
Yoici quelques règles communes à ces
■ deux jeux :
i° . On y joue avec trois dez ;
2°. Tous les coups où il ne fe trouvepas
au moins deux dez femblables font réputés
nuis, & On les recommence;
3°. A ces jeux il n’y apoint de primauté;
& lorfque deux ou plulîeurs joueurs fe
trouvent avoir le même point, ils recommencent
entre eux pour voir qui gagnera.
Voici quelques autres règles qui font
particulières au jeu delà première rafle :
l° . Un joueur dit qu’il a rafle, lorfque
les trois dez qu’il a jettés portent tous le
même point ;
2°. Rafle l’emporte fur ceux qui n’ont
que des points; en forte, par exemple, que :i
celui qui aura rafle gagnera, au préjudice
de celui qui aura dix - fept ; hors ce cas
celui qui a le plus haut point gagne;
3“. Une rafle plus haute l’emporte fur
une plus baffe ; par exemple, rafle de
4 fur rafle de 3 , & rafle de 3 fur rafle
de 2 , &c .
La folution de ce problème s’entendra
aifément par un exemple.
Jefuppofedonc qu’i ly ait troisjoueurs,
Pierre, Paul & Jacques tPierreadéjàjoué,
& a amené onze. On demande s’il a de
l ’avantage , & quel eli-cet avantage 1
Il faut d’abord voir combien il y a de
coups dans trois dez, où il fe trouve au
moins deux dez femblables; enfuite il faut
employer la méthode analytique, & examiner,
par ordre, ce qui peut arriver dans
les coups de Paul & de Jacques, & ce que
les hafkrds différens de ces deux coups
donnent à Pierre d’elpérance, ou de gain ,
ou de perte.
Je trouve qu’il y a trois coups pour
amener 17 ou 4 , fix coups pour amener
16 ou y , quatre coups pour amener ry_
oü 6 , neuf coups pour amener 14 ou 7 ,
13 ou 8, 10 ou n , & enfin fept coups
pour amener 12 ou p.
Cela pofé, voici comme je raifonne :
Lorfque Paul jouera fon coup, Pierre
perdra, fi Paul amène ou 18 ou 17, ou
16 ou i f , ou 14 ou r ; , ou 12 ou rafle
d as, de 2 & de 3 ; ce qui fait quarante-
deux coups pour perdre. Il y a neuf coups
pour que Pierre foit but à but avec Paul,
dans l’attente du 'coup de Jacques , &
quarante-cinq coups pour que Paul amenant
un point quelconque au-delfous de n ,
Pierre n’ait plus à craindre que le e,oup de
Jacques.
Lorfque Paul a amené un point quel-
conqueau-defious de 1 1 , le fort de Pierre
efld ’avoir quarante-cinq coups pour gagner
tout ce qui efè au jeu, & neuf coups pour
partager avec Jacques,, favoir quand Jacques
amène 11 .
Si Paul a amené onze, le fort de Pierre
eft d’avoir quarante-cinq pour partager
également avec Paul le droit fur tout ce
qui ell au jett, neuf coups pour avoir fon
tiers fur i’argeht qui efl au jeu, & enfin
d’avoir quarante-deux coups pour perdre.
s i r on réduit ce raifonnement, félon les
règles de l’algèbre, on trouvera que le fort
cherché de Pierre ell 7§ | |A , enfuppofant
que A exprime la mife de chaque joueur;
ce qui fait voir que Pierre a du défavantage,
lorfque jouant avec deux joueurs il a onze.
Ce défavantage eft tel, qu’il pourroit, fans
perte ni profit, donner quarante fols & une
fraâiondedeniersàun joueur qui voudroit
prendre fa place, fuppofé que A,qui défigne
la mife de chaque joueur, exprime une
piflole.
On pourra trouver en cette manière
l’avantage ou le défavantage de Pierre,
quelque foit fon point, & quelque nombre
de joueurs qu’il y ait. En voici une Table
qui donne l’avantage de Pierre, enfuppofant
qu’il ait un point quelconque, depuis onze
jufqu’à dix-huit, autrement que par une
rafle. L ’on y fuppofe, comme ci-deffus,
que le jeu foit aux pifloles.
T A B L E .
Pour 2 Joueurs, Pour 3 Joueurs. Pour 4 Joueurs.
Avantage. Avantage, Avantage.
Points. liv. fols. den. liv. fols den. livi fols, den.
18 9 *7 r i 19 m 9 *9 65 A 9 8 4 8 »?44
' l 7 8 "è 9 ■ ? 5; 9 10 7 t
128 ■ 2.1 ■ •A XI 3-0*7 *:-
16 7 10 0 11 }9 5 64 14 7 1 â f <0
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M t 11 3 10 1 1 6 9 307 a
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On voit,, par cette T able, qu’entre ] points : il ria affaire qu’à un jouétir; mai*
deux joueurs il y a de l’avantage à avoir j en récompenfe il a le double à gagner.- Or
onze; & qu’à trois joueurs il y a du J le produit dé^ 2 x t étant == 1,: il s'enfuit
défavantage. que Pierre, ayant onze,points, doit avoiE
. ■ v , I de l’avantagé, foit que lé jeu foit entrétrois
Lorfqu’il y a quatre joueurs-, -on n a de joueurs| ou qu’il foit feulemènt entre deux
l’avantage, que lorfqu on a au moins treize, 1 joueurSi Us employoieht le même raifon-
Jë trouve qu’à douze points, il y a fur une nement pour prouver que ' '
1 avantage de
piflole une livre douze fols de perte ou de
celui qui a onze points efl le même, foit
défavantage ;, ce qui paroît d’abord affez
qu’il n’y ait que deux joueurs, foit qu’il y
étrange.,
en ait quatre, ou un autre nombre quelconque.
J’ai trouvé des perfonnes d’efprit qui
croyoient voir évidemment que, puifque
c’efl un avantage entre deux joueurs d’avoir
onze points, on devoir conclure,'que ce
ferpit auflî un avantage , tel nombre de
joueurs qu’il y eût.
Voici comme ils raifonnoient1:
Il eft vrai que Pierre jouant lui troifième,
& ayant onze points, a moitié moins d’ef-
péiance de gagner, que lorfqu’ayant onze
Ce raifonnenient eft fpécieux; mais il
manque en ce que l’on fuppofe que l’elpé-
rance que Pierre a de 'gagner eft moitié
moindre, lorfque deux joueurs ortt à jouer
après lui,: que lorfqu’il h’y en a qu’un : ce
qui n’eft point vrai, quoique fort vraifem-
blable. On ne peut trop chercher l’évidence
en cette matière, où l’on trouvera plus
qu’en toute autre, que les apparencescon-
duifent à l’erreur.