
x5 z S E L L E T T E .
Lé Chevalier Z ÉJ H I R.
J'ai vu quelquefois auffi des jeunes gens
monter à califourchon l’un fur i’a nre , pour
palier devant le rideau. J’ai paffé bien des
foirées à ne pas jouer d’autres jeux, tant il eft
ariiufant quand on eft une fois en train.
Madame DE LA R i v i è r e .
Sait-on où eft M. de la Rivière; Pourquoi
donc n’eft-il pas venu à la promenade ?
Mademoifelle R O s E.
Croiriez vous, Madame, qu’ils n’ont pas
quitté le billard depuis le dîntr. Ils ont voulu
faire une partie ce matin , ils n’ont pas pu. Us
ont patTé tout leur tems à chercher !a bille
rouge que M. Dubois avoit perdue : ils l’ont
enfin trouvée fur le:grand fopha qui eft dans
la grotte au bout de l’allée de tilleuls.
Madame d e l a R i v i è r e .
Ils ont bien réparé le tems perdu, s’ils ont
joué au billard depuis le dîper.
L’Abbé P R i N T e M s.
Ils y jouent encore à la lumière.
Mademoifelle d u R u i s s e a u .
C ’eft fingulier, comme ce jeu attache. Mais
eft-ce que les femmes ne pourraient pas y
jouer ;
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Pardonnez moi ; j’ai vu plufieurs femmes
à la campagne qui y jouoient fort bien. Nous
voilà tous réunis ; il ne viendra plus perfonne.
L’Abbé P R I N T e m 's.
On ch* che partout M. Dubois ; on ne fait
ce qu’il eft devenu.
Madame DK LA H AU T E - F u t AI E.
1 Madame du Rujfléau, Madame du Frêne
& M. des Jardins, font un brelan avec M. B....
& Madame Dubois, -
S E L L E T T E .
Ma Unie D E LA RIVIÈRE.
Ce pauvre M. B.... s’amuferoit peut-être
bien de nos petits jeux ,•car il eft gai; mais
il faut qu’il tienne compagnie à fon monde.
Voilà ce que c’eft que'dette maître de mai fon;
on ne fait pas tout ce qu’on aimerait le mieux.
L’Abbé des Agneaux.
Mefdames, fi vous voulez, nous allons
jouer à la fe dette.
Madame de la Haute- Futaie.
Volontiers.
L’Abbé des Agneaux.
Mais il faut un cetit tabouret pour afTeoir
le coupable dans le milieu de l’appartement,
L’Abbé P r i n t e m s .
En voilà un.
L’Abbé de s A g n e a u x .
. Eh bien ! commence par t’en fervir. Je
vais faue ie tour , $: je demanderai à chacun
de quoi on t’accufe ; chacun me dira bas à
1 orsii.e de quoi on te croit coupable.
Mademoifelle R O S E.
Mais l’abbé, vous n’y penfez pas; vous
n’avez point un air pénétré de vos fautes ; on
ne vous prendrait jamais pour un criminel qui
eft fur la leilette.
Le Chevalier ZÉPHIR.
Vous allez l’intimider, Mademoifelle ; j’ai
peur qu’il ne pleure, il attendrirait fes juges.
L’Abbé P r i n t e m s .
Qu’il eft glorieux pour moi d’être aux pieds
d’un pareil tribunal! Le plaifir de voir mes
juges efface en moi le chagrin d’avoir commis
toutes les fautes qu’on pourroit m’imputer. Je-
ne fuis point couvert de chaînes ; tuais je n’ai
point envie d’échapper à mes juges ; s’ils me
chaiToient de leur préfence, pourraient - ils
m’infliger
S E L L E T T E . S E L L E T T E .
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L’abbé P r i n t e m s .
m’infliger un châtiment plus fenfibie à mon.
coeur !
L’abb'é des Agneaux.
M. l’abbé plaifante, je crois.
Mademoifelle R o s e .
Mon Dieu ! quelle voix formidable ! Ah !
l’abbé, j’ai peur pour vous. Voyez comme
il fait femblant de trembler. Oh ! le malin
criminel.
L’abbé des Agneaux. .
Vous voyez vos juges Sc vos accufateurs.
L’aobé P r i n t e m s .
Et peut-être mes complices.
L ’abbé des Agneaux.
On ne peut pas l’empêcher de railler; qu’en
penfe la cour ;
Mademoifelle R o s e .
La cour lui fait grâce.
L ’abbé des Agneaux.
Vous-êtes fur la fellette , parce qu’on vous
accufe de chanter faux. Qu’eft-ce qui vous a
accufé de ce que je vous reproche-là ?
L’àbbé P r i n t e m s .
Vous favez que je chante faux
Sans mefure ni cadence ;
Mais fi vous blâmez mes défauts ,
Louez ma complaifancc.
C ’eft Madame de la Rivière qui me fait un
reproche fi fenfibie; parce que Madame chante
à ravir , elle croit que tout le monde doit lui
reffembler.
L ’abbé dès Agneaux.
Non : c’eft Madame de la Haute-Futaie. La
cour exige que vous payiez un gage. On vous
accufe d’être parefleux.
Jeux familiers.
C ’eft peut - être vous, mon maître, parce
que je n’ai pas voulu relier aujourd’hui avec
vous, pour faire des lampions, & que j’ai
mieux aimé aller me promener avec ces de-
moi felles.
L’abb'é dés Agneaux.
Non : un gage; c’eft M. du Frêne. On vous
accufe de n’avoir point un air pénétré de vos
fautes, & c’eft une preuve que vous n’avez
pas envie de vous corriger.
L’abbé Printems.
Oh ! ceci n’eft point difficile à deviner ;
,c’eft Mademoifelle Rofe.
L’abbé des Agneaux.
Juftement. Allons, Mademoifede Rofe ,
mettez vous fur la fillette; je vais faire ie tour,
8ç,recevoir les accufations contre vous.
L’abbé Printems.
Me voilà devenu juge à mon "tour. Mademoifelle
, vous riez bien fort ; profitez des
leçons que vous me donniez il y a un inftant.
Le Chevalier Z i p hir .
Oh ! nous vous tenons. On en va dire de
belles fur votre compte.
L’abbé des Agneaux.
Mademoifelle, on vous accufe d’être gourmande.
Mademoifelle R o S E.
Ah ! par, exemple, voilà une vraie calomnie
! Je fuis la fobriété même, je fais mou
Vadé par coeur , & je n’ai pas oublié que fille
■ qui eft fur fa bouche manque à Ion devoir.
Or , je n’ai point envie de manquer à mon
devoir. C ’eft le chevalier qui a fait cette
calomnie ; parce que je lui ai volé ce foir
une grade pêche qu’il vouioit manger tout
feul comme un vilain gourmand.
L’abbé des Agneaux.
Non ; ce n’eft pas lui.