
t J’A I M E M O N A M A N T P A R A.
bien des demoifelles qui pourroient dire ,
j’aime mon amant par A , parce qu’il eft
abbé.
Madame DU Bocage.
Bon ! c’eft mon tour après : je n’oublierai
pas celui-là, car je conjmençois à être bien
embarraflee. Allons , I abbé, continuez.
L’Abbé Printems.
J aime mon amante par A , parce quelle
eft acariâtre..... .
Madame de la Rivière.
Vous avez bon goût; vous allez, fans doute,
la nourrir de mets bien doux.
L’Abbé Printems.
Je la nourris d’amers de boeuf ; je l’envoie
dans toutes les parties du rnonde , hormis en
Europe ; je l’envoie en Alîe, en Afrique &
en Amérique.
Mademoifelle du Gazon.
■ Mais ce ne font pas des noms dé ville, ce
n eft pas permis ; vous paierez un gage.
L’Abbé Printems.
Eh bien | ne vous fâchez pas ; je l'envoie
aux Antipodes.
Mademoifelle du Gazon.
Mais ce n’eft pas encore un nom de ville.
L’Abbé P r i n T e.m s.
Allons, puifqu if faut un -nom de ville, je
1 envoie à Antioche , en Afie ; je lui dodne un
petit antropophage, pour quelle s’en fafle Un
petit jo k e i, & je lui fais un bouquet de fleurs
d'abfynte.
Mademoifelle t) u B o c a g e .
J aime mon amant par A , parce qu’il eft
abbé; je le nourris d'arêtes'de poifl'on ; je
1 envoie a Antigoa ; je lui donne un antipho-
nier & un bouquet de fleurs d’alleiuia.
Mademoifelle de la Haute-Fütaik
J’aime mon amant par A , parce qu’il eft
ardi.
Mademoifelle du Gazon. .
Un gage , Mademoifelle; hardi commence
par un H , & non par un A.
Mademoifelle de la Haute-F u t aie,
Oh bien ! je ne joue plus à ce vilain jeu-là,
Eft ce que je fais ça , moi ?
Madame de la Haute-Futaie.
C eft bien fait, ma fille; pourquoi avez-
vous eu fiiong-tems un maître de grammaire?
Je fuis bien ade que tout le monde vous en
fafle la honte. Allons, je le veux, continuez.
Mademoifelle de la Haut e-Fut ai e.
Mais, maman , je m’y tromperai toujours.
Madame de la Haute-Futaie.
Et on fe moquera toujqurs de vous.
L’Abbé des Agneaux, {tout bas).
Je vous foufflerai.
Mlle, de la Haute-Futaie, lentement,
répétant tout haut tout et que l'abbé lui dit
tout bas.
J ’aime mon amant par A , parce qu’il eft
audacieux ; je le nourris d’ahgtiilles ; je l’en-
yoie à Antibes; je lui donne un arlequin &
un bouquet d’althéa.
Madame de la Haute-Futaie.
Eh bien ! vous voyez , ma fille, qu’on en
vient à bout.
L’Abbé des Agneaux.
J aime mon amante par A , parce qu’elle
eft Angélique ;. Je la nourrjs d’anânas ; je
i envoie a Amfterdam, & ' je lui donne une
agrafle de diamant & un bouquet d’after.
J’ A I ME M O N A M A N T P A R A. 3
Le Chevalier Z é p h ir ., vite.
J’aime mon amante par A , parce quelle
eft agaçante ; je la nourris d’ambroifie ; je l’envoie
à Avignon je lui donne un almanach '
Jt un bouquet de fleurs d’aube-épine.
Madame d e l a R i v i è r e .
Bon , Chevalier, trois gages.
Le Chevalier Z é p h i r .
Et pourquoi donc , s’il vous plaît 2
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Non , pas davantage ; que trois feulement.
Mademoifelle d u R u i s s e a u .
J’ai dit agaçant,- ainfi , un gage.
Madame DÉ l à R i v i è r e.
J’ai dit Avignon , moi.; air.fi ; deux gages.
Madame d e l a H a u t e - F TJ t a i e .
Et moi j’ai die un almanach ; ainfi, voilà
bien trois gàgéft. On ne doit jamais répéter
ce que les autres ont dit.
Le Chevalier ZÉ PHI R .
Mais perfonne n’avoit nourri fon amante
d’ambroifie, & ne lui avoit donné un bouquet
d’aube-épine,
L’Abbé P RI N T E M'S.
Auflî ne vous fait- on pas payer cinq gages ;
mais trois feulement.
Le Chevalier ZÉPHIR.
Au diable foit le jeu , pour ceux qui n’ont
pas de mémoire !
Mademoifelle d u R u i s s e a u ,
Dites plutôt, Chevalier , pour ceux qui
font étourdis comme vous.
Le Chevalier ZÉPHI R.
Ça m’eft égal, au refte ; plus j aurai de
gacres, plus je m’amuferaî.dVlais nous fommes
trop de monde pour jouer ce jeu-là ; ça ne
! finiroit pas, fi nous faifions les vingt-quatre
lettres de l’alphabet : d’ailleurs, il y a des
lettres où ôn ne fauroit que dire.
L’Abbé d e s A g n e a u x .
C ’eft le beau du jeu.
Le Chevalier ZÉPHIR.
Mais que direz - vous fur la lettre Q par
exemole.
L’Abbé d e s A g n e a ï t x .
Quoi ! une amante eft quinteufe , q''erel-
ieuie ; on l’envoie à Quimpercorentin ; on lui
donne une quenouille ; on la nourrit de quinquina,
&c. &c.
Mademoifelle d u G a z o n .
L’& caetera vient là bien à propos. Mais je
crois qu’en voilà aifez pour ce foir ; dans
quelques jours, il faudra prendre une autre
lettre pour nous faire mieux fentir le jeu.
Ah ! voilà notre monde qui vient. Mais vous
n’arrivez pas trop tôt.
Madame DELA RIVIÈRE.
D’où viens-tu donc; M. de la Rivière?
J ’étois.-inquiette ; j’ai prié M. de la Foiet de
t’aller chercher. Il y a une heure qu’il ne fait
plus clair. Ii n’y a pas de bon fens.
M. d e l a R i v i è r e .
Ce n’eft pas ma faute ; je 11 fois cette comédie
que i’abbé des Agneaux a faite: je me fuis
égaré dans le milieu du parc de Chefley.,..
M. D E L A F O R Ê T.
Et quand Monfieur a voulu revenir, au
jour tombant, il a trouvé la grille fermée ,
il a été obligé de revenir par .le village. Je
! l’ai rencontré devant la terrafle.
A 2