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G A G E S.
( j AGES des jeux de fociété. Les perfonnes
qui s’araulerit à certains jeux de -fociété font
dans le cas de laiiïer des gages^en faifant des
fautes ; elles font enfuite obligées de fubir une
pénitence pour retirer leurs gages. Cette péni
tence eft arbitraire , au jugement de la dame
ou reine du jeu, dépofitaire des gages , &
l’exécution peut s’en remettre au lendemain,
ou même à un autre jour plus éloigné.
On impofe de petites peines légères ou p'ai-
fantes aux perfonnes que l’on veut ménager,
& on tire parti des talens de toutes celles qui
en ont; ainfi on peut demander pour le lendemain
un joli air à une demoifelle qui fait
chanter ; un deflin à celle qui fauroit deflîner ;
quelques morceaux de poéfie ou d’imagination
à ceux auxquels on peut fuppofer le talent
de produire de pareils ouvrages ; mais comme
s’ils étoient faits à l'impromptu & tout à-fait
fur le champ , difficilement feroient-ils bons.
Il eft à propos de donner aux auteurs au moins
vingt-quatre heures pour fepréparer à acquitter
leurs dettes; 8c le moment de cet acquittement
étant venu, c’eft un nouveau plaifir- qu’on
procure à la compagnie. Il peut être très-
varié fï les payeurs font en grand nombre,
& fi l'on permet à ceux qui ne font pas en
état d’acquitter leur tâche , de la faire remplir
par d’autres à leur acquit. Si la dame, arbitre
du jeu , n’eft pas contente de la manière dont
la tâche eft remplie, elle peut en impofer une
plus forte , & fufpendre la reddition du
gage.
Entre les pénitences que l’on peut impofer
aux gens d’efprit d’une fociété, les fuivantes
‘font les plus ordinaires.
i °. On peut leur commander, pour amuftr
la compagnie, d’apporter le lendemain ou un
jour indiqué , quelques petites facéties, telles
que des rébus, des difcours en équivoques,
( honnêtes cependant ), des charades ou petites
énigmes, ou logogriphes en profe; des anagrammes
, 8c quelques contes en profe qui
l'oient courts & plaifarts fans être fcan iakux.
2°. On peut encore demander au même
ou a queiqu’autre homme de la compagnie
des petits vers galans ou amufans ; [tances,
Jonnee, madrigal , épigramme , chanfon , ou
triolet. Si l’on veut angmenter la difficulté
de fon travail , il faut lui ordonner, de faire
une énigme ou un logogriphe fur un mot
donné, mais en fecret ; des vers acrojiiches
fur un nom indiqué ; des vers par écho ,- des
bouts-rimés en lui prefcrivant les rimes ; une'
chanfon fur un air noté, 8c qu’il eft obligé
de parodier, Sic.
1 °. I^étoit fort en ufage autrefois de pro-
pofer dés queftions galantes Sc de les donner
à décider aux gens d’efprit des fociétés auxquelles
les dames préfidoient ; nous en avons
la preuve dans nos anciens livres manufcrits
& imprimés en françois & en italien , un peu
avant & depuis la renaiflance des lettres dans
ces deux pays. La plupart des poéfies , des
troubadours ne roulent que fur des queftions
propofées & décidées aux cours d’amcur de
Provence, de Forcalquier, de Montpellier
& de Narbonne. Les ouvrages de Pétrarque
& de Bocace font remplis de pareils jeux
d’efprit. Tous les beaux efprits 8e nouveliftes
Italiens ont imité leurs maîtres à cet égard,
8c jufqu’au milieu du fiècle dernier les François
ont auffi fuivi leur exemple. MaJemoilelle de
Scuderi a fait des volumes entiers en ce genre,
& fes romans en font pour ainfi dire
farcis.
C’étoit en traitant ces belles queftions qttefe
faifoit admirer, il y a plus de cent ans, ce
ftyle affeélé qui s’appelloit le langage des
ruelles & le jargon des précieufes ; mais je
fuis perfuadé qu’une dame qui voudroit aujourd’hui
renouveller ce bel ufage dans fa fociété ,
foit à la vil’e , foit à la campagne, fedonneroit
un ridicule , & ennuycroit fort fa compagnie.
Le fiècle de la fade galanterie eft paffé, 8e
G A G E S .
heurôufement ne reviendra plus ; mais oq peut
donner à un jeune homme d’efprit de la fociété
l’ordre d’agiter 8c de décider quelques
queftions, moitié galantes , moitié piaifantes,
qui lui donnent occafion de faire briller fes
talens & même de manifefter du fentiment.
S’il a du goût, il fentira qu’il doit être court
dans fes dédiions , 8e qu’il fera mieux
d’appuyer fon avis par des exemples , que
par de longs raifonnemens.
On peut auffi charger la même perfonne
de faire un petit roman ou conte de fées,
dans le genre que la reine du jeu voudra lui
prefcrire, en lui donnant même le titre, le
lieu de la fcène 8c le nom des ailleurs. Deux
ou trois jours & quelquefois moins,pourroient
fuffire à un homme d’efprit pour exécuter un
pareil ordre, 8c il ne faut pas croire qu’en
fixant le fujet 8c défignant les aétsurs, la be-
fogne devienne plus difficile ; au contraire,
plus les idées font fixées, plus il eft aifé à
un homme d’efprit de les remplir.
4'h Enfin, 1’ on peut donner pour pénitence
d arranger des proverbes du foir au lendemain
en en donnant le mot, mais tout bas , à celui
que l’on chargera de les faire exécuter. Ces
proverbes joués ainfi, pour ainfi à l’impromptu,
font quelquefois infiniment plus piquans 8c
plus plaifans que ceux préparés de longue
main dont les cannevas font imprimés : on a
le plaifir de deviner le mot, 8c celle qui l’a
donné, juge fi l’on a bien faifi fon idée. J’ai
vu remplir de pareilles tâches, avec un grand
fuccès, quoique les proverbes donnés fuflent
très difficiles & fort finguliers. On en peut
juger par ceux que je vais indiquer.
Tems pommelé, femme fardée , ne font pas
de longue durée.
Il eft fort libéral , il ne mange point le
diable qu’i l tien dorme les cornes.
Les gens que vous tueq fe portent ajfeç-
lien. “*
Entre deux vertes une mûre. I l ne faut point
Je moquer des chiens qu’on ne foit hors du
village.
U faut mourir petit cochon, il n’y a plus
i orge.
( Extrait du Manuel des Châteaux. )
G L O B E . 7 p
G A L L E T . (jeu de)
C eft une efpece de jeu de difque que l’on
joue en chambre , fur une table à rebords,
longue & bien unie. On pouffe des .pallets
d ivoire, de marbre ou de cuivre vers un
but placé à l ’extrémité de la table , 8c fort
proche d’un endroit où les paliers tombent
8c fe perdent. L’adrefTe confifte à approcher
le plus près du but qu’il eft poffible fans
tomber dansle fofle ; on tâche d’éloigner ou de
précipiter le pallet de fon adverfaile qui s’y
feroit placé le premier, 8c de relier à fa place.
Le gailet qui fe trouve le plus près du but
gagne la partie.
G L O B E . ( nouveau jeu du )
On a ma-qré fur le plateau de ce jeu les
noms de huit endroits. i°. Concile. 2°. Sainr-
Aury. 3 ç. La Butte aux Cailles. q°. La prairie
de Nefle. f°. Meudon. /(f0. Champlâtre.
7?. Luxembourg. ü°~. Béthune.
Manière de jouer à ce jeu.
L on a une pirouette formant un globe à
huit faces numérotées, que l’on, fa't tourner
fur un plateau où eft le plan de ce jeu.
L’on convient de la mife entre les joueurs
avant de commencer , 8c l’on tire au plus
haut point à qui commencera le premier,
enfuite, lorfque la partie eft finie, la droite
recommence à fon tour.
Celui qui ira à Gotteffie, retirera fa mife.
Celui qui ira à Saim-Aury, reftera pour
recommencer apres le nombre des joueurs ,
en cas que la partie ne foit point finie.
Celui qui ira a la Butte anx Cailles remettra
une fécondé mife, 8c fe retirera pour recommencer
a()tès Meudon.
Celui qui ira à la prairie de Nefle, retirera
deux miles.
Celui qui ira à Meudon payera deux mifes,
pour i’empêcher de tomber dans l’eau.
Celui qui ira à Champlâtre, reftera jufqu’à
ce que l’on vienne le relever au fécond tour.
Celui qui ira.au Luxembourg, remettra les
mifes à tous fes compagnons reftans.