
L’Abbé des A g n e a u x .
VojilA qui eft enfin fini. Otons tous ces
cofnetset toutes ces plumes, car il eft tard,
6c on' va bientôt mettre le couvert.
Mademoifelle Rose.
Mefdamts , il fait un beau clair de lune.
Madame de la H aute - F dt'aie.
Allons faire un tour dans Iç jardin, pendant
qu’on mettra le couverr.
( Extrait des Soirées amufantcs. )
S E L L E T T E , {la)
Jeu de Société en dialogue.
M. do F r ê n e .
Ah! je fuis fâché-, mon cher abbé des
Agneaux , que vous n’ayez pas pu venir promener
avec nous ; nous nous fommes bien
amufés.
L’Abbé des A g n e a u x .
Je n’ai pas pu. Vous favez bien que je
prépare cette petite illumination pour la fête
de M. B.... La fête fera fort bien dans fon
efpece. Vous connoilTez bien ce théâtre en
gazon , que M. B.... a fait fur fa terrafle, au
bout du bofquet ? C ’eft-là que commencera
la fête : j’ai tracé le canevas d’un petit drame
relatif à une fête, où chacun de nous impro-
vifera. Nous comptons fur vous.
M. du F r Ê N E.
Volontiers ; je ferai ce que je pourrai.
L ’Abbé d e s A g n e a u x .
Après le drame, on fera le tour du jardin ,
qui fera bien illuminé. Croiriez-vous que je
n’ai fait aujourd’hui que couler des lampions?
Il eft vrai que les domeftiques m’aidaient,
M. du F r é n e .
Vous vous contentiez de préfider.
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Point du tout; je travaillois auffi. Quand
on aura fait le tour du jardin, du verger 6c
du bois , on reviendra devant la maifon tiret
un petit feu d’artifice ; et enfuite on retournera
au bofquet. La falle qui eft au milieu, fera
bien illuminée avec des arcades efdes colonnes
en lampions, et on danfera là tant qu’on
voudra.
M. du Frêne.
Cette fête eft fort bien ordonnée , 6c les
vers vont couler, Dieu fait comme.
L’Abbé des Agneaux.
J’en ai fait quelques uss, mais je compte
principalement fur ceux que Madame de la
Riviere a bien voulu fe charger de chanter.
M. d u F r ê n e »,
Il eft vrai qu’elle donne une grâce infinie à
tout ce quelle chante, et furtout quand elle
yeut bien s’accompagner avec fa harpe.
L’Abbé, des Agneaux.
Ah ! voilà ces demoifelles. Vous avez donc
bien joué à la promenade ?
Mademoifelle R O S E.
Nous avons paffé en revue toutes fortes
de petits jeux enfantins.
Mademoifelle du Ruisseau.
Nous avons joué au petit palet dans les
allées du bois.
Mademoifelle DU G A ï ON.
Nous avons joué à la main-chaude ; mais
l’abbé Printems frappe un peu trop fort. Et
vous auffi , mon coufin.
M. D u Fr Ê N e.
C ’eft le beau du jeu. Mais je ne frappois
fort que quand c’étoit des Meilleurs, bien
entendu.
Mademoifelle D u B o c a g e .
J’aime beaucoup le jeu que M. du Frêne
nous a appris. Il eft tout drôle.
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Quel jeu donc , s’il vous plaît ?
Mademoifelle d u B o c a g e .
Chacun prend une jarretière ou un ruhan
8c en tient un bout. Tous les autres bouts
font réunis dans la main de celui-qui fait jouèr
le jeu. Quand il dit: tirez, il faut lâcher;
6c quand il dit : lâchez , ’ il faut tirer.
On eft fouverit attrapé , 6c on donne bien
des gages.
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Ce jeu relîemble allez à'ces petits jeux qu’on
fait jouer aux enfans , où l’on dit.: berlingue,
chiquelte , ou bien pigeon voie , mouton
vole , 6cc.
Mademoifelle d u R u i s s e a u .
Nous avons joué tant de jeux nigauds que
nous avons joué à retire-toi de-là. Pourquoi
ça ? Parce que tu as telle chofe et que je n’en
ai pas ; parce que tu as un chapeau, 8c que
je n’en ai pas ; parce que tu as des b'oucles
d’oreilles , 8c que je n’en ai pas.
Mademoifelle R o s e .
Mon Dieu ! que nous avons ri avec toutes
ces petites mifètes-là.
L ’Abbé d e s A g n e a u x .
Les plus petits jeux peuvent fouvent amufer
plus que les grands ;, c’ell. Buvant comme on
eft dilpofé. J’ai entendu dire que des perfonnes
de la plus grande dift inétion, et du plus grand
génie, avoient joué à la pouffette ,'bù- les
enfans difent : digue, dogue, favatte; il eft vrai
qu’ils y jouoient avec des louis.
Mademoifelle d u R u i s s e a u .
Nous avons joué ;rauffi au Colin-Maillard
ordinaire, 6c.au Colin-Maillard avec une
canne.
Mademoifelle de L Ai H aute - Fu T a lit.
Le Colin-Maillard avec une canne eft fort
drôle; mais je ne peux pas y jouer, parce que
je ris trop. Quand on eft en ro'nd 8c qu’on
s'arrête , le malhe.ur m’en veut, ., le Colin-
Maillard , qui eft au milieu , ms préfente toujours
'la canne : il fait trois cris différens ; il
faut les répéter, 6c je ne faurois contrefaire
ma voix.
Madame’ de la Haute-Futaie.
C ’eft que vous riez toujours.
MademoîTelle de la El aute-Fut ai e.
Mais , maman , pourquoi me préfente-non
toujours la canne ? Je crois que ces Meffiéurs
n’attachoient bien le bandeau que quand j’étois
Colin-Maillard.
Mademoifelle R o s e .
L’abbé des Agneaux nous avoit promis! de
nous apprendre tous les jeux de Colin-Maillard
, 6c il l’a oublié, il n’a pas tenu la parole.
L’Abbé d es Agneaux.
La faute eft ailée à réparer. Il n’y a plus que
le Colin-Maillard à laJilbouette , que vous, ne
connoiffez pas ; nous pourrons y jouer ce foir ;
on ne peut y jouer qu’à la lumière. On place
quelqu’un dans Fehfoncement d’une fenêtre ;
on tire bien le rideau devant lui ; on le tend
bien , comme fi oh vouloit faire voir la lanterne
magique. A une certaine diftance du rideau ,
on met une table, 6c toutes les lumières delîus.
Chacun palfe à fon tour entre le rideau 6c la
table, en faifant des grimaces 6c des con-
torfions rifibles, pour fe défigurer; 6c il faut
que celui qui eft derrière le rideau devine
qu’eft-ce qui palfe.
L’Abbé Printems.
Les hommes mettent quel quefois des bonnets
de femmes 6c des mantelets, pour n’être pas
reconnus.