P R EM IÈ R E SE C T IO N .
S u r l e M e g a l o n t x .
M. Jefferson, ancien président des États-Unis, dont les vertus et
les talens ont fait le bonheur du peuple qu'il gouvernoit et 1 admiration
de tous les amis de l’humanité, et qui joint à ces qualités supérieures
un amour éclairé et une connoissance étendue des sciences
auxquelles il a procuré de notables accroissemens, est le premier
qui ait fait connoître cette intéressante espece d animal fossile. Il
annonce dans un mémoire lu le io mars 1797 > a ^a philosophique
de Philadelphie, et imprime dans le t. IV, n°. X X X , de s «s
Transact., p. 246, qu’on en découvrit les ossemens à une profondeur
de deux ou trois pieds, dans une caverne du comté de Green-Briar,
dans l’ouest de la Virginie. 11 y a beaucoup de ces cavernes dans eette
contrée dont le sol, depuis les montagnes bleues, est généralement
de pierre calcaire , et qui ressemble par conséquent beaucoup «aux
cantons d’Allemagne et de Hongrie, où l’on trouve eesfameux ossemens
fossiles qui appartiennent pour la plupart a des especes d ours
dont nous avons parlé dans notre volume précédent.
F eu Washington avertit M. Jefferson de cette découverte le 7 juillet
1796, et le colonel John Steward lui envoya peu de temps après une
partie dès Os que l’on avoit trouvés. Il en reçut encore quelques-uns
de M. Hopkins de New-Yorck qui avoit aussi visité ces cavernes,
mais le plus grand nombre fut enlevé et dispersé par différentes personnes.
Les os remis à M. Jefferson furent, d it - il, un petit fragment de
■ fémur ou d’humérus, un radius complet, un cubitus complet cassé
en deux, trois ongles et une demi-douzaine d’autres os du pied ou de
la main,
Comparant ces os à leurs, analogues dans le lion, il trouve que
le megalonyx ( c ’est ainsi qu’il nomme cet animal, et nous adopterons
sa dénomination), il trouve, dis -je , qu’il devoit avoir cinq
pieds et quelque chose de haut, et peser environ 8g3 livres. Il en
conclut que c’étoit le plus grand des onguiculés, et qu’il étoit peut-
être l’ennemi du mammouth (le mastodonte ou animal fossile de
l’Ohio), comme le lion l’est de l’éléphant.
Il ajoute que les plus anciens historiens des colonies anglo-américaines
font mention d’animaux semblables au lion, et que l’on voit
sur un rocher, à l’embouchure du Kanhawa dans l’Ohio, des figures
d’animaux qui doivent avoir été tracées de la main des sauvages, tant
elles sont grossières, .et parmi lesquelles il y en a une qui représente
le lion. Elle n’a pu être piise du puma ou prétendu ZtoraÀ’Amérique
ffelis discolor) , puisqu’il n’a pas de crinière. Enfin des voyageurs,
parmi lesquels il y en a encore de vivans, ont entendu pendant la
nuit des rugissemens terribles qui effrayoient les chiens et les chevaux.
Ces.récits et ces images ne prouvent-ils pas, ajoute M, Jefferson,
l’existence de quelque grande .espèce inconnue de carnassier dans
l’intérieur de l’Amérique, et cet animal redoutable ne seroit-il pas
précisément le megalonyx?
C’est à peu près sur des raisonnemensdecegenre que, feu M. Faujas'
s’appuyoit, lorsque.!, dans ses Essais de Géologie, 1 .1, p. 319, et avec
-sa légèreté ordinaire, il prétendoit contester le rapprochement que
j’avois fait de cet animal avec les paresseux. I l n ’y voyoit, disoit-il,
que l ’abus d ’une méthode artificielle pour contraindre pour ainsi
dire la nature à se p lier à des classifications factices q u e lle ne
connutjam « A ,• il s o u ti n t que cet animal fo s s ile , n ’ayant pu exister
qu’en détruisant beaucoup, a dû avoir nécessairement de grands
moyens d’attaque et de défense contre d ’autres animaux, etc, , et
-que l ’on ne pouvait le mettre sur la même ligne que les paresseux,
ces êtres m alheureux, fa ib le s , indolens, etc'.
Mais dès ce temps-là il se trouvoit des naturalistes habitués à une
marche plus précise , et qui avoient envisagé ces débris sous leur vrai
point de vue.
T. Y. 21