
Une autre fupercherie qu’on appelle j
canes coupées, fe fait encore chez les Cartier*
, ou bien les trompeurs la font eux-
mêmes , p allant délicatement les cifeaux
en droite ligne de l ’un & l’autre côté de
chaque quinte baffe qui, reliant par cette
rognure plus étroite que les as & peintures,
non - feulement ils les Tentent fous
la main,, mais encore ils font fûrs, en
donnant à couper, qu’on coupera les plus
larges qui leur demeureront au talon. Et
quand leur tour vient de couper, ou ils
changent de cartes en prenant de non
coupées-, ou bien des coupées à rebours,
c’efl-à-dire qui aient les as & peintures
tognés, ou quand ils ne peuvent fe dif-
penfer de jouer avec les premières, ils
coupent d’une certaine manière , enfonçant
les doigts entre les cartes, qu’ils ne
donnent point dans le piège qu’ils tendent
aux autres..
Si le hafard veut que dans un jeu il y
ait une ou deux cartes plus larges ou plus
épatffes que les autres,. le joueur fripon
qui y aura pris, garde en fait fon profit ;
car fous prétexte de démêler le jeug il
aura mis au-deffous de lacarte la plus large,
deux as ou deux peintures, afin que l’autre
en les coupant les lui donne ; ou au-def-
fus fi c’eft l’autre qui ell le premier., afin
que lui en coupant s’en affure.
Une autre tricherie qu’on appelle le
pont, eft lorfqu’on voûte une partie des
cartes en de-ffus & l’autre en deffous,,
pour faire couper dans l’entre bâillure la
dupe qui ne s’en méfie point. Pour y, remédier
, & pour empêcher qu’en coupant
on ne vous attrape de cette façon ou
d’autre,, le meilleur, fecret efl de bien
nieler après celui avec qui l’on joue; par
là on renverfe & on rend inutiles les pâtés.
qu’il auroit pu faire,, en entrelaçant &
aflèmblant des cartes par le deffus, par le
deffous & dans le milieu_, & même en
dernier, on ne doit pas négliger non plus
de bien battre devant que de leur.préfen-
C A R
ter à couper , afin de fe mettre à couvert
de toutes les tromperies de la coupe.
Autres rujes. .
Celui qui veut filouter, ayant préparé
dans les plis de fa main un peu d’encre
de la Chine, tâche en la mouillant de fa
falive, à en noircir furtivement un as ou
peinture, qu’il en approchera par un endroit
de la tranche de l’un & de l’autre
côté. Il lui fera alors fort facile ,.prenant
fes mefures en coupant, de s’affurer cet as
ou peinture ; & quand bien même il auroit
oublié fa provifion de la Chine , il
ne laiffera pas, feignant de mêler, de faire
par un coup de doigt de petites oreilles
aux as ou peintures , par le moyen défi
quelles non-feulement en coupant, s ’il eft:
le premier, il fe fera venir dans fon jeu
ces cartes qu’on, appelle t 'cquées ; mais
même en donnant, s’il eft dernier, il fè
les réfervera faifant filer la fuivante.; car
les doigts d’un pipeur font auffi fouples
& auffi plians que les mains des joueurs^
de gobelets..
Quelques-uns de ces filoux de jeu,,
trouvant trop difficile la grande attention,
qu’il faut avoir pour diflinguer & retenir
les différens petits feings qui paroiffenr
fur les cartes à l’inflant de leur formation,,
fe font avifés de les imiter par d’antres
lignes ajoutés exprès ,. qu’ils placent avec
ordre pour s’en faire une mémoire locale.
La Croix-de - Maltke eft le nom de cet
artifice, parce que quatre petits.tirets ainff
croifés >j< en cachent tout, le fecret. Pour
le bien comprendre , imaginez-vous une
carte coupée par la tête en quatre parties
égales,. comme pour faire quatre longues
fiches qui fe tiendroient pourtant encore
enfemble par les bouts , & Payant ainfi-
féparée dans votre penfée , quand vous,
verrez l’un de ces-petits tirets fur le haut:
de l’efpace de la.première fiche que vous
mtfurerez en votre idée , ce fera coeur :
fi c’eft vers le milieu de la carte en-deçà
fur,, Pefpace de la,deuxième fiche, ce fêta.
la marque du carreau ; fi c’eft vers le milieu
en-delà fur l’efpace de la troifième
fiche , ce fera la marque du trèfle ; & fi
enfin tout joignant l’angle gauche fur
l ’efpace de la quatrième fiche , ce fera la
marque du pique.
Et pour compaflèr plus jufte les tirets
fur les cartes il en faut couper une effectivement
par la tête, l’évidant jufqu à un
pouce loin du bord en quatre comparti-
mens égaux , & y laiffant, pour faire leur
réparation, un petit entre-deux étroit en
forme de herfe à cinq dents ; cette carte ;
ainfi évidée , & préfentée fur toutes les
trente-fix & cinquante-deux , l’une après
l’autre , fervira d’un modele pour trouver
fins fe méprendre la place de chaque tiret ;
qu’on tracera avec un morceau de pierre
de ponce taillé en crayon épointé , ou ;
même, fi l’on veut, avec de la paille mouil-,j
lée, ou encore avec du j,us de limon. Maintenant
pour reconnoître par ces tirets ,
outre la couleur, qu’elle eft encore la
carte qu’ils fignifient, vous remarquerez
que qüarrd le premier tiret \ , qui eft
droit & pointu par en bas,.fera placé au
milieu de l’un de ces quatre efpaces ima- j
ginés, le bout large tout contre le haut
de la carte, ce fera affurément l’as de
coeur, de carreau , de trèfle ou de pique ,
félon l’efpace qu’il occupera. Quand le
fécond t i r e t s qui fait le bras droit delà
croix fera auffi tracé,. tout joignant le haut
de la carte, la pointe regardant l’angle
gauche de l’efpace où il fera pofe „ il marquera
le roi de la couleur.
Et lorfque le troifième tiret > qui fait
le bras gauche de la croix fera auffi trace
tout en haut de la carte en face , la pointe
regardant l’angle droit de fön efpace , il
marquera la dame de fa couleur.
Semblablement le quatrième tiret J qui
fait le bas de la croix tracé tout droit la-,
pointe en haut, joignant le bord de. la carte
au milieu de fon efpace, marquera le valet
de fa couleur.
Ces mêmes quatre tirets, difpofés de
la même manière, mais tant foit peu alifés,
c’efl-à-dire n’approchant pas tout contre
le bord du haut de la carte, marqueront
pareillement le dix, le neuf, le huit & le
fept de leur efpace ; & même encore , fi
befoin étoit, le cinq , le quatre, le trois
& le deux liroient marqués des mêmes
quatre tirets , avec eette différence que le
premier , par exemple,.marqueroit l’as
quand il joindroit tout contre le haut de
la carte ; marquerait le dix , quand il s’en
faudroit de l’épaiffeur d’un tefton ; & le
cinq, quand il feroit loin dudit bord d’en
haut de l’épaiffeur d’un écu ou de deux tefi-
tons, & ainfi de même du fécond tiret,
pour le roi, le neuf & le quatre ; du troî-
lîème, pour la dame, le huit & le trois j
& du quatrième, pour le valet, le fept
& le deux, chacun dans l’efpace de fa
couleur.
Relie à parler du fix qu’ on repréfentè-
roit par un- petit point • en forme de la
boule faifant le milieu de la croix qui feroit
tracé en haut de l’efpace de la couleur ,
& tout Gela pour être obfervé aux deux
extrémités de la carte au bout d’en bas,
comme à celui d’en haut , enforte que
piufieurs jeux ,. marqués de femblables tirets
, faciliteront au fourbe qui les aura
aprêtés une parfaite connaiflànce de toutes
les cartes qu’il touchera.-
Dé la même pierre en crayon dont ces
pipeurs marquent d’ordinaire leurs petits-
tirets prefqu’invifibtes, ils s’en fervent encore
pour poncer les as, de manière qu’étant
plus coulans, & gliffans plus aifément,
ils ont l’adréffe en coupant de fe les afïurer.
Quand la carte après avoir été poncée eft-
encore liffée par deflùs la ponce avec la-
pierre à lifflbr , ; cela devient plus fenfible
au, taéb
On empîbie encore la- preffé , & je ne
fais quelle autre herbe à cet effet; mais fur-
tout ies pipeurs n’oublient guères de faire
la. réserve autant qu’ils le peuvent.-