
;co MÉTAMORPHOSES.
Mademoifelle DE LA HaUTE-FutaIE.
Toutes les fois qu'il y a trois perfonnes à
un paquet, la troifième eft dé bonne prife.
Mademoifelle R o s e .
Quand les jouçurs font bien attentifs à leur
jeu, 6n fait relier quelquefois bien long-
tems celui qui .court après les autres, en fe
plaçant promptement , avant qu’il ait le tems
de prendre.
Le Chevalier ZÉPHIR.
Les perfonnès qui font petites & qui fe
trouvent devant des grandes , ont bien du
défavantage , parce quelles ne voient pas fi
on fe place devant l’autre, Se fi elles font en
troifième ; Se alors , on les prend aifément.
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Ce jeu relfemble beaucoup à l'anguille.
M. d e l a F o r ê t .
Je ne connois pas l’anguille non plus.
Madame D E L A R i v i è r e .
On fè place en rond également ; mais c’eft
un rond fimple ; on ne fe met pas deux à
deux : chacun met une main derrière fo i;
un des joueurs fait le tour tenant une anguille,
c’eft à-dire, un mouchoir rouléqu’il met dans
la main de qui il lui plaît. Celui qui a l'anguille
en frappe fon voifin à droite, Se le
pourfuit en le frappant jufqu’à ce qu’il foit
revenu à fa première place. Enfuite , celui qui
eft en pofTeifion de l’anguille , la donne à qui
il veut.
M. d u F r ê n e .
11 faut toujours avoir l’oeil au guet, pour
prendre la fuite dès qu’on voit l’anguille dans
la main de fon voifin , en courant a fa place,
fans avoir reçu aucun coup Sanguille.
Le Chevalier Z é p h i r .
Je trouve que !e tiers a beaucoup de rapport
avec un jeu que bous avons bien joué
MÉTAMORPHOSES.
au collège, 8c que nous appellions la dentelle.
Tout le monde fè tenoit par les mains, en
s'éloignant l’un de l’autre, autant qu’on le
pouvoit. Deux joueurs couroient| Se il faliôit
que le fécond palsât partout où avoit paffé
le premier. Quand on va un peu vîte, il eft
difficile de ne pas fe tromper.
Mademoifelle R o s E.
Mais ce jeu doit fatiguer les bras.
Le Chevalier Z é p h i r .
On ne les lève que quand les joueurs
veulent pafTer. D ’ailleurs , ce jeu ne fe joue
qu’au collège.
Madame DE LA RIVIÈRE.
M. du Frêne, vous nous aviez promis de
nous faire jouer au jeu des Métamorphofes.
M. d u F r ê n e .
Volontiers , Madame ; mais tout le monde
doit connoître ce jeu. L’abbé des Agneaux
voudroit-il fortir un inftant.
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Avec plaifir ; mais je reviendrai bientôt.
M. d u F r ê n e .
Quelles font les fleurs dû goût de l’abbé ?
Mademoifelle R o s e .
Il aime le réféda Se le jafmin.
M. d u F r ê .n e .
Eh bien ! je métamorphofe M. Dubois en
réféda, Se Madame Dubois en jafmin.
Le Chevalier Z é p h i r .
Quel jafmin, bon Dieu !
M. du F r ê n e -
Et vous, Madame , en quoi vous méta-
morphofez-vous ?
Madame PE LA R i v i è r e ,
En immortelle.
Mademoifelle R o s e .
Et moi, en fouci.
Mademoifelle de la HaIute Futaie.
Et mo i, en tubéreufe.
M. d u F RE N E.
C ’eft a fiez de quatre fleurs; mais puifqu’en
voilà cinq , il faudra bien les prendre, le
bouquet en fera plus gros. Appeliez l’abbé,
s’il vous plaît.
Madame DU RUI S SEAU.
Le voilà. Entrez , M. l’abbé ; on vous a
fait un beau bouquet ; vous êtes heureux.
M. d u F r È N E.
Cinq perfonnes fe font mé'amorphofées en ,
tubéreufe, fouci, immortelle, jafmin & ré-
feda, pour former un bouquet digne de vous, ;
Que faites-vous de ces fleurs ï
L’Abbé d e s A g n e a u x .
L ’immortelle eft une belle fleur, mais elle
n’a pas d’odeur; je n’en fais pas grand cas;
je la réléeuerai dans un coin de ma chambre,
où elle fera une trifte figure.
• M. D U F RE N E.
C ’èft Madame de la Rivière qui eft mé-
tamorphofée en immortelle.
L’Abbé ç e s A g n e a u x . (
Pourquoi donc, Madame, prendre une
fleur fi trifte î Pour le fouci, je le foulerai
aux pieds.
Mademoifelle R O S E.
Ab ! mon Dieu, quel trifte fort ! C ’eft
moi.
L’Abbé D E S r A G N E A u X.
J’en fuis fâché, Mademoifelle ;
choififfez-vous la fleur la plus'fmiftre; Il y
en a tant d’autres à choifir. Pour la tubéreufe
, n’importe qu i, je l’aime affez, mais
Comme l’odeur eft trop forte, je la placerai
dans un pot fur' ma fenêtre en dehors.
Mademoifelh: de la Haute-Futaie.
Et vous ouvrirez quelquefois votre fenêtre
pour la voir 8c refpirer fon parfum.
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Certainement.
Mademoifelle de l a Ha ut e • F ut ai e.
! J’en fuis très-flattée ; je fuis la tubéreufe.
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Pour le jafmin Se le réféda, j’en fuis fou ;
je les unis, parce que leur odeur fe marie
. bien.
L’Abbé P RI NT E MS.
Oh ! tu as bien raifon; ils font faits l’un
pour l’autre. ,
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Je les mets à mon côté. -
M. d u F r ê n e .
Le jafmin , c’eft Madame Dubois , 8e le
réféda, M. fon fils. Eh bien ! qu’avez-vous
donc ;
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Quel énorme bouquet ! Je n’aurai jamais
la force de le porter. Mais on ne doit pas
métamorphofer des perfonnes qui ne font pas
du jeu ; c’eft ce qui m’a trompé.
M. d u F r ê n e .
Oh ! point du tout : au contraire, fous les
noms des plus jolies fleurs, on fe plaîc à
mettre des perfonnes que l’on ne peut fouffrir.
Madame d u R u i s s e a u .
Quelquefois, on fe change en baromètre
papillon,pourquot ! ou en Sec. on demande : que faites