Je voudrais pouvoir aussi en éclaircir l’histoire naturelle, mais
le peu d’échantillons entiers de ces animaux que l’on possède dans
les cabinets, les variétés auxquelles sont sujets ceux que nous con-
noissons bien, l’imperfection et le vague des descriptions que les
voyageurs ont données de ceux qu’ils ont observés dans les parages
lointains, et le peu de critique que les naturalistes nomenclateurs
ont mises dans leurs catalogues, sont cause que de long-temps on
n’aura des idées suffisamment nettes sur les espèces des phoques
ni sur leur synonymie.
On trouve dans la mammalogie deM. Desmarets, qui fait partie
de l’Encyclopédie méthodique, un recueil fort complet des indications
de phoques éparses dans les auteurs; mais on peut y juger aussi
combien ces indications sont insuffisantes et contradictoires, et h
quel point il est nécessaire de s’appuyer pour les débrouiller sur des
objets positifs d’observation.
C’est pour ébaucher ce travail, que je vais consigner ici les observations
précises, que j’ai pu faire sur des objets bien déterminés; si
l’on côntinuoit à décrire ainsi les espèces que je n’ai pas vues, on
arriverait h des résultats plus satisfaisans que ceux qu’il a été possible
d’obtenir par la comparaison des descriptions d’autrui.
Article premier.
Exam en des espèces de phoques, e t caractères particuliers de
leurs têtës osseuses.
§ I. Phoques proprement dits.
Le phoque communal) denos côtés peut servir d’un premier type.
Il est long de 4 à 5 pieds.
Les individus que j’ai vus vivans et disséqués n’avoient que de
(i) C’est à lui que Linnceus a prétendu donner le .nom de phoca vitulina,, mais dans ses
citations il a évidemment confondu une multitude d’ especes. On peut croire que c’est
le veau marin de Belon, A q u a t., p. 2 1 , mais sa figure n’a d’exact que la tête.. Celle de
Rondelet, Pise. m a r ., p. 453, est beaucoup meilleure ; mais celle du phoque de l’Océan ,
p. 458, est presque aussi mauvaise que celle de Belon. Celle de Gesnèr, Nom. a q ., p. 1,64,
3 à 4 pieds depuis le bout du museau jusqu’au bout de la queue;
mais ils n’étoient pas entièrement adultes.
Le fond de leur pelage est d’un gris jaunâtre pâle ; il est, sur le
dessus du corps, nuagé et marbré de gris noirâtre, parce qu’à ces
endroits la base des poils est noire ; mais toutes leurs pointes sont
gris-jaunâtres. Le tour des yeux et du museau, les côtés du corps
et tout le dessous, ainsi que les pattes, sont d’un gris jaunâtre pâle,
qui devient presque blanc en dessous. U y a du brun sur le museau
et sur le dessus de la queue. Telles sont ses teintes dans les muséums,
où l’huile a pénétré leur peau et jauni leur poil. Dans l’état de v ie , à
sec, il est beaucoup plus blanchâtre, et lorsqu’il sort de l’eau encore
mouillé, il paraît tout cendré en dessus. Les moustaches, de grosseur
médiocre, sont comme gaufrées ; les ongles sont noirs et assez forts.
Nous avons d’autres phoques qui viennent aussi de nos côtes, et
dont le pelage, entièrement d’un brun noirâtre, est marqué de
lignes tortueuses et irrégulières d’un gris blanchâtre, qui y forment
comme des îles et des marbrures.!Le dessous est plus pâle, et a ses
lignes grises plus larges et plus jaunâtres.
Il y en a des individus où le gris blanc du ventre domine davantage
et remonte jusque sur les flancs, et d’autres où les lignes du dos
représentent comme des yeux.
La longueur de nos individus est de 2 pieds et demi à 3 pieds.
Mon frère en a représenté un dans son histoire des mammifères
de la ménagerie, sous le nom peut-être impropre de phoque comet
Hist. de A q ., 706, n’est pas non plus très-bonne. Celle à’Aldrouande, Pise., 7»3, vaut
encore moins, et toutefois il seroit impossible d’y reconnaître une autre espèce j et l’en peut
dire que ces premiers auteurs modernes, s’ils en ont vu d’autres, ne les ont pas distinguées.
Quant aux anciens, ce qu’ils eu disent convient aussi très-bien au phoque commun :
l’absence d’oreille®, les dents en scie , etc. ) et c’est tout-à-fait à tort et sur de mauvais rai-
sounemens que Buffon a imaginé de soutenir que le phoque des ancien® était son prétendu
phoque de la Méditerranée, Hist. n a t., X , L I I I , lequel n’est pas plus de. la Méditerranée
qu’il n’étoit connu des anciens, car c’est une otarie de l’ocean Austral. Cette confusion
d’êtres n’en a pas moins été aveuglément adoptée par Erxleben (Mamm., 591 ) , Schreber
(Mamm., p. 3i 5) , Gmelin (Syst. lin n ., p. 65) , bien que BufFon lui-même l’ait rétractée
(Suppl.,t. V I , p. 3o5). t. y. 26