
L’Abbé des Agneaux àMadmioifelle de la
Haute-Futaie.
Ma belle demoifelle,aimez-vous bien votre
petite maman ?
Madame DE LA Haute-Futaie.
O u i, Monfieur ; elle l’aime beaucoup.
L’Abbé DES A GN E A U X.
Un gage., Madame ; il falloit répondre : je
l’aime beaucoup. On ne doit pas repondre en
tierce perfpnne. Voyez les avocats de province
s’échauffer en plaidant : entendez les s’expliquer:
« Comment! j’ai paffé dans votre pré avec
ma bête afîne »Vous en avez menti, mon confrère
; je n’ai jamais paile dans votre'pré, &
j’offre de le prouver; & vous oferez encore
foutenir que mes po-uies ont mangé votre
grain, tandis que tous mes voifins font en état !
d’affirmer que je les renferme toujours avec le
plus grand loin.
Madame de la H aute-Futaie.
-Ah J je comprends aduellement.
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Mademoifelle du Bocage, chantez-nous un
peu , avec votre voifin , le duo y Ah ! Vous
d ir a i- jt , maman ?
Le Chevalier Zéphir & Mademoifelle Rofe
chantent le duo.
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Vous auriez dû chanter la première partie,
Chevalier ; Sc Mademoifelle Rofe la fécondé :
mais comme vous avez fort bien chanté tous
les deux , on vous fera grâce des gages.
M. DES J a R DT ET S.
L’abbé , n’allez pas demander un duo à
M. de la Rivière; Mademoifelle du Gazon |
s’en tireroit bien, mais moi je ne le pourrois
pas,
L’Abbé des A g n e a u x ,
Vous n’avez donc pas appris la mufique?
M. des Jardins.
Oh ! mon Dieu ! non.
L’Abbé des A g N E a u x.
C ’étoit à Mademoifelle de la Haute-Futaie
a répondre ; vous payerez tous les deux un
gage. A Mademoifelle du Ga\on : pourquoi
Mademoifelle de la Haute-Futaie n’a t elle
pas répondu.
Mlle, du Gai on & M. des -Jardins.
Elle n’y penfoit pas.
L’Abbé des Agneaux.
Encore un gage , Mademoifelle ; vous ne
déviez pas répondre. Il falloit laiHer M. des
Jardins repondre tout feul. N ’eft-il pas v rai,
M. des Jardins?
Mademoifelle delà Haute Futaie.
O u i , Monfieur.
L Abbe des Agneaux à Madame de la
Haute-Futaie,
Convenez, Madame , que Mademoifelle
votre fille joue fort bien ce jeu-là.
M. de la F o r ê t .
J ’en conyiens.
L Abbe des Agneaux à l’Abbé Printems.
L’Abbé , vous aimez beaucoup Madame
de la Rivière, n’eft il pas vrai ?
M. de la Rivière.
Je l ’aîme-beaucoiip.
L’Abbé des Agneaux toujours à l’Abbé
Printems.
Elle eftbien faite pour plaire; qu’en penfez-
vous ?
M. de la Rivière.
Sûrement ; vpus avez bien raifon.
. L’Abbé des Agneaux.
Quel plaifit d'avoir une femme fi char
iflame, qui chante fi bien, qui pire: fi bieni
de la guittare & de la harpe, qui a tous les
talefts poffibles., un fi bon caraéfère , tant
delprit & fi peu de méchanceté, ce qui eft
prefqu’incompatiblel N ’ai-jepas lait fort vrai
portrait, l’abbé ?
M. de la Rivière.
Oh ! mon Dieu, oui : il n’y manque rien.
L’Abbé des Agneaux à Mlle. Rose. .
N ’eft-il pas vrai, Mademoifelle, que je n ai,
rien dit de trop.
Madame de la Rivière.
Pardonnez-moi, beaucoup trop.
Mademoifelle R o s e .
Un gage , Madame ; je n aurois furement
pas fait cette réponfe.
Madame delà Rivière.
C ’eft égal, Mademoifelle ; il m’eft permis
de dire ce que je veux fous votre nom.
M. d e la Forêt..
Pourquoi avez-vous un mauvais avocat,
qui entend mal votre affaire.
M. des Jardins.
Croyez-vous, Mademoifelle, que tout ce ■
que diient les avocats foit approuvé par leurs
parties ? Oh! que non ; il s’en faut fouvent de
beaucoup.
Madame de la Rivière.
Mais, M ,l’abbé, vous devez.être las d’être
toujours comme ça debout au milieu de nous-.
Allons, changeons de jeu.
L ’Abbé des Agneaux.
Jouons au Colin-Maillardajjis.
Mademoifelle du Bocage.
Comment y joue t on ?- Je ne le connoi*
pas, ce jeu là.
L’Abbé des Agneaux.
Au lieti'-de jouer comme le Colin-Maillard
où tout le monde court & on dit caffe-tête,
tout le monde eft affis :• le Colin-Maillard eft
au milieu : I! s’affied fur les genoux de quelqu'un
; il lui eft défendu de toucher avec fes
mains, & il faut qu’il devine fur qui il eftaflîs.
Quand il a nommé bien ou mal, tin change
de place, fans .parler ; cela eft elfentiel, comme
à tous les Colins-Maillards. Quand le Colin-
Maillard a deviné, celui qui a été reconnu
prend fa place.
L’Abbé Printems.
-Ce font les règles de tous les autres Colins-
Mailiards. -
Mademoifelle DE LA Haute-FüTAIK.
Eft-ce qu’il y a encore d’autres Colins-Maillards
? Je ne les connois pas.
L’Abbé des Agneaux.
Il y a le Colin-Maillard à la filhouette , 5i
le Colin Maillard au bâton. Mais ii, eft trop
tard : on lonne le fouper, je vous les expliquerai
, 5c nous les jouerons une autre
fois.
( Extrait des Soirées amufantes.)