
O R G E .
Mademoifelle R O S E.
106 O R G E.
queftion , vous avez envie de les fâcher, de
les humilier, 8c cette feule envie mérite bien
déire punie.
Le Chevalier Z é p h i r .
Mais c’eft indécent.
L’Abbé P R 1 N T E M s.
Oh ! point du tout. Ils obfervent toute la
décence' poffibie en vous plongeant dans la
fontaine.
Le Chevalier Z é p h i r .
Mais c’eft au moins dangereux.
L’Abbé P R1 N T e M s.
Prefque point. Ils attendent que vous n’ayez
pas trop chaud ; Sc en fortant du bain, vous
trouvez, dans une auberge, un bon lit bien
badiné qu’ils ont fait préparer à vos frais.
Mademoifelle du G a i o k .
Mas d’où cette coutume-là tire-1-elle
fon origine ?
L’Abbé P R IN t e MS.
Le fameux duc de Lorges , en je ne fais !
quelle année, faifant le fiége de cette ville,
dit ; ils me réfiftent, mais je leur ferai voir
combien vaut l’orge ; 8c depuis ce tems, les
habitans de cette ville fe croient inlultésquand
on leur fait cette queftion.
M. DE LA F G R £ T.
J’ai entendu dire qu’il y avoit une ville,
dont j’ai oublié le nom, où il étolt défendu
de parler danon. Trois jeunes étourdis firent
le pari d’en parler en pleine rue, fans craindre
aucune punition. Lepremier crioit : ma grand-
mère eu morte ; le fécond difoit : nous ne
la verrons plus.; 8c le troifîème ajoutoit en
foupirant : hélas ! non ; comme s’il eut dit :
6 l'ânon. Ils répétoient ainfi, cette farce au
milieu des habitans-,cjUi-enrageoient , 6c ne
pouvoient fe plaindre.
Mais, à propos de combien vaut l’orge,
l’abbé des Agneaux avoit dit dernièrement,
en parlant de Lagny , ou’ii nous fero-t juuer
un jeu où l’on dit : combien vaut l’orge.
Madame DE la Ha u t e - F utai e.
Qùeft il donc, l’abbé des Agneaux? Eft-ce
qu’il n’étott pas de la promenade ? Vous ne
l’avez pas vu , Mademoifelle du Ruilleau ?
Mademoifelle DU R u i s s e a u .
Non , ma bonne amie ; quand vous m’avez
vue, je fortois de ma chambre.
M. de l a F o r ê t .
L’abbé m’a dit qu’il a-lloit fe promener feul,
pour remplir les bouts-rimés que nous lui
avons donnés hier à fouper. Il les trouvoit
plus difficiles qu’à l’ordinaire.
L’Abbé P r i n t e m s .
Mais je prbîs l’entendre. Ç’eft lui qui paffe ;
appeliez le donc. L’abbé.....
M. d e s J a r d i n s .
Eh bien ! vos bouts-rimés font ils faits ?
L ’Abbé des A g n e a u x .
Je viens de les finir. Et vous, avez-vous
fait les vôtres ?
M. d e s J a r d i n s .
Ma foi ; ce n’eft que pour demain dîner; je
les ferai ce foir en me couchant.
L’Abbé P r i n t e m s .,
Ou cette suit en rêvant, n’eft-ce pas ?
L’Abbé de s A g n e a u x .
Et les tien*, toi qui parles fi bien?
O R G E .
L’Abbé P r i n t e m s .
O R G E.
L ’Abbé d e s A g n e a u x .
107
Je les ai faits en chemin ; Mademoifelle
du Gazon m’a aidé , 8c Madame de la Rivière
a aidé M. de la Forêt.
L’Abbé des A g n e a u x .
Jevousen faismoncompliment, Meilleurs;
vous avez des Mufes qui font plus propres à
infpirer que les Driades 8c les Hamadriades
des bois, où je me fuis enfoncé pour tva
vailler. M. de la Rivière eft dans fa chambïe
qui y travaille; il fe donne au diable; il dit
qu’on n’a jamais donné des bouts - rimés fi
baroques; il ne fait comment faire revenir le
mot calebaffe.
Mademoifelle D U B o CAGE.
Meffieurs, je viens du fallon. Madame
Dubois eft de fort mauvaife humeur : elle
n’a pas voulu être du piquet , 8c il n y a
plus de quoi faire fa partie. M. B... voudroit
que quelqu’un fe détachât.
Madame d e l a R i v i è r e .
M. de la Forêt 8c M. des Jardins pour-
roient y aller. Vous feriez un wisk ou un
reverfi. Si on a befoin de moi, vous me le
ferez dire.
M. de la Forêt 8c M. des J ardins.
Oui, Madame ; mais fi on peut fe paffer
de nous, nous reviendrons bien vîte.
Mademoifelle R o s e .
L’abbé, faites-nous donc jouer à combien
vaut (orge ?
L'Abbé des A g n e a u x .
Volontiers. Je vais d’abord vous expliquer
le jeu. Il y en a un qui eft le maître , 8c qui
\ fait des queftions ; 8c c’eft moi, s il vous plaît,
qui ferai le rôle. Les autres ont différens noms
bien finguiiers ; l’un s’appelle Pierrot....
L’Abbé P r i n t e m s .
Moi, je ferai le rôle de Pierrot.
Les autres s’appellent Combien, Comment,
Diable ,Peffie, Vingt fous , Trente fous, Quarante
fous , 8cç. On invente tous les noms
au’on veut : dès qii ori s’entend appeller, il
faut répondre : p la ît-il, Maître } 8c alors le
Maître vous demande combien vaut l’orge,
8c on répoiyl le prix qu’on veut, vingt fous
ou cinquante fous.
Mademoifelle R os e .
Je ferai bien le rôle de diable.
Mademoifelle d u R u i s s e a u .
Je vous regarderai jouer.
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Retenez bien vos rôles. Les voici.
L’Abbé Printems, Pierrot.
Madame de la Rivière , Combien,
Madame de la Haute-
Futaie , Comment.
Le Chevalier Zéphir, 'Pefte.
Mademoifelle R o fi, Diable.
Mademoifelle de la Haute-
Futaie, Vingt fous.
Mademoifelle du Ga\on, Quarante (ous.
- Mademoifelle du Bocage , Cinquante fous.
Et moi, Méfiâmes, le Maître.
Allons ; attention , s’il vous plaît, je commence.
Pierrot?
L’Abbé P r i n t e m s .
Plaît-il, Maître ?
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Combien vaut l’orge ?
L’Abbé P r i n t e m s .
Cinquante fous.
L’Abbé d e s A g n e a u x .
Diable.... c’eft bien cher. Un gage, Made-
moUelle Rofe, j’ai fait une petite paufe apies
O 1