
C A P U G I N.
M. dé l a R i v i è r e .
Chacun prend une partie de l’habillement
du capucin : l’un eft le manteau, l’autre la
robe j l’autre le capuchon , &c. Quand fhif-
toire parle du manteau, il faut que celui qui.
eft le manteau , répète le mot manteau deux
fois, fi i’hiftorien l’a dit une ; 8c une fois , s’il
l’a dit deux.
L’Abbé des Agneaux.
Tenez, Moniteur, voilà, la lifte des per-
fonnages, & de leurs rôles. Il lit :
M. de la Rivière, l’hiftorien.
Madame de la Rivière, le manteau.
Madame de la Haute-
' Futaie. , la calotte.
Mademoifelle du Ruif-
feau , la fandale.
Mademoifelle 'du Galon
,
Mademoifelle Rofe,
Mademoijelle du Bocage,
*
Mademoifelle de la
Haute-Futaie,
M. de la Forêt,
M. des Jardins,
h‘ Abbé Printerns ,
Le Chevalier Zéphir,
L’Abbé des Agneaux,
la robe,
la barbe.
le capuchon.
la beface.
le bréviaire,
le chapelet,
la culotte,
le capucin,
le cordon.
C’eft le chevalier qui a le rôle le plus difficile;
mais il s’en tirera bien.
Mademoifelle R osé,
Oui ;. en payant des gages.
M. d e -l a . R iv iè r e .
Silence, s’il vous plaît; je commence. Je
vais d’abord vous définir ce qu’on appelle un
capucin.
Le Chevalier Z i p h i g.
M. de la Rivière.
La barbe n’eft pas feulement....
Le Chevalier Z É PH IR .
Un gage, Mademoifelle; vous n’avez pas
répondu : barbe , barbe.
M. de la Rivière.
Ce qui diftingue un capucin, capucin.
Le Chevalier Z É PH IR .
Capucin.
M. de la.Rivière.
Il y a encore bien d’autres ctîofes à diïliliguer
en lui : vile ,- fa reba-, fon manteau,
fon capuchon ne font pas encore fon accoutrement.
M. d È l a R i vière-.
Voilà feulement, trois- per-fonnes- qui font
bien priles.
L’Abbé des Agneaux.
La beface, beface.
Mademoifelle de la Haute-Futaie.
i Béface.
M. de- la Rivière.
Eft la partie la plus efîentielle d’un vrai
o.pucin'; car', en effet!.,.
Mademoifelle de* la Haute-Futaie.
Un gage ,• Chevalier ; vous n’avez pas répondu..,.
M. de la Rivière,
Capucin, capucin.
Mademoifelle R os e .
Comment ! Mais vous fayez donc ce jeu-
Un capucin....
Le Chevalier fZti:p HI R.
Capucin , capucin.
C A P U C I N.
M. de La Rivière.
Sans beface....
Mademoifelle de la Haute-FÛtaie.
Beface.
L’Àbbé des Agneaux.
Un gave, Mademoifelle ; vous n’avez dit
qu’une fois ; il falloit dire deux fois : beface ,
beface..
M. d e la Rivière.
Eft comme un pelerin 'fans bourdon, un
combattant fans armes ; un fit fil démonté ,
fans chien, fans baffinet. Ainfi donc , fans
beface....
Mademoifelle de la Haute-Futaie.
Beface, beface.
M. delà Rivière.
Point de capucin , capucin.
Le Chevalier Z È p HI R.
Capucin , capucin.
L’Abbé Printems,
Un gage , Chevalier ; vous avez dit capu
cin, capucin; il ne falloit dire que capucin
tout uniment.
Nota. Ce jeu eft un de ceux auquel on
donne leplus de gages. Quand l’hiftorien fait
bien le rôle que chacun fait, il peut profiter
adroitement des fréquentes diftraâions qui
ont toujours lieu dans les petits jeux de fo-
ciété. Le point elîentiel feroit de raconter des
hiftoires de capucin qui foient intéreffantes
par le fond du fujet, parce qu’alors les auditeurs
occupés à fuivre le fil du difcours ,
oublient de répéter à propos ce qu’ils doivent.
Je vais rapporter ici quelques hiftoires
de capucin qui m’ont paru fingulières.
Vous favez bien, Mefdatpes, que les capucins
, capucins , ne doivent jamais porter
d’argent fur eux. Leur beface leur tient lieu
de tout ; elle fuffit pour les faire vivre. Le
C A P U C I N . 27
prophète Elie, en quittant ce monde , laiffà
fon manteau à fon difciple ; & il y a lieu de
croire que S. François ne lailîa pas à fes difci-
ples fon manteau , mais bien fa beface.
Un jour, m’a t-on dit, un voyageur fe
trouvant arrêté par une petite rivière, & le
pont étant fort éloigné, il fut fort embarraué;
car vous remarquerez qu’il étoit à pied. II
apperçut de loin un capuchon, & il fe dit à
lui même: c’eft fans doute un capucin; car,
comme le feu ne va pas fans fumée, un capucin
ne ..va pas fans capuchon , capuchon.
Effeétivement ; c’étoit un vieux père, madré
comme quatre. Bonjour, mon père, dit le
voyageur ; vous ferez auffi bien embarraflé que
moi , nous ne pourrons pas paffer. Bon , dit
' le capucin, je vais retrouffer ma robe ; je
l’attacherai bien haut avec mon- cordon ; & je
pafièrai au milieu de la rivière, car elle ne
me paroît pas bien profonde. Si vous vouliez,
mon père , dit le voyageur qui craignoit de
fe mouiller, je monterois fur votre dos, je
nfaccrocherois à votre manteau & à votre
capuchon , Sc je vous aurois bien de l’obligation
de me rendre ce fervice. Vous n’aurez
pas la peine de vousdéchaufier, puifque vous
allez nuds pieds ; & vos fandales fuffiront pour
! garantit vos pieds des pierres qui pourroient
les biefièr. Le. capucin voyant que le voyageur
fe moquoit de lui, rioit dans fa barbe
en méiitant un fingulier projet de vengeance.
Voilà notre voyageur à califourchon fur le
révérend père capucin, qui àvoit relevé fon
capuchon fur fa tête , & mis dans fa poche fa
calotte & fon bréviaire. Comme il avpit relevé
très-haut fa robe avec fon cordon , cor- I don, vous remarquerez , s’il vous plaît, qu’il
] avoit une culotté , quoique les capucins ordi-
I nairement neportent point de culotte , culotte.
| Ils. ont cette permiffion quand ils voyagent, 1 à caufis de la décence. La rivière qu’ils tra-
| verfoient tous les deux, l’ùn portant l’autre ,
! n’avoit guère qu’un pied de profondeur dans
cet endroit, mais elle étoit allez large. Vers
le milieu le capucin retourne la tête, Sc demande
à fon cavalier s’il avoit de l’arger.t fur
lui. O u i, mon révérend père, dit le voyageur,
& je vous récompenferai ; car vous craignez,
fans doute, que je ne l’oublie.Non, Monfi-.ur,
dit le capucin, capucin ; mais de par S. François
, notre bon père , il nous eft défendu de
porter de l’argent fur nous ; & dans i inftant,