
fort important à leur apprendre, jufqu’à I
quel point font délàvantageux pour eux,
les conditions de certains jeux que l’avarice
& l’oifivetéintroduifent tous les jours.;
La conduite des hommes fait , le plus1!
fouvent, leur bonne ou inauvaife fortune;
& les gens fages donnent au hafard le
moins qu’ils peuvent. Nous ne pouvons
prévoir l’avenir; mais nous pouvons toujours
dans les jeux de hafard, & fouvent
dans les autres chofes de la vie, connoître
avec exàâitude combien il eft plus pro
bable que certaine chofe arrivera de telle
façon plutôt que de toute autre; & puilque
ce font-là les bornes de nos connoiflances.
nous devons au moins tâcher d’y atteindre.
Tout le monde fait qu’au defaut de
1 évidence, nous devons chercher la vrai-
femblance pour nous approcher de la vérité
; mais on ne fait point affez qu’il 'y
a des vraifemblances plus grandes & plus
petites à l’infini, & que l’eîprit, pour
être bon juge, en doit diûinguer tous les
degrés, puifqu’il arrive fouvent qu’une
chofe étant incertaine , il efi néanmoins'
'certain &même évident qu’elle eft vraifem-
bhble, &' plés vraifemblable que toute
autre. Il- parott qu’on ne' s’eft point affez
apperçu jufqu à prêtent qu’on peut donner
des règles infaillibles, pour calculer les
différences qui fe trouvent ■ entre, diverfes
probabilités.
L ’Analyfe, cet art merveilleux, qui n’a
d’abord été employé qu’à découvrir des
rapports ccnftans & immuables entie'des
nombres & des figures, pour fervir aulïi
à découvrir des rapports de probabilités
entreSdes chofes incertaines, & qui
n’ont rien de fixe , ce qui femble fort
oppofé à l’efprit de la géométrie, & en
.quelque- façon hors de- fes régies. C’eft
ce que fait judicieufemént fentir l’illuftre
auteur de l’hiftoire de l’Académie des
Sciences.
* II. n’eft'pas fi glorieux, ditFontenelle,
» à l’éfprit de géométrie de régner dans,
« la pbyiique, que dans les chofes de
» morale fi cafuelles, fi compliquées, g
« changeantes. Plus une matière lui eft
a oppofée & rebelle, plus il a d’honneur
à la dompter, »
On trouvera, dans ce Dictionnaire, la
fuiutioh de divers problèmes fur différeras
jeux de cartes, tels que le Pharaon, la
Baffette , le Lanfquenet, 1 e treize, Sec.
On y détermine quel eft l’avantage ou le
déiàvantage des joueurs dans diverfes cir-
conftances de ces jeux. Les joueurs y
rencontreront .des nouveautés fingulières,
dont il leur eft important d’être inftruits.
On y donne auffi divers théorèmes fur
les combinaifons, à l’effet de-réfou dre plusieurs
problèmes particuliers fur Y Ombre,
le. Piquet, le Brelan, &c.
On y trouvera encore la-foiutibn de
quelques problèmes fur le jeu de Trictrac.
Enfin , on a expliqué en général toute la
théorie des combinaifons , en comparant
le nombre des cas on. arrivera un certain
événement, au nombre des cas où il» ‘arrivera
pas.
Dans les jeux, les gageures & les loteries,
l’argent que rifque un joueur eft
cenfé ne plus lui appartenir, car il en a
quitté la propriété ; mais en revanche il
acquiert un certain droit fur le fonds du
jeu , c eft a-dire fur l’argent de la gageure.
•Lorfque lés conditions du jeu font également
avàntageufes. aux joueurs, comme
dans le pajfe - dix, & un petit nombre
d’autres jeux, ce droit, ou t’efpérance
qu’il fournit, eft équivalent à la mife de
chacun des joueurs. Mais dans les .jeux
dont les conditions font inégalement ayan-
tageufes aux joueurs, tels que font le plus
grand nombre., ce droit ne répond' plus
exactement .a la mife des joueurs; & en ce
cas,. s ils veulent fe, retirer, & quitter la
partie, pour rentrer en la propriété de
quelque chofe, en renonçant à ce que le
hafard leur auroit donné, ils ne doivent
plus partager également l ’argent du jeu ;
mais ils en doivent prendre une partie plus
ou moins grande, félon qu’il y'âpjusxm
moins de probabilité que les uns ou les
autres gagneront la fomme entière dont on
eft convenu.
Cela pofé , fi l’on nomme A l’agent
du jeu, je dirai que le fort de chaque
joueur eft le jufte degré d’efpé’rariee qu’il
peut avoir d’obtenir A ; & j’appellerai
parti, la convention ou lé réglement que’
des joueurs doivent faire entre eux , lorf-
qu’iis veulent fe retirer , fans courir le
rifque de l’événement du jeu ; enforte qu’il
leur foit entièrement égal, ou de continuer
la partie, ou de la rompre.:.
Ainfî , en fuppofant que deux joueurs,
foient convenus de hafarder chacun une
demi-piftole à croix ou pile, fi l’on nomme
la piftole A , je dirai que le fort de chacun
des, joueurs eft j A ; & que fi , changeant
d’avis, ils veulent quitter le jeu , le parti
qu’ils fe doivent faire l ’un à,l’autre ; c’eft
de retirer chacun leur demi - piftole.
( EJfai T analyfe fur les jeux de hafard,
par Montmor. )
Si deux joueurs veulent jouer , fans
avantage ni défavantage, à un jeu dont
lçs conditions foient inégales, il faut que
celui à qui elles font favorables, mette
au jeu plus que l’autre ; & pour parler
avec précilion,. il faut que fa mife foit à
celle de l’autre joueur, .dans la même-
ra-ifèn que les divers degrés d’efpérance
qu’ils ont de gagner. S’ils jouent but à
but, il eft clair que l’avantage eft pour
l’un de ces joueurs, & quLil faut entendre
par ce mot avantage, l’excès de ce qu’il
attend du hafard fur ce qu’il met au jeu,
Par exemple, fi l’on fuppple que Paul,
pariant but à but un écu contre Pierre,
d’amener un doublet du premier coup avec
deux dez, on ait trouvé pour le fort de
Pierre A j A ; A délignant un écu ,
cette, fradion | A , qui eft l’excès de l’efpé-
rance ou du fort de Pierre fur fa mife
qui eft A , exprimera Ion avantage, ou ce
quePaul devroit donner à Pierre , fi, après
avoir fait cette convention avec lui , il
vouloit rompre la gageure, puifqu’en vertu
de la condition de cette gageure, Pierre
n’a pas moins de droit fur les deux tiers
de i’écu de Paul, qu’il en a fur l’écu qu’il
a mis au jeu.
Car il faut remarquer que , quoiqu’il
foit très incertain fi Paul gagnera ou ne
gagnera pas , & qu’il n’y ait point de
contradiction qu’il gagne' mille fois dé
fuite , il ell néanmoins très-certain que
pour- acheter le droit-de Pierre il faudrait
lui donner quarante-fols ; & que fi Paul
s’obligeoit de jouer trois coups aux conditions
précédentes, Pierre pourroit aulfi
bien compter fur deux écus de profit,
comme’ fur deux écus que Paul lui auroit
donné en pur don, à condition qu’il voulût
jouer trois écus contre, lui' à croix ou pile.
Quoique ces termes avantagé St défa-
vantage femblent être clairs , parce qu’ils
font communs & Familiers, j’ai cru qu’il
étoit à propos, pour ôter toute équivoque
, d’expliquer dé qu’elle' manière je
les entends ; il m’a paru que tout le monde
y attachoit de fauffes idées.
Le fort, de chacun des joueurs eft donc
comme leur efpérance , & cette efpérancê
eft proportionnée aux facilités ou aux
moyens qu’ils ont de gagner, c’eft à-dire
aux nombres de coups qu’ils ont à jouer,
Ainfi, fuppofant que Pierre parie contre
Paul d’amener un 6 du premier coup ,-
avec un dez , il s’enluivroit que pour
parier également, Pierre devroit mettre
un écu au jeu, contre Paul cinq écus',
puifque dans une gageure égale les mifes
des deux joueurs doivent avoir le même
rapport que les divers degrés de probabilité
ou d’efpérance que chacun des joueurs
a de gagner.
Dans l’exemple cité,- le fort de Pierre
eft- le rapport de tous les coups qui lui
font favorables, au nombre de tous les
coups poflibles ; ou , 11 l’on veut , fon
fort eft le rapport du degré d’efpérance