans fes ouvrages poflhumes,
imprimes zn-Jblio a Touloufe. L ’on y verra
1 explication de la méthode de Fermât pour
deux joueurs, & les doutes de Pafcal fur
cette méthode, lorfqu’on veut l’appliquer à
un plus grand nombre. Je donnerai enfuite
la folution des difficultés de Pafcal, &
j ’appliquerai cette méthode à quelques
exemples qui en feront connoître i’uni-
verfalité.
Lettre de Pafcal à Fermât.
Du 24 août 1654.
« Monfieur, je ne pus vous ouvrir ma
penfée entière touchant les partis de plu.
ïîeurs joueurs l ’ordinaire palfé, & même
j’ai quelques répugnance à le faire, de
peur qu’en ceci cette admirable convenance
qui étoit entre nous , & qui m’étoit
fi chère, ne commence à fe démentir •
car je crains que nous ne foyons de différens
avis fur ce fujet. Je vous veux ouvrir toutes
mes raifons , & vous me ferez la grâce
de me redreffer fi j’erre, ou de m’affermir
fi j ’ai bien rencontré. Je vous le demande
tout de bon .& fincèrement; car je ne me
tiendrai pour certain, que quand vous ferez
de mon côté.
» Quand il n’y a que deux joueurs,
votre méthode, qui procède par les combi-
naifons, ell tres-fûre : mais quand il y
en; a trois , je crois avoir démonftration
quelle ell mal julle, fi ce n’ell que vous
y procédiez de quelqu’autre manière que
je n entends pas; mais la méthode que je
vous ai ouverte, & dont je me fers partout
, ell commune à toutes les conditions
imaginables de toutes fortes de partis ,
au lieu que celle des combinaifons ( dont
je ne me fers qu’aux rencontres particulières
, où elle ell plus courte que la générale
) n ell bonne qu’en ces feules occa-
fions, & non pas aux autres.
» Je fuis fur que je me donnerai à
entendre; mais il me faudra un peu de
di(cours, & a vous un peu de patience. »
Voici comment vous procédez , quand
il y a deux joueurs :
« Si deux joueurs , jouant en plufieurs
parties, fe trouvent en cet état qu’il manque
deux parties au premier, & trois au fécond;
pour tt ou ver le parti, il faut, dites-vous,
voir en combien de parties le jeu fera
décidé abfolument.
» Il ell aifé de fupputer que ce fera
en quatre parties} d’où vous concluez
qu’il faut voir combien quatre parties fe
combinent entre deux joueurs , & voir
combien il y a de combinaifons pour faire
gagner le premier, & combien pour le,
fécond , & partager l’argent fuivant cette
proportion.
aaaa i
u J’euffe eu peine à entendre ee
aaab 1
difcours-là, fi je ne l’euffe fu de
aaba 1
moi-même auparavant; auffi vous
aabb 1
l’aviez écrit dans cette penfée. Donc
pour voir combien quatre parties
aban 1
fe combinent entre deux joueurs,
abab 1
il faut imaginer qu’ils jouent avec
abba 1
un dez à deux faces ( puifqu’iis ne
abbb 2
font que deux joueurs ) , comme à
croix & pile, & qu’ils jettent quatre
baaa I
de ces dez, parce qu’ils jouent en
'baab 1
quatre parties ; & maintenant il faut
baba 1
voir combien ces dez peuvent avoir
babb 2
d’affiettes différentes. Cela ell aifé à
fupputer; ils en peuventavoirfeize,
bbaa 1
qui ell le fécond degré de quatre ,
bbab 1
c’ell-à-dire le quarré ; car figurons-
bbba 1
nous qu’une des faces ell marquée A ,
bbbb 1
favorable au premier joueur ; &
l’autre B , favorable au fécond : donc ces
quatre dez peuvent s’affeoir fur une de ces
feize affiettes.
» Et parce qu’il manque deux parties au
premier joueur, toutes les faces qui ont 2 A
le font gagner : donc il en a 11 pour lui ; &
parce qu’il y manque trois parties au fécond,
toutes les faces où il y a 3 B le peuveritfaire
gagner; donc il y en a cinq,
» Donc il faut qu’ils partagent la fomme
comme onze à cinq : voilà votre méthode
quand il y a deux joueurs. Sur quoi vous
dites que s’il y en a davantage, il ne fera
pas difficile de faire les partis par la même
méthode.
» Sur cela, monfieur, j’ai à vous dire
que ce parti pour deux joueurs, fondé
fur les combinaifons, ell très-julle & très-
bon; mais que s’ily aplusdedeuxjoueurs,
il ne fera pas toujours julle; & jevousdirai
la raif'ûn de cette différence.
t) Je communiquai votre méthode à nos
meffieurs; fur quoi M. de Roberval me fit
cette objection : Que c’elt à tort que l’on
prend l’art de faire le parti fur la fuppofition
qu’on joue enquatre parties, vu que quand
il manque deux parties à l’un & trois à
l’autre, il n’ell pas de néceffité que l’on
joue quatre parties, pouvant arriver qu’on
n’en jouera que deux ou trois, ou, à la
vérité, peut-être quatre.
» Et ainfi qu’il ne voyoit pas pourquoi
on prétendoit de faire le parti julle fur une
condition feinte qu’on jouera quatre parties,'
vu que la ’ condition naturelle du jeu ell
qu’on- 11e jouera plus, dès que l’un des
joueurs aura gagné, & qu’au moins fi cela
n’étoitfaux, cela n’étoit pas démontré.
» De forte qü’âl avoit quelque foupçon
que nous avions fait un paralpgifme. Je lui
répondis; que je ne me fondois pas tant fur
cette méthode des combinaifons, laquelle
véritablement n’ell pas en fon lieu en cette
occafion, comme fur mon autre méthode
univerfelle, à qui rien n’échappe, & qui
porte fa démonllration avec foi, qui trouve
le même parti précifément que celle des
combinaifons; & de plus, je lui démontrai
là vérité du parti entre deux joueurs ,
par les combinaifons- en cette forte.
» N’ell-il pas vrai que fi deûx joueurs, fe
trouvant en cet état de l’hÿpothèfè, qu’il
manque deux parties à l’un & trois à l’autre,
conviennent maintenant de gré à gré qu’on
joue quatre parties complettes, c’elt-à-dire
qu’on jette les quatre dez à deux faces tous
à la fois, n’ell-il pas vrai, dis-je, que s’ils
ont délibéré de jouer les quatre parties, le
parti doit être tel que nous avons dit,
fuivant la multitude des affiettes des dez
favorables à chacun.
» Il en demeura d’accord, & cela, en
effet, ell démonltratif; mais il nioit que la
même chofefubfillât en ne s’allreignant pas
à-jouer quatre parties; je lui dis donc ainfi»;
» N’ell-il pas clair que les mêmes joueurs
n’étant pas aflreints à jouer quatre parties,
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