
ii<$ S E C R E T AI R E .
Mais comme je vois que tu as beaucoup de
pratiques, je te confeillede prendre un ou deux
garçons çartonniers pour t’aider ; (mon, tu
n’auras plus le tems de faire des charades, des
bouts-rimés , des chanfons 8c des comédies ;
mais continuons notre jeu.
Mademoifelle d u R u i s s e a u .
Allons,Mademoifelle;.je ne veux pasqu’on
regarde ce que j’écris ; non , vous ne le verrez
pas.
Madame d e l a H a u t e -Fu t a i e .
Fi ni (fez donc, ma fille, c’eft malhonnête ce
que vous faites-là.
Mademoifelle de l a Ha u t e - F ut ai e.
Mais , maman , vous avez bien Tait voir
votre carte à l’abbé des Agneaux.
Madame d e l à H a u t b - F u t a i e . ’
Eh bien! j’ai eu tort , ma fille. Tout le
^inonde a-t-il écrit? Qu’onraflembie les cartes,
8c qu’on pâlie le chapeau.
Mademoifelle b .u G a z o n .
Mais Mademoifelle du Bocage a fraudé ,
elle n’a rien écrit.
Le Chevalier Z é p h i r .
Les cartes ne ferempliront pas vite comme ça.
Mademoifelle d u B o c a g e .
C ’eft ma carte que j’avais ; qu’eft-ce que
vous voulez que je mette diffus.
Le Chevalier Z é p h i r .
C ’eft égal; on écrit ce qu’on veut. Bon !
voilà-t-il pas encore M. Dubois. Eh! mais,
mon Dieu', je crois qu’il a du vif argent dans
les pieds ! Ii n’eft pourtant pas bien vif. Il ne
fait que monter 8c defcendre.
L ’abbé d e s A g n e a u x .
S E C RÉ TAI RE .
vous plaît. Qu’il eft complaifant, ii redouble!
Bon ! voilà le chevalet calfé ; c’eft bien fait.
M. D u b o i s .
C ’eft bien vilain de vous réjouir du malheur
d’autrui. Oh ! j’en ai encore un autre là-
haut dans ma boîte ; 8c puis fi je le caffois
encore, j’en trouverois peut-être à acheter dans
le village.
L’abbé des Agneaux.
Oui , croyez-moi, allez-en acheter tout de
fuite une douzaine.
L’abbé P R l N T e m s.
Enfin ! le voilà parti, le pauvre nigaud ?
Mademoifelle du Ruisseau.
Mais nous n’allons pas trop vite , au moins,
Mefdames ; favez-vous qu’il eft bientôt huit
heures ? Nous n’avons plus guères qu’une heure
& demie avant de fouper, & fi M. Dubois
vient toujours nous interrompre comme ça ,
nous n’aurons pas fini.
L’abbé D E S A G: N E A U x .
Ayez foin, s’il vous plaît, Mefdames , de
mettre trois points après ce que vous écrirez ,
afin qu’on diftingüe les différentes phrales ,
qui quelquefois fe fuivent, & qui louvent fe
contredirent.
Madame DE L A R i v i s i t s .
Mais les cartes doivent être bientôt remplies.
Mademoifelle du Gazon.
Je crois qu’elles peuvent faire encore un
tour.
Mademoifelle de la Haute-Futaie.
J’ai eu, tout-à-l’heure, bien de la peine à
lire la carte qui m’étoit tombée ; il y avoit une
phrafe écrite en points.
Mademoifelle du Ruisseau.
Ah ! faites nous grâce de votre violon , -s’il On ne reconnoîtra pas cette écriture-là.
S ECRÉ TAI RE .
Le Chevalier Z é p h i r .
Voilà-t-il pas encore notre ami M. Dubois?
mais c’eft inconcevable ?
L’abbé P R I N T É M S.
Et d’où diable venez-vous donc ? Vous n’avez
donc pas été acheter un chevalet?
M. D u b o l s.
Il fait trop noir ; j’irai demain matin.
Madame de la Rivière.
Qu’eft-ce que vous avez ? Eft-ce qu’il vous
eft arrivé quelque chofe dans le fallon ?
M. D u b o i s.
Dame! voyez donc , ce n’eft pas ma faute.
L’abbé P r i n t é m s .
Vous avez fait quelques fottifes?
M. D u b o i s .
M. de la Rivière & M. de la Forêt faifoient
une partie d’échecs: j’ai paffé à côté d’eux, 8c...
L’abbé Printéms.
Et vous avezrenverfé tout leur jeu par terre,
n’eft-ce pas ? Vous ne regardez pas à ce que
vous faites.
Madame de la Rivière.
Votre maman vous a fûrement grondé ?
M. D u b o i s .
Oh! mon Dieu, non. Elle a ri comme une
folle , 8c ça faifpit endêver M. de la Rivière ;
ils .fe font un peu querellés ; ces meilleurs ra-
malToient les pièces de leur jeu.
L’abbé P R I N T E M S.
Et vous avez marché deffus, vous en avez
ealfé quelques-unes.
SECRÉTAI RE. 147
M. D u b o i s .
N on, point du tout, j’ai voulu Les éclater...
L’abbé P r i n t é m s .
Et vous avez éteint la lumière.
M. D u b o i s .
Non. J’ai brûlé un peu les cheveux de M. de
la Forêt; mais ce n’eft rien que ça, ils repoufferont.
Mademoifelle d u R u i s s e a u.
Ah ! oui: ils repoulferont. Il porte perruque.
M. D u b o i s .
Dame ! Eft-ce que je favois qu’il portoit
perruque, moi v
Madame de la Rivière.
_ Tenez, vous devriez aller vous réconcilier
tout de fuite avec eux, car vous nous empêchez
de jouer. '5
M. D u b o i s .
Mais ils me gronderont, car ils difent que
je ne fais qu’aller 8c venir.
Mademoifelle R o s e .
Ils n’ont pas tort, mais c’eft égal; allez toujours,
il ne faut pas laiffer vieillir la rancune.
L’abbé P r i n t é m s .
Enfin, le voilà parti, le pauvre nigaud ?
Madame dé la Ha u t e - F u t a i e .
L’abbé, tirez la clef en dedans , il nepourra
plus rentrer ; car, fans cela, nous ne finirons
pas.
L’abbé P r in t éms .
Qu’Il y revienne, à préfent, il trouvera a qui-
parier.
Mademoifelle de la Haute-Futaie.
Attendez donc , je n’ai pas encore fini
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