
proverbe tour-à-tour, (ans aucun choix de
lujet, mais cela recommencera auffi toujours,
jufqu’à ce que plufieurs ayant avoué qu’ils
n’en pourront plus trouver, ils foient -tous
fortis du jeu l’un après l'autre, & celui qui
demeurera le dernier étant le vainqueur, les
condamnera félon les règles que l’on aura
établies.
J’ai vu jouer quelquefois à ce jeu-là, mais
fans fe mettre eh peine de chercher des punitions
après le jeu, il y en avoit une dans le
jeu même. C’étoit que l’on avoit une petite
bougie allurii"ée que i on fe donnoit 1 un à
l’autre ayant trouvé un proverbe, 8c il la
falloit tenir jüfqua ce que l’on en.eût trouvé
un , à peiné de fe brûler leS d’ôfgts.
Cette invention eft fort plaifante , l’on s’en
peut fervir en beaucoup d’autres jeux ou il
fa rt trouver quelques paroles de ion invention
: on peut auffi y ajouter que celui entre
les mains duquel la bougie s’éteindra, aura
quelque punition de plus. C’cft un plaifir de
Voir-comment I on fè‘ hace de donner le petit
bout de bougie, lorfqu’elie incline à fa fin.
PROVERBES reprèfentés en comédie ou par
'fign.es. ( autre explication du jeu. des)
Quand l’on voudra repréfenter quelques
proverbes , la plupart des perfonnss de la
compagnie s’étant retirées à un bout de la
falie, jouent une efpèce de comédie ou de
farce avec des paroles fie des actions telles
qà’il leur plaira ; 8c téhes qu’elles Conviendront
au fùjet. Que1 fi l’on dit qu’il faut toujours
parler én ceci1, il ne faut pas croire que
cela foit fi mal'aifé , que quand l’on parle
tout feul, parce que l’on s’aide l’un l’autre,
SL- que les- uns parleront beaucoup, 8c les
autres fort peu, félon l’occafion qui fe pré-
fentera, Sc-félon lé'perfonnage qu’ils auront
voulu prendre. Ce feront auffi des difcours
libres & fans étude , tels que l’on les fait aux
propos familiers. ,Je ne penfë pas que l’on
puilfe jamais trouver une plus agréable manière
de divertiflement, quand l’on y a l’humeur
difpofée ; car il n’y aura rien que l’on
ne faffe venir au j'üjet,, pputyq qu’il y ait là
quelques perfonn.es d’efprit-qui. gouvernent
ceci avec invention & jugeaient. Pay exemple,
fi l’on veut repréfenter ce proverbe. Contre
fortune, bon coeur i il n’y a ptsfque point
d’aventures que l’on n’y faffe venir a propos,
ÿ ayant quelqu’un qui fera le perfonnage d’un
héros de roman, auquel il arrivera tant de
défaftres que ce fera' pitié , Sc néanmoins il
aura toujours bon courage. Si i’on veut, cela
fera dans le ftyle héroïque , mais pour fe
divertir davantage, l’on y mettra du comique,
& alors il faudra que les infortunes foient
piaifantes, comme de tomber, dans quelque
fofle bourbeux, en oenfant efcalader lamaifon
de fa maîtreffe , d’être bien battu en quelque
autre endroit par des gens qui le prendront
pour un autre , & d’être enfin mené au fup-
plice, qu’il témoignera même qu’il aura toujours
le coeur ailis err bon lien.
Pour lignifier cet autre proverbe : La défiance
eft mire de fureté ; l’on repréfentera, fi
l’on veut, un avancieux qui fera mille fima-
grées pour cacher fan argent en lieu fûr, 8c
qui fe défiera de tous ceux à qui il parlera,
ou qu’il rencontrera, s’imaginant qu’ils ont
découvert où eft fa cachette, le devinant à
leurs geftes, ou à leurs paroles, tellement qu’à
toute heure il changera fon argent de place,
Si fera la fentinelie continuellement, fur quoi
il fe tiendra plus affûté-que s’il sien éloignoit.
L’oh repréfentera auffi un mari St une
femme, tous deux affèz âgés-,' lefquels n’ayant
qu’uns, fille à marier, fort recherchée pour
(a beauté Sc fes richefles, craignent beaucoup
qu elle ne leur foit enlevée par de jeunes
gens qui en voudraient! faire leur bonne fortune.
Après en avoir difcouru, ils l’appellent,
lui fonc force remontrances , & fur,ce qu’ils
s’imaginent que leurs fer.vantes & leurs valets
ont quelque intelligence au-dehors, ils leur
défendent de fortir.fans leur .congé , ils
chaflent ceux qui font les moins fidelles,
ils délibèrent même de changer de maifon,
à caufe qu’ils font voifins de quantité de jeunes
marjolets qui viennent cajoller leur fille,;
ils mettent ordre que la porte Sc lesfsnêtr-es
foient toujours Bien fermées, ils en font redoubler
les ferrures , le;s verroux 8t-les barres ,
& enfin fe tenant contens de cela, ils font
voir qu’ils repréfentent tout ce qui peut
lignifier : Que la défiance ejlsmlre de fureté.
. Tout cela, fe fait- avec des. difcours propres
à fhiftoire, faits que.Ton profère,le proverbe
que l’on veut exprimer, St cependant il y a
un de la compagnie qui n’a point participé
au confeil 8c au deffein de. ce, beaux comé:
diens, lequel met toute la force de fon elprit
à fes yeux & à fes oreilles pour obferver leurs
a étions 8c leurs; paroles; 8ç tâcher de les expliquer
fi ■ adroitement, qu’il en puilfe tirer-le
proverbe que l’on veut figurer. Que . s’il n’y
peut réulfir, il eft battu jufqu’à ce qu’il le
puilfe fauver, ou bien,l’on lui ordonne quel
que punition, après avoir recueilli les voix
de l’afl'emblée, On peut (aire encore qu’il fe
tienne là affis fur un bâton qui eft p.ofé; fiîr
deux lièges , Sc denquelqu’autre-forte où il
foit mal à fon aife ;nquand il n’aura pu ex,
pjiquer une-,comédie., fon en recommencera
une autre, & cela durera jufqu’à ce qu’il ait
donné l’explication de quel qu une , lans qu’il
ait autre punition.
Au refte, outre que celui qui eft tenu
d’expliquer ce qu’il,yoit. 8c .ente,ûi, demeupç
affis fur un bâton en travers ," où lut quelque'
petit placet fort incommode, l’on y ajoute
ceci que l’on lui met quelque grand chapeau'
à l’antique, 8c l’on lui donne quelque habit
grotefqùe 8c embarraffànt, l’appehantMonfieur
le do&eur Fariole ou maître Alibovoiv, 8c lui
donnant plufieurs autres quolibets, fi bien'
qu’il en a davantage d’envie de fe retirer de-là.
Vous mè direz la - deffiis qu’il n’y -a pas
preffe à faire ce perfonnage quand l’on commence
le jeu, 8c qu’il faut donc jetter à
croix Sc à pile à qui le fera; il eft vrai que
l’on s’ÿ peut1 comporter de cette forte, ou
bien ufer de quefqu’aùtre manière de fort, fi
ce n'eft qu’il fe préfente quelqu’un volontairement
pour e .i , par une gaîté d"humeür.
Mais, d’ailleurs, il faut que vous fâchiez
aue quand l’on a délibéré d’employer plufieurs
foirées à de fembiables jeux, lorfqué
l’on eft aux champs, ou lorfque l’on eft à
Paris, dans un quartier où il y a des per-
fonnes qui veulent trouver moyen d’àc-
courcir les longues nuits de l’hiver, alors on
peut faire que: les jeux f rient enchaînés les
uns a.ix autres, 8c que ceux d’une foirée en
fàfTent naître d autres pour le lendemain. Cela
le peut faire aum en un même jour',, lorff-
qu’au commencement l’on fe fera arrêté à des
jeux qui ne font pas fort longs : car foit aux:
Uns ou aux autres , l’on peut ordonner quelque
pénitence à quelqu’un qui aura failli, Sc
l'on luij choifira quelquefois celle de fe tenir
en quelque pofture ou quelque habit rifible,
jufqu’à ce qu’il ait expliqué une comédie que
l’on defire repréfenter. Que fi ajrès qu’il fa
bien-expliquéel’on veut continuer le même
jeu.; il faut que. ce foit celui qups’eft déclaré
l’in.Venteur de la comédie qui tienne fa place ,
comme- il s’en -trouvera allez y parce qu’ils
s’imagineront de .rendre leurs a étions 8c leurs
paroles fi oblcures que l’qn aura peine à y
rien deviner. Que fi aucun ne vouloit courir
ce petit danger, en ce cas-ià pour continuer
le jeu, il faudroit euqore avoir recours âu
fort, . - - u
v-Il -faut :qus vous fâchiez après tout ceci
que la Comédie peut être quelquefois repré-
fentée avec une variété fi peu convenabié,
que cela fignifiera auffitôt autre chofe que ce
que l’on aura deffein de lignifier, telement
que^celui qui la doit expliquer , l’attribuera
à UH autre proverbe plutôt' qu’à-celui auquel
l’on a penfé. En ce cas-là s’il a l’efprit de
(défendre fon opinion , 8c de montrer que ce
que l’on a fait , eft plus propre à ce qu’il dit,
qu’à ce que l’on s’eft imaginé , il faut avouer
qu’il a gagné. 8c qu’il mérite d’être hors de
fit -placé : car1 il iffeft pas obligé, d’expliquer
des chofes mal figurées, ou qui font à deux
ententes , & même il y a .telle- comédie,à qui
l’ on peut donner cinq’ ou fix Toffès'd’explications
, quoiqu’elle foit bien inventée : car ,
par exemple , à celle de l’avaricieux dont j'ai
parlé, ne pourra t-on pas dire qu’elle lignifie',
qu’il fait un Dieu fie fes, écus ; 8c à celle du,
père 8c de la mère qui gardent fi foigneufe-,
ment leur fille , ne dira-t-on pas que;.c’eft,.
que la beauté ejl de- difficile garde? Et il l’on y
penfoit bien l'on y„ trouverait peut-être encore
beaucoup d’autres manières de les expliquer
: néanmoins l’on entend que tout cela
veuijleJiré feüîement, que la défiance ejlnàre
de fureté. Il faudra donc voir qui aura plus de
raifôn des uns où des. autres ; quand l'explication
même ne feïûit pas plus à propos que
celle que les aéfeurs veulent donner, pourvu
qu’eliê foit auffi bonne , la fubtilité d’efprit
dé’ celui, qui explique, mérite que l’on lui
faffe faveur.
Je vous en vais donner encore un exemple ;
ceux qui avoient uné fois entrepris de repréfenter
un proverbe én comédie, prirent un
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